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Chroniques
On va reculer pour mieux chuter
Par Nizar Bahloul
30/09/2019 | 15:59
7 min
On va reculer pour mieux chuter

 

Nous sommes à J-6 des élections législatives et les nouvelles ne sont pas bonnes. Pas du tout bonnes. Pendant que tout le monde ou presque est occupé par la présidentielle, il y en a qui bossent sérieusement, et en catimini, pour les législatives. Pendant que tout le monde ou presque est occupé par le degré de culpabilité, de « mafiosité » de Nabil Karoui, il y a de véritables hors-la-loi qui vont passer, les doigts dans le nez, à l’assemblée dès la semaine prochaine. Pendant que tout le monde ou presque est occupé à attaquer ou à se défendre contre sa propre famille politique, il y a de véritables racailles qui vont être députés protégés par l’immunité qui vont désormais siéger au Bardo, voter des lois et décider de notre sort.

Vous vous rappelez « El Aridha Echâabia » de Hechmi Hamdi de 2011 ? Ce sera pire en 2019 ! « El Aridha Echâabia », pour ceux qui l’ont oubliée, est ce groupement de listes indépendantes que personne n’a vu venir, parce que ses membres étaient, justement, camouflés dans des listes indépendantes. On pensait avoir eu le pire en 2011, eh ben non, on va avoir pire en 2019.

 

Plusieurs de nos lecteurs nous accusent de snobisme, d’élitisme, de « bourgeoisisme », de mépris envers la classe populaire et le peuple et oublient que, de par notre position, c’est notre rôle d’avertir des dangers qui se présentent, parce que nous avons (contrairement à l’écrasante majorité de nos lecteurs) les tableaux de bords et l’information qu’ils n’ont pas. A chacun son métier, le nôtre est d’être informé et d’informer.

Sauf que voilà, il n’est pas possible de publier toutes les informations pour différentes raisons. Parfois, nous avons des témoignages en off, parfois nous assistons à des scènes qu’on ne peut pas relayer parce que nous nous devions de respecter les hôtes du lieu ou la confidentialité souhaitée de nos confidents, parce qu’il s’agit de mettre en danger notre source, parce que nous n’avons d’autres preuves  matérielles que notre bonne foi ou parce que la loi nous l’interdit tout simplement. Pour le cas précis des élections par exemple, il nous est interdit de dire qu’il y a un danger à venir, car il nous est interdit « de diffuser ou publier des sondages d’opinion directement, ou indirectement, ainsi que les études et commentaires journalistiques y afférents à travers les différents médias » (article 70 du code électoral).  Comment voulez-vous qu’on fasse notre travail correctement et qu’on donne à nos lecteurs certains outils indispensables de compréhension avec un code électoral aussi idiot et anachronique ?

N’empêche, quelle que soit la raison qui oblige le média à priver ses lecteurs/auditeurs/téléspectateurs de certaines informations, il y a un fait indéniable, le média est (le plus souvent, voire toujours) plus informé que son public. Partant, il est donc mieux outillé que son public pour émettre des analyses, des opinions et des avis. Ceci est également valable avec plusieurs de nos chroniqueurs radio et télé, souvent injustement injuriés.

 

A partir de là, et quand on dit qu’on va avoir pire en 2019 qu’en 2011, nous pesons nos mots et nous nous basons sur des faits, des chiffres et des interconnexions dangereuses entre différentes parties. Il ne s’agit en aucun cas de dénigrer Kaïs Saïed, Moncef Marzouki ou tel ou autre parti parce qu’il est, comme on nous en accuse parfois, basané, du sud, rural ou on ne sait quelle autre adjectif fantaisiste, mais parce que cet individu ou ce parti représente un danger pour la Tunisie, telle que nous la concevons, un danger pour la République, pour la laïcité, pour les libertés, pour la cohésion sociale (Marzouki nous a tellement divisés !), pour le respect des lois et de la justice (le cas de Youssef Chahed) ou encore pour le système, tel le cas avec Kaïs Saïed présentement.

C’est à la mode aujourd’hui, et pas qu’en Tunisie, d’être anarchiste et/ou antisystème. Plusieurs pensent que c’est une bonne chose. Sauf qu’on oublie qu’un antisystème au pouvoir et qu’une fois le système cassé, la Tunisie ne sera plus ce qu’elle était, ce sera le chaos pour ne pas dire la guerre civile. Des exemples concrets ? La Libye, la Somalie, le Venezuela, Cuba. C’est à ça que l’on expose la Tunisie si l’on vote pour ces candidats indépendants proches de Kaïs Saïed, de Safi Saïd, de la Karama de Seïf Eddine Makhlouf ou de l’UPR de Lotfi Mraïhi.

L’antisystème qu’ils préconisent fera que le Tunisien risque très fort de ne trouver ni eau, ni électricité chez lui, pas de médicaments dans la pharmacie, pas de fonctionnaires faute de salaires et peu de denrées dans les supermarchés. Ils veulent casser les industries qui marchent et les hommes d’affaires qui réussissent et oublient que ces derniers ont leur avenir déjà garanti. Au mieux, ils arrêteront de recruter et d’investir le temps que le populisme à deux sous passe. Au pire, ils fermeront leurs sociétés, licencieront leur personnel (pauvre et moyenne classe) et iront vivre ailleurs.

Ils dénigrent matin et soir nos partenaires occidentaux oubliant que ce sont eux qui fournissent l’essentiel de nos besoins et achètent l’essentiel de nos produits.

 

Pensez-vous sérieusement qu’un jeune diplômé (parmi ceux qui entourent Kaïs Saïed) qui n’a pas réussi à trouver un emploi est réellement compétent et capable de sauver le pays ? Allons donc ! Les sociétés ne cessent de chercher les compétences capables de leur donner de la valeur ajoutée, mais elles n’en trouvent pas, au point de jouer aux débauchages chez les concurrents et de jouer les formateurs. A mes yeux, un jeune diplômé qui tarde à trouver un emploi est un jeune incompétent, qui ne sait pas rédiger une lettre en français ou en arabe, qui n’a pas suffisamment de connaissances pour s’imposer dans la société, qui a réussi avec de la fausse-copie et qui ne mérite pas son diplôme. Si tu es compétent, si tu es bosseur et si tu as quelque chose dans le ventre, tu réussiras tôt ou tard à trouver un emploi. A défaut, tu vas jouer les victimes du système, tu vas chercher à casser ceux qui réussissent et tu vas faire de telle sorte que le système s’adapte à ton bas niveau, au lieu que tu t’élèves à lui. C’est illusoire, naïf et clownesque que de penser que quelqu’un qui n’a pas réussi à résoudre ses propres problèmes personnels va pouvoir trouver des solutions à tout un pays en étant élu à l’Assemblée.

Quand bien même tu vas casser le système dans ton pays, que penses-tu pouvoir faire avec tes partenaires étrangers (tes clients et tes fournisseurs) qui exigent de toi d’appartenir à ce système que tu viens de casser ? Vivre en vase clos ? Eh ben tu vivras dans un vase clos comme les Somaliens, les Cubains, les Libyens ou les Vénézuéliens !

C’est illusoire de croire que quelqu’un comme Kaïs Saïed qui n’a pas renouvelé son passeport depuis 2014 (il a dit ça pour donner l’impression qu’il est proche du « peuple ») pourrait adopter une politique étrangère, alors qu’il ignore ce qu’est devenu le monde depuis cinq ans au moins et que son carnet d’adresses se limite aux personnes qu’il rencontre dans le pays !

C’est illusoire de croire que quelqu’un comme Seïf Eddine Makhlouf (et ses listes) va pouvoir maintenir la paix sociale, alors que 100% de son discours se base sur la division et la haine de l’autre. Ce même Makhlouf qui a un redressement fiscal de 259 mille dinars, qui a injurié publiquement et en toute impunité un magistrat, dont le frère est dealer de cocaïne en fuite à l’étranger et qui exprime son bonheur avec les révolutionnaires libyens, Kalachnikov à la main. Quelqu’un qui prend les armes contre ses propres compatriotes n’est pas digne de confiance, ne peut pas être digne de confiance.

 

Quand on dit que ce qui nous attend est pire qu’en 2011, ce n’est ni par snobisme, ni par régionalisme, mais par pragmatisme ! Pour dire cela, nous nous basons sur un tas d’informations et de renseignements que nos lecteurs n’ont pas, des études et analyses qui auraient échappé à nos lecteurs, des expériences comparées auxquelles nos lecteurs n’ont pas spécialement prêté attention et l’Histoire des peuples avec un grand H que nos lecteurs auraient tendance à oublier ou à ne pas voir.

Elire des listes populistes proches de Kaïs Saïed c’est prendre le risque de somaliser la Tunisie. Elire des listes proches des islamistes, c’est prendre le risque de transformer la chariâa en constitution. Elire des listes proches de Seïf Eddine Makhlouf ou Safi Saïd, c’est prendre le risque de voir la Tunisie ressembler à la Libye et vivre dans un bain de sang.

Par Nizar Bahloul
30/09/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (67)

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Nas058
| 04-10-2019 10:07
Je veux simplement noter que Cuba se classe 73 et le Vénézuéla 78 dans l'indice de de développement humain contre 95 pour la Tunisie en 2018.

Nad
| 01-10-2019 18:25
NB, le danger que vous évoquez, avec véhémence ( je suppose que c'est suite à un sondage confidentiel de Sigma Conseil) , nous en sommes conscients. Mais trop tard, le mal est fait ! Vous n'arriverez pas à convaincre ceux qui ont voté Saied, Makhlouf, Mraihi ou même Ennahdha, à ne pas voter pour d'autres listes indépendantes où il y a un peu de tout et de rien, des bandits ou de la « racaille » comme vous dites. D'ailleurs je ne pense pas que ceux-là font partie de vos lecteurs.
Mais vous-même n'avez-vous pas contribué à diviser un peu plus la famille centriste par vos articles et vos chroniques d'un parti pris parfois trop flagrant pour nous convaincre (sans preuves tangibles ou arguments convaincants) ? D'ailleurs vous continuez dans le même sens.. Vos articles ont perdu en objectivité ou du moins en nuances ; vous utilisez même des termes excessifs. Je ne lis plus NB ou BN avec la même confiance en tout cas. Et je pense n'être pas la seule parmi vos lecteurs à penser ainsi. Et svp ne parlez pas de ligne éditoriale pour vous justifier.
A part les sondages qu'il vous est interdit de publier, ne nous dites pas que vous détenez des informations , témoignages ou analyses que vous ne pouvez pas publier pour protéger vos sources. Ou vous informez , en protégeant vos sources bien sûr, ou vous vous taisez. Mais nous dire quoi faire ou pour qui voter parce que vous détenez des infos auxquelles vos lecteurs ne peuvent pas accéder n'a pas trop de sens.

Dimas
| 01-10-2019 16:47
Parler de "pragmatisme" dans, et de ce texte, est vraiment du snobisme.
Ce n'est que démagogie et irréalisme car rien dans ce texte ne reflète la réalité de la société tunisienne qu'elle soit politique, sociale, économique ou culturelle ni aujourd'hui ni en 2012.
Se présentant comme seul détenant des infos "inavouables" et qu'on ne divulgue pas pour des raisons aussi "inavouables" n'est que snobisme et mercantilisme.
Le but de l'auteur est clair en comparant l'incomparable: signe de snobisme, de mercantilisme puéril et surtout d'un salafisme révolu.

Justinia
| 01-10-2019 16:06
Je vous résume:
"les candidats démocrates",sont comme les naufragés du Titanic qui écoutent encore l'orchestre alors que le bateau coule.
Ceci,je l'ai dit plusieurs fois, mais j'ai oublié leurs égos...

Leilz
| 01-10-2019 16:01
Si Nizar comment pourriez vous penser que YC est en danger pour le respect des lois et justice y a wallah ahwel

yasmina
| 01-10-2019 15:24
Je souhaite que tu ecrira une autre analyse sur cette assembles de plusieurs qui n'ont rient compris - la lois eletorale doit changer , un minimum de niveau de competence et d'experience doit etre exigee, si non les elections futures tt court , pas seulement 2019, ne feront que enfoncer la tunisie plus profond dans la ....

Professeur de droit
| 01-10-2019 14:49
Le fait que tous les candidats démocrates n'aient pas appelé clairement à voter pour Nabil Karoui ( pas vote utile, mais vote de sauvegarde de la patrie!) montrent que la Tunisie est perdue.
Ces pauvres gens pensent, chacun dans son coin, qu'ils feront des meilleurs scores aux législatives, ALORS QUE CELA EST MATHEMATIQUEMENT IMPOSSIBLE ! Ils ne feront que l'équivalent de leur score aux présidentielles, puisqu'ils n'auront que les memes électeurs.
Le fait que certains partisans d'un très mauvais candidat ( celui dont la médiocrité dans la gestion du pays a entrainé cette situation), continuent de penser qu'on est dans cette situation parce que leur candidat a été disqualifié, signifie vraiment qu'il n'y a rien à espérer.
Ces autres autistes (pires que Saied), ignorent que leur candidat est la cause principale de la montée d'un Kais Saied, et que s'il n'y avait pas le génie personnel de "Makrouna", on aurait eu Saied et Mourou au second tour !!!
Ces autistes qui ont gaspillé la majorité du mandat de BCE ( de sa propre faute, il est vrai), ne semblent pas réaliser que c'est leur médiocrité, élargie par le peuple à tous les modernistes, qui est à la base de ce vote incongru et de cette situation.
Malades jusqu'au bout, ils continuent encore à sevir, et sans doute à agir contre NK. Naifs comme ils sont, ils ignorent que c'est eux que Saied et Nahdha sacrifieront, en cas de victoire, puisqu'il faudra donner au peuple des tetes à couper. Ceci est pourtant clairement lisible dans le dernier discours de Ghannouchi.

Abdellatif Ellouze
| 01-10-2019 14:04
J'apprécie la publication de cet article qui reflète l'état des lieux de cette période électorale à haut risque.
J'espère que les lecteurs comprennent la signification du contenu de cette analyse à partager largement

bce
| 01-10-2019 13:48
Qu'attendez vous pour faire fonctionner tous vos réseaux d'influence et contrer une fois pour toute ce mouvement de souk sauvage à la con.

sss
| 01-10-2019 13:40
Il fallait vraiment y réfléchir avant !!! Dénigrer l'un ! Dénigrer l'autre ! S'acharner sur l'un !! S'acharner sur l'autre !!! C'est celà la démocratie!!!! Bassesse d'esprit de culture et d'intelligence !!! Lorsque l'on ne regarde que notre bout du nez on s'écrase on se fracasse la figure parce que l'on ne voit pas !!!