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Chroniques
Tant que Naziha n’est pas là, les élections seront biaisées et non démocratiques
Par Nizar Bahloul
07/10/2019 | 15:59
5 min
Tant que Naziha n’est pas là, les élections seront biaisées et non démocratiques

 

Elles s’appellent Naziha, Chaffefa et Horra. Elles sont trois femmes qu’on a découvertes au moment de notre découverte de la démocratie. Avant, parait-il, on ne savait pas ce qu’était la démocratie. D’ailleurs, y a-t-il jamais eu d’élections démocratiques en Tunisie avant 2011 ? C’est ce qu’on a essayé de nous vendre lors de la révolution et le stratagème, aussi grotesque soit-il, a bien été vendu. Ainsi soit-il. Découvrons la démocratie avec ceux qui nous l’ont vendue en 2011. Il y a donc Naziha, Chaffefa et Horra, elles nous ont été présentées par Mustapha Ben Jaâfar, premier président de l’Assemblée de la République démocratique tunisienne, la deuxième du nom.  Celle de la Constituante, vous vous rappelez ? Ces trois charmantes dames symbolisent l’intégrité, la transparence et la liberté. Comme nous ne connaissions pas la démocratie et ce qu’est la démocratie avant 2011, retenons donc cette définition, il n’y a point de démocratie sans la présence de ces trois charmantes dames, Naziha, Chaffefa et Horra.

 

Voyeurs que nous sommes, nous avons commencé par nous attarder sur Chaffefa. Nous en avons vu des choses, hein ?! Des valises pleines de billets entrant en Tunisie sans contrôle, des billets distribués ici et là pour les meetings et les militants, du Chocotom, des mariages collectifs, des circoncisions, des gifts pour les futurs bacheliers, de l’intimidation, de la persuasion, du bruit lors du silence électoral. En dépit de tout ce que nous avons relevé chez Chaffefa, rien n’a été signalé du côté du gendarme de la démocratie, l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie). Ces infractions ne sont pas des crimes. Passez votre chemin, les tricheurs sont maintenus, les élections sont bonnes ! C’était le cas en 2011 et en 2014, le parti Ennahdha est passé. A quoi sert Chaffefa si ce que l’on voit à travers elle n’est pas retenu par les autorités ? Passez votre chemin, vous ne comprenez pas ?!

 

Du côté de Horra, nous nous sommes interrogés si les règles du jeu sont bien respectées quand on voit que le bon Dieu a été invité sur la pelouse pour disputer la balle avec les joueurs. Ses maisons ont bien servi pour les entrainements aussi. Un peu partout, on entendait dire que si vous ne votiez pas pour le parti de Dieu, alias Ennahdha, vous allez crever en enfer, car vous aurez mécontenté le bon Dieu.  Aussi grotesque soit-il, le stratagème a bien marché aussi bien en 2011 qu’en 2014 et peut-être même en 2019. Passez votre chemin, les élections sont bonnes, il n’y a rien à relever, le parti islamiste n’a rien à voir avec la religion ! Mais son nom est bel et bien islamiste et son président est appelé cheikh un peu partout ! Passez votre chemin, vous ne comprenez pas ?!

 

Voyons alors du côté de Naziha, la seule qui nous reste pour s’accrocher et sauver, ce qu’il y a à sauver, de cette démocratie qu’on a découverte en 2011. Comment se passent les choses pour dame Naziha ?

A ce jour, du lendemain des élections, on remarque clairement que Naziha a fait faux bond. Qu’elle n’a pas été là durant toute la campagne électorale et la précampagne, que ce soit pour les législatives ou la présidentielle. Plusieurs l’ont réclamée, des observateurs nationaux et internationaux, des journalistes tunisiens et étrangers, le président de la République et même l’Onu. Mais voilà, l’Isie fait comme si elle n’a rien entendu.

Naziha n’est pas là, elle est arrêtée pour instruction (ou sur instruction, on ne sait plus trop) et on nous demande encore une fois de passer notre chemin, car les élections seraient démocratiques.

 

Où est Mustapha Ben Jâafar, père de la Constitution, cette meilleure constitution du monde ? N’est-il pas écrit dans cette constitution dans son article 23 que la torture morale est interdite ? N’est-il pas écrit dans son article 103 que le magistrat est tenu par l’obligation de neutralité et d’intégrité ? N’est-il pas écrit dans son article 126 que l’Isie se doit d’assurer la régularité, la sincérité et la transparence du processus électoral ?

Alors qu’on nous explique comment peut-on accepter des élections sans la présence de Naziha et avec des mises en doute, toutes relatives, de Chaffefa et Horra ?

 

Trêve de blagues, on en est là aujourd’hui. Nous avons organisé des élections législatives en l’absence du président du parti favori dans les sondages. Il est resté favori jusqu’à l’avant-dernier jour et puis patatras, Qalb Tounes a chuté le jour J après avoir subi toutes sortes de tortures morales, de diffamations, d’intox, d’injustices. A cause d’un écart de deux points, Qalb Tounes perd son privilège constitutionnel de former un gouvernement. Qui nous garantit que si Chaffefa était là, c’est Qalb Tounes qui aurait gagné ?

Dimanche prochain, le cas sera encore plus complexe, car c’est le deuxième tour de la présidentielle et le candidat Nabil Karoui est encore en prison. Comment peut-on accepter d’organiser des élections de cette envergure en l’absence de l’un des deux candidats ? C’est comme si vous alliez à un mariage auquel le marié (ou la mariée) est absent(e). On navigue en plein délire et l’Isie laisse faire. Comme des dindons de la farce, nous autres électeurs acceptons ce fait accompli de la dictature des juges et nous nous apprêtons à aller voter pour quelqu’un en prison. Quelqu’un qui n’a pas eu son droit absolu de mener sa campagne électorale ! Nous avons accepté ce « suppositoire » hier aux législatives et allons l’accepter la semaine prochaine pour la présidentielle.

Alors voilà, en l’absence (relative ou totale) de Naziha, Chaffefa et Horra, il est évident que nous ne sommes plus en démocratie ! De quelles élections parle-t-on en l’absence de ces trois dames garantissant le processus électoral, un des piliers de la démocratie ?

La démocratie telle que nous l’avons découverte en 2011, telle qu’elle nous a été vendue par Mustapha Ben Jaâfar et toutes les nations du monde, cette démocratie là n’est plus.

 

A partir du 14 octobre 2019, quand on va parler de démocratie, ce sera de l’hypocrisie totale. Exactement comme on en parlait avant la révolution. Une démocratie de façade qui est plus sale et plus noire que l’autre démocratie de pacotille qu’on avait sous Bourguiba et Ben Ali. En termes plus clairs, le mot « démocratie de façade » est synonyme de dictature.

Il se trouve qu’avant, on avait une dictature éclairée et progressiste. Maintenant, on va avoir droit à la dictature des juges, la dictature religieuse et, cerise sur le gâteau, la dictature de populistes incultes. 

Par Nizar Bahloul
07/10/2019 | 15:59
5 min
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Commentaires (28)

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Sémite
| 10-10-2019 16:05
Personnellement, je préfère Chaffefa. Elle montre tout, sans fausses pudeurs...

Rationnel
| 09-10-2019 14:14
On peut devenir député avec aussi peu de 1400 votes surtout dans les régions intérieures. Donc si on peut acheter un vote pour 50 dinars, le poste de député va coûter 70 000. Olfa Terras a indique avoir reçu plusieurs appels de la part de personnes qui étaient prêt a payer 150 000 pour être tète de liste de son parti. Un député touche un salaire de 3300 dinars, plus 1200 dinars par mois comme indemnité de déplacement, de frais de bouche et de logement soit 270 000 dinars sur 5 ans. Ceci produit un retour sur investissent de 286%. En plus le député a une immunité et un passeport diplomatique ce qui va permettre a un contrebandier d'élargir son entreprise et champ d'action et de voyager tranquillement partout ou il désire en toute impunité.

Le mode de scrutin, l'un des pire jamais conçu dans le monde, va toujours des résultats qui sont ni démocratique ni représentatif du peuple. C'est un système qui est facilement manipule par les extrémistes et les criminels.

Abdelkader
| 09-10-2019 13:11
Dans les vieilles démocraties , une alliance implicite s'est établie entre les journalistes et les juges pour contrecarrer l'hégémonie des politiques .
Notre pays a quant à lui donné naissance à une mystérieuse singularité , qui consiste à être tous contre tous et où l'arrogance le dispute à la morgue !

RiRI
| 09-10-2019 10:13
Pour dire les choses autrement cher Nizar au sujet de votre article: on ne peut pas implorer le choléra pour conjurer la peste.
Il faut lutter contre les deux fléaux. Tant mieux si on a déjà commencer par le choléra, même si (comme on le sait) ceci est téléguidé.
Prions et oeuvront pour une Tunisie saine. Ce n'est pas nécessairement utopique;

antireligion
| 08-10-2019 19:04
et MEHRZIA elle est ou au hammam peut être

MH
| 08-10-2019 18:45
Je préfère de loin cette démocratie meme amputée que celle de président à vie ou président élu avec 99,99%.A nos jeunes lecteurs qui n'ont pas connu ces époques, ce n'est pas une blague on gagnait vraiment avec 99,99%.

fez
| 08-10-2019 17:42
Nizar, bravo! Ces trois belles dames (hraiers tounes) sont toujours présentes (elles répondent toujours présentes à l'appel), mais les "intègres"? l'ont droguées (anesthésiées). Elles se réveilleront certainement, mais c'est trop tard cette fois-ci. Elles étaient overdosées.

mabrouk 3lina
| 08-10-2019 17:00
Mr Bahloul,
Voyez plutôt AUSSI du coté des partis que vous avez tant soutenu (parti(s) en fumée).Toutes les élections comportent des infractions, bavures ,imperfections tout ce que vous voulez...J'aurais été étonné si un parti que vous soutenez aurait gagné les législatives que vous écriviez un article pareil.Ceci n'empêche pas de revoir les failles juridiques qui nous ont mené vers la situation actuelle.

Nour
| 08-10-2019 15:02
Bien vu Nizar
Naziha,Chaffefa Horra ont étaient signalés absentes ,perdues dans le méandre de la démocratie. Je dirais même plus ! Kidnappées !! Notre fierté notre belle démocratie qui a vu le jour 2011 passe de l'aube au crépuscule on perdant ses trois beautés. Et notre pays va vers une servitude volontaire puisque notre dictateur est belle et bien élu et il a la main mise déjà sur les institutions du pays ! Le reste est pour amuser la galerie.
(Une nation fatiguée de long débats consent volontiers qu'on la dupe, pourvu qu'on la repose, et l'histoire nous apprend qu'il suffit alors pour la contenter de ramasser dans tout le pays un certain nombre d'hommes obscurs ou dépendants, et de leur faire jouer devant elle le rôle d'une assemblée politique, moyennant salaire.) A.TOCQUEVILLE.
Je termine avec une autre citation de '?.T << IL N'Y A QUE DIEU QUI PUISSE SANS DANGER '?TRE TOUT -PUISSANT.

( ? )
| 08-10-2019 14:30
Elles ont quitté ( définitivement ) ces contrées pour maltraitance et par peur de la polygamie