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Tunisie - L'homme qui en dit trop, Ayoub Massoudi fait des confidences fracassantes
31/08/2012 | 1
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Tunisie - L'homme qui en dit trop, Ayoub Massoudi fait des confidences fracassantes
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L’affaire d’Ayoub Massoudi, qui passe devant le tribunal militaire de Tunis suite à la plainte déposée par le général Rachid Ammar, semble s’estomper et perdre du terrain face à la multitude d’évènements marquant la scène sociopolitique en Tunisie. Pourtant, on ne peut dissocier ce dossier des autres faits, puisque tout semble lié et le tout remonte à la même source, à savoir : le gouvernement, la transition démocratique et la révolution.
Rappelons qu’Ayoub Massoudi risque aujourd’hui entre 3 mois et 3 ans de prison pour « atteinte au moral de l’armée et diffusion de fausses nouvelles à travers les médias » pour avoir soulevé une interrogation sur les raisons ayant incité Rachid Ammar à ne pas informer le président de la République de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi.


Ce ne fut qu’une déclaration entre autres portant aussi sur le gouvernement et son rendement. Ayoub Massoudi a, également, pris position dans certaines manifestations au centre du pays, où des jeunes furent arrêtés pour des revendications sociales. On se demande alors si la plainte a été déposée uniquement pour atteinte au moral de l’armée – si atteinte il y a – ou alors parce qu’Ayoub Massoudi, contrairement aux simples citoyens qui critiquent aujourd’hui la situation, est un ancien homme du palais qui risque de trop en dire ? Un démissionnaire qui ne cesse de faire du bruit et qu’il fallait faire taire ? Le punir d’être passé dans le camp de l’opposition ?

Nous avons eu un entretien avec Ayoub Massoudi qui est revenu à la chronologie des faits avant de nous livrer quelques détails de ce qui se passe derrière le rideau et sa propre lecture de la situation.
« Le 24 juin Rachid Ammar et Abdelkrim Zebidi, ministre de la Défense, ont accompagné le président de la République au désert tunisien. Partis à 8h du matin, ils ne sont revenus que vers 17h30. Le même jour vers 10h20 du matin, « par coïncidence », Baghdadi fut extradé vers la Libye.
L’objectif de la mission était l’inauguration de l’école militaire « Pasteur » à Borj El Khadhra et la visite de quelques sites militaires. ». Ayoub Massoudi précise : « On nous a dit de ne pas passer l’information sur ce déplacement pour des raisons sécuritaires » et il ajoute, par rapport à la date de la planification de la mission « il est vraiment rare qu’il y ait une planification à l’avance des activités présidentielles. »

Dans son témoignage, Rachid Ammar avoue avoir été au courant de la décision de l’extradition de Baghdadi, mais qu’il ne s’était pas senti dans l’obligation d’en informer le président et que c’était au gouvernement de le faire. Rappelons ici que Moncef Marzouki est le chef suprême des forces de l’armée et donc, le chef hiérarchique de Rachid Ammar. M. Massoudi ne tardera pas à souligner d’ailleurs que « le président étant le chef suprême des forces de l’armée, on ne peut extrader une personne - d’autant que cette extradition est en rapport avec un pays dont nos frontières sont communes tout en mettant dans une mauvaise posture l’Algérie qui héberge des membres de la famille Kadhafi – sans que le chef de l’Etat n’en soit au courant. »

Ayoub Massoudi nous rappelle aussi que de son côté, Hamadi Jebali avait déclaré à l’ANC qu’il s’était réuni avec les officiers supérieurs de l’armée qui ont estimé l’extradition de Baghdadi comme étant moins coûteuse que de le garder.
Dans ce cadre, Ayoub Massoudi relève : « On vit dans un pays où un général est au fait de choses, mais pas le président, c’est le contraire qui devrait avoir lieu normalement… »
Le président est manipulé et isolé, mes déclarations ont, entre autres, mis le doigt là-dessus. J’irais jusqu’à dire qu’il existe déjà une guerre « par procuration » entre responsables politiques ». »


L’affaire Baghdadi Mahmoudi semble n’être que la partie visible d’un iceberg que l’opinion publique ne connaît pas. En effet, Ayoub Massoudi nous apprend que concernant la nomination des gouverneurs, par exemple, le parti Ennahdha a procédé seul, sans consulter ses alliés. La longue liste de ces gouverneurs, reçue au palais et transmise par Imed Daïmi au président, a suscité un grand éclat de colère chez ce dernier que M. Massoudi entendait révéler.

Ayoub Massoudi poursuit en expliquant la situation : « le 15 juillet, j’ai parlé sur la chaîne « Ettounissia », le 18, je suis parti en France et je suis revenu au bout de trois jours. Entretemps, le président a reçu Rachid Ammar et Abdelkrim Zebidi le 19. Le lendemain, un communiqué du gouvernement a été rendu public condamnant mes déclarations et les qualifiant «d’irresponsables et nuisant à l’Etat et l’image de l’armée, donc ne pouvant rester sans suites ».
« Il est clair qu’ils ont pris l’aval du président pour sortir ce communiqué, m’adressant un message pour me taire ».
« Durant les quelques jours où je suis resté en France, quelques membres du CPR et du cabinet présidentiel m’avaient mis en garde contre une potentielle menace et conseillé de ne pas rentrer au pays».

Il continue à nous réciter les faits : « Le 11 août, je suis parti à Sidi Bouzid et j’ai publié, le 12, un article intitulé ‘Sidi Bouzid et la Mafia’ où je parlais de l’absence de toute activité de développement dans cette région et de la volonté d’Ennahdha d’y flouer la population».
Il poursuit dans la chronologie : « j’y suis revenu le 14, jour de la grève générale pour protester avec la foule contre la traduction de 12 personnes devant le tribunal de première instance le jour même et exiger que les familles y assistent ainsi que la libération des détenus, considérés par nous comme prisonniers politiques ».
Suite aux déclarations et positions j’avais, et après avoir accusé Rachid Ammar, ils ont estimé que j’avais touché à la garantie de la stabilité de l’autorité politique en Tunisie : chef d’Etat, chef du gouvernement, Troïka et leurs deux alliés, le Qatar et les USA »
« D’ailleurs, ce gouvernement n’a pas de légitimité révolutionnaire, il a l’appui de ses alliés qatari et américain qui lui procurent argent et armement. Comment expliquer alors que les Etats-Unis aient décidé d’augmenter considérablement leur aide militaire au profit de la Tunisie ?».

« Parmi les détails qui ont entouré mon affaire, le 17 août, Adnane Mnasser déclare que je n’avais pas remis mon passeport diplomatique. Or, tout conseiller ou secrétaire d’Etat peut disposer de l’habitat, du téléphone, de la voiture et du passeport diplomatique jusqu’à trois mois après qu’il ait quitté son poste. Il semble avoir omis de préciser que le 6 juillet (huit jours après ma démission) j’avais tout remis sauf le passeport. Seul avantage non matériel puisqu’ayant démissionné de mon travail en France et ne jouissant que de carte de séjour renouvelable annuellement, formalité que je n’ai pas effectuée cette année, ce passeport était ma seule perspective pour aller voir ma famille le temps que je régularise ma situation. », souligne-t-il.

Concernant les faits et la lecture politique de la situation, Ayoub Massoudi affirme qu’il n’existe point de prospection ni de stratégie claire, outre l’isolement et la manipulation du président.
« Ettakatol a disparu sur le plan politique. Un député d’Ettakatol m’a confié qu’il ne représentait aujourd’hui qu’un groupe d’amis (chella) comme Mohamed Bennour, Khalil Ezzaouia, Lobna Jribi qui œuvrent pour faire parvenir Mustapha Ben Jaâfar à la présidentielle afin d’accéder à quelques postes ministériels. De son côté, MBJ acceptera le régime parlementaire qu’Ennahdha veut passer, même avec de faibles prérogatives, car l’âge maximum pour se présenter au poste de président sera de 75 ans, il en a 72 et ce sera alors sa dernière chance. , indique encore M. Massoudi.
Il continue : « le CPR n’est qu’un parti porteur d’un rêve de pouvoir et les membres d’Ennahdha ne reconnaissent pas la notion de l’Etat nation. C’est pour cela que l’extradition de Baghdadi ne fut pour ce parti qu’un « don sans suite fait aux frères musulmans ». »

« Nous sommes en train de glisser d’une manière pernicieuse et invisible dans une dictature religieuse alors que la Tunisie est vendue contre des prêts. L’usine d’acier de Menzel Bourguiba revient à la Turquie, Sra Ouertane aux Qataris et Africom aux Etats-Unis. »
Dans un Etat de dictature religieuse on interdit de critiquer le sacré, dans un régime policier, on épie et arrête ceux qui critiquent les dirigeants et quand on vit dans une dictature militaire, on ne doit jamais toucher à l’armée. En Tunisie, entre armée, Abdelliya et guignols, le joug des trois règles se resserre et on est en droit de se demander, quelle démocratie est-on entrain de nous offrir, puisque les trois autorités, religieuse, politique et militaire se montrent si susceptibles et se dressent en alliées interdisant tout et par tous les moyens ?

Hajer AJROUDI
31/08/2012 | 1
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