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Chroniques
L’Isie a bousillé le processus électoral
Par Sofiene Ben Hamida
20/10/2019 | 15:59
4 min
L’Isie a bousillé le processus électoral

Par Sofiene Ben Hamida

 

Conformément à la Constitution, le chef de l’Etat par intérim Mohamed Ennaceur ne dépassera pas les 90 jours. Le nouveau président de la république, Kaïs Saïed, prendra ses fonctions dans 72 heures. Le tribunal administratif statue déjà sur les recours relatifs aux élections législatives pour nous donner dans quelques jours la composition définitive du nouveau parlement. On peut dire donc que le processus électoral touche à sa fin. Mais on doit remarquer aussi, que si ce processus n’a pas connu de graves problèmes, il n’a pas été exempt de tout soupçon par la faute de l’Isie, qui a manqué à son rôle, failli à sa mission et a été le maillon faible du processus électoral 2019 en Tunisie.

 

Selon l’article 126 de la constitution tunisienne, l’Instance supérieure indépendante pour les élections est une instance constitutionnelle qui « est chargée de la gestion des élections et des référendums, de leur organisation dans leurs différentes phases. L’instance garantit la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral et proclame les résultats ». En termes clairs, l’Isie n’est pas un simple agent technique mais un acteur primordial du processus électoral qui ne peut en aucun cas se dérober du volet extrêmement politique de sa mission. Malheureusement pour l’Isie dans sa composition actuelle, elle a montré qu’elle a des difficultés à se hisser au niveau de ses responsabilités historiques et s’est cachée derrière sa mission logistique, à fournir une sorte de service minimum, pour cacher son incapacité.

 

Dans sa chronique datée du 7 octobre dernier, notre collègue Nizar Bahloul avait déjà alerté que « Tant que Naziha n’est pas là, les élections seront biaisées et non démocratiques ». Seulement, l’autodérision ne peut être efficace qu’avec des gens intègres et des esprits fins. Qu’aurait dû faire l’Isie alors ? Assumer pleinement ses responsabilités et décider sur la base de ses obligations constitutionnelles de garantir la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral. Au lieu de se murer dans la logique du service minimum et se dire que « tant qu’il n’y a pas un texte clair, je ne prends pas de décision », il fallait au contraire prendre des décisions, même en l’absence de textes clairs, pour préserver la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral. Ceux qui ne sont pas satisfaits des décisions de l’Isie pourront toujours faire un recours auprès du tribunal administratif.

 

Concrètement donc, au niveau de l’élection présidentielle, l’Isie aurait pu, si elle avait voulu jouer pleinement son rôle constitutionnel, suspendre les candidatures de Slim Riahi pour délit de fuite, Hatem Boulabiar pour suspicion de falsification des signatures de parrainage de sa candidature, Abid Briki, Hamma Hammami, Lotfi Mraihi et Mohsen Marzouk pour ouverture d’informations judiciaires contre eux pour fraude et falsification de signatures de parrainage, Abir Moussi et Seifeddine Makhlouf pour évasion fiscale, et bien entendu Nabil Karoui à cause de son affaire en justice en cours concernant des délits d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. On aurait eu donc au premier tour, 17 candidats en lice et non 26 candidats. Au second tour, la configuration aurait été toute autre avec des conséquences totalement différentes puisque Kaïs Saïd ne serait plus face à Nabil Karoui mais à un autre candidat. Vu de cet angle, on peut affirmer donc que par des décisions malheureusement prises au début du processus de l’élection présidentielle, l’Isie a lourdement influencé au final, les résultats de cette élection présidentielle.

 

Au niveau des élections législatives, l’Isie nous a mis un peu de poudre aux yeux en s’attaquant aux candidats les plus faibles pour aménager les gros poissons. Elle a invalidé les résultats de Aich Tounsi dans la circonscription de France 2 ainsi que les résultats du parti Errahma à Ben Arous. Si l’Isie avait réellement voulu assumer ses responsabilités historiques et constitutionnelles, se basant sur le bon sens, les observations de ses propres observateurs, des observateurs de la société civile, ainsi que sur les rapports de son partenaire, la Haica, qui est elle aussi une instance constitutionnelle indépendante, elle aurait dû invalider les résultats de toutes les listes de Aich Tounsi, Qalb Tounes, Ennahdha et Errahma pour publicité politique. Cela concerne certes 94 sièges sur les 217 sièges de l’ARP. Mais c’est à ce prix que l’Isie aurait pu et dû garantir la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral. Dans sa composition actuelle, c’est peut-être trop demander à l’Isie.

 

Dans ma chronique datée du premier septembre dernier et intitulée « L’Isie risque de bousiller le processus électoral », j’avais conclu que « si le processus électoral arrive à son terme sans trop de problèmes, ça ne sera pas grâce à l’Isie ». Je maintiens ma position.  

       

Par Sofiene Ben Hamida
20/10/2019 | 15:59
4 min
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Commentaires (17)

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Sony
| 24-10-2019 11:53
Si je suis bien Monsieur SBF:
- ce n'est pas permis pour la majorité parlementaire d'amender la loi loi électorale trois mois avant les élections pour éliminer des candidats
- MAIS c'est tout à fait permis que l'ISIE élimine des candidats sur des critères d'éligibilité inexistants dans la loi.
C'EST ON NE PEUT PLUS COH'?RENT, en effet!

tounsia2
| 22-10-2019 11:47
@Rationnel 21-10-2019 12:44
« L'ISIE essaye d'appliquer des lois qui sont mal pensées et mal adaptées et elle fait de son mieux »

Bonjour,
Je ne suis pas de cet avis car si l'ISIE était honnête, elle aurait pu remédier aux lacunes de la loi électorale en s'appuyant sur la loi Tunisienne qui interdit formellement à toute personne ayant un casier judiciaire ou poursuivi par la justice, d'accéder à la fonction publique et à plus forte raison à un poste politique; De plus, nous avons été nombreux à le rappeler et exprimer notre refus de cette démarche, mais l'ISIE a fait la sourde oreille et au lieu de profiter du soutien de la société civile et du support juridique offert par la loi Tunisienne, elle a préféré se cacher derrière une loi taillée sur mesure pour servir les intérêts du parti islamiste et ses alliés connus pour avoir des démêlés avec la justice, En outre, quand on voit que les 17 députés hors la loi fraichement élus et nullement représentatif du peuple, sont venus enrichir le bloc parlementaire du parti Nahda, on ne peut que douter de l'indépendance et de l'honnêteté de cette instance. Par conséquent, je pense que l'ISIE n'est pas un bouc émissaire mais plutôt coupable d'avoir directement ou indirectement manipulé ces élections et faussé la volonté du peuple.
Concernant votre remarque sur les éditorialistes de ce site, je pense qu'ils sont dans leur rôle de critiquer et dénoncer ce qui ne marche pas et c'est plutôt aux personnes concernées par ces critiques de trouver les solutions appropriées.

Coco2000
| 22-10-2019 09:46
Une instance indépendante élue par le parlement ne peut pas être indépendante. La procédure actuelle aboutit à la sélection des 9 membres par les partis au pouvoir. Le président et les 8 membres qui vont se tourner les pouces pendant 4 années avec rang de secrétaire d'?tat se doivent d'être reconnaissants envers leurs bienfaiteurs qui ne les ont pas choisis pour leurs compétences techniques.
Ainsi les résultats ne correspondent pas aux estimations et aux sondages et le premier parti a eu 52 sièges alors que les estimations sont de 40 ? Le président de l'ISIE sera gratifié par le parti "vainqueur" par un poste de premier choix en janvier 2020.
Il faut REVOIR LA PROC'?DURE DE S'?LECTION DES 9 MEMBRES DE L'ISIE. CE NE SONT PAS LES PARTIS QUI DOIVENT Y PLACER LEURS POULAINS.

Ntm
| 21-10-2019 15:44
Dima tibcou

Rationnel
| 21-10-2019 12:44
On peut ne pas se suffire a des éditos qui attaquent telle ou telle personnalité ou institution.
Les éditos de Soufiene et de Nizar sont pour la plupart des attaques contre des personnalités, partis ou institutions.
Ces chroniqueurs talentueux de BN peuvent présenter des idées constructives. '?a serait peut être mauvais pour le taux d'audience au début mais vos lecteurs vont développer un goût pour ces histoires plus positives. Facebook et les autres media sociaux ont reprogramme les populations pour préférer la négativité, l'hostilité, les attaques et les insultes mais d'autres media comme TikTok et les podcast font l'inverse. Comme a dit McLuhan, "le medium est le message".
La loi électorale est le premier coupable de ce spectacle désolant et des résultats non-représentatifs. L'ISIE essaye d'appliquer des lois qui sont mal pensées et mal adaptées et elle fait de son mieux. La population est plutôt satisfaite de ces résultats, le mieux n'est pas l'ennemi du bien. Annuler une centaine de vote aurait créer une situation ingérable pour la justice et l'administration. On aura probablement des élections anticipées de toute façon pourquoi aggraver la situation?

EL OUAFI
| 21-10-2019 11:33
Oh que c'est très bien expliquer Mr Sofiene Ben Hamidah ! que faire maintenant monsieur ? je me pose la question pourquoi l'ISIE n'a t-elle pas pris les bonne décisions et qui pourrait les prendre ? Y a-t-il connivence ? pour un service minimum ? ça avantage qu'elle partie ?
pourquoi n'a t-elle pas pris les bonnes décisions et couper avec ces dérives qui se perpétuent et qui encouragent à d'autres dépassements et de ce fait l'impunité devient notre plat préféré !
pour mettre terme à ces dysfonctionnements il faut se pencher sur ce problème sérieusement et le soumettre à la future législature et que ce manque de courage ou fuite devant sa responsabilité ne renaîtrai dans cinq ans.(Manai)

cesarios
| 21-10-2019 00:33
En tunisie, pour avoir des élections sérieuses et transparentes, la seule et unique solution est de charger le ministére de la défense de s'en occuper de A à Z, l'ISIE est infiltrée par les différents partis et surtout des plus importants d'eux . La méfiance du peuple est trés remarquée , c'est pour cette raison que le taux de l'absentéisme est trés grand.Du point
de vue sociologique et psychologique, le peuple TUNISIEN a une confiance ancrée , une croyance absolue , et un respect total aux services rendus par ce ministére, si la loi l'autorise, pourquoi ne pas tenter cette expérience pour les prochaines élections

Moi
| 20-10-2019 22:04
Introduction: Les Tunisiens sont-ils égaux devant la justice?

@Mr. Sofiene Ben Hamida , vous écrivez "l'Isie aurait pu, si elle avait voulu jouer pleinement son rôle constitutionnel, suspendre les candidatures de Slim Riahi pour délit de fuite, Hatem Boulabiar pour suspicion de falsification des signatures de parrainage de sa candidature, Abid Briki, Hamma Hammami, Lotfi Mraihi et Mohsen Marzouk pour ouverture d'informations judiciaires contre eux pour fraude et falsification de signatures de parrainage, Abir Moussi et Seifeddine Makhlouf pour évasion fiscale, et bien entendu Nabil Karoui à cause de son affaire en justice en cours concernant des délits d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent."
ET je vous donne raison, par contre je vous rappelle que vos nouveaux "amis" du clan RG ont aussi des affaires en justice en cours concernant plusieurs délits. Alors pourquoi barrer le chemin aux uns et un laisser faire avec d'autres.

@Mr. Sofiene Ben Hamida, J'ai beaucoup aimé vos articles à un certain temps passé pour leur objectivité, mais ces derniers temps vos articles sont trop superficiels et sans aucune objectivité'?'

Non Mr. Ben Hamida, en vue d'édifier un régime républicain démocratique et participatif (le projet de Mr. Kaïs Saïed), l'?tat devrait garantir la primauté de la loi, le respect des libertés et des droits de l'Homme, l'indépendance de la justice, et l'égalité de tous les citoyens et citoyennes en droits et en devoirs... Et ce message, de Mr. Kaïs Saïed, n'a pas été compris par le clan RG'?'

Pour le moment, tous les Tunisiens sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres. Et j'espère que Mr. Kaïs Saïed tiendra ses promesses et changera cette formule'?'


@Lectrice, j'ai beaucoup cru à un certain temps en Mr. Youssef Chehed mais il est une grande déception. Il voulait être simultanément le pouvoir législatif, exécutif et juridique... je suis entre-temps très content qu'il n'a pas pu conquérir Carthage...


Bonne soirée à tout le monde'?'

Be zen
| 20-10-2019 21:25
Merci pour votre réponse et votre franchise.
Je comprends votre désarroi et votre réticence, néanmoins, je ne partage pas votre choix, vous avez laissé les autres choisir pour vous !
Bonne fin de soirée à vous aussi.

Lectrice
| 20-10-2019 21:03
J'ai voté Chahed 1er tour
2eme tour personne j'avais pas le choix

Bonne soirée, j'ai la conscience tranquille ni peste ni choléra.