Le 14 juillet 2020, une jeune femme de 27 ans a été condamnée à six mois de prison pour «incitation à la haine entre les religions et appel à la discrimination». Son délit : avoir partagé sur sa page Facebook un texte humoristique sur le coronavirus qui prend la forme et la rime des écrits coraniques. Pourtant, la blogueuse a reçu une multitude d’injures et de menaces de mort et aucune enquête n’a été ouverte à cet effet. La Justice semble se contenter d’emprisonner la jeune femme.
L’histoire débute le 2 mai dernier quand la blogueuse Emna Chargui avait partagé un texte humoristique intitulé "Sourat Corona" (Verset du Corona, ndlr), imitant le format et l'ornement d’un texte coranique. Accusée de blasphème, la jeune femme avait comparu le lendemain devant le ministère public où elle a été inculpée pour "appel à la haine entre les races, les religions ou la population en incitant à la discrimination et à l'utilisation de moyens hostiles".
Le 14 juillet, la troisième chambre correctionnelle près du Tribunal de première instance de Tunis a condamné Emna Chargui à six mois de prison et 2.000 dinars d’amende. Ses avocats comptent faire appel. La blogueuse a, à cet effet, déclaré avoir peur et exprimé son inquiétude pour la liberté d’expression, le droit des femmes et la liberté de croyance en Tunisie.
Si Emna n’était pas l’auteure de l’image incriminée et la poursuite se basait sur un décret-loi relatif au droit de la presse, pour quelle raison la jeune femme a été condamnée à six mois de prison ? Si la Tunisie est un Etat civil, dans quelle mesure partager des propos sur les différentes religions peut-il entraver la liberté des autres ?
Dans une interview à Libération le 13 juillet, la blogueuse déclare : «Cette fois-là, je n’avais vraiment aucune intention de choquer. J’ai partagé parce que je trouvais que c’était drôle.». Elle admet avoir pleuré quand, après avoir revendiqué sa liberté de pensée, elle s’est vue répondre : «Non, vous n’avez aucune liberté !».
En effet, la jeune femme est poursuivie en vertu de l’article 6 de la Constitution tunisienne qui dispose que « L’État protège la religion, garantit la liberté de croyance, de conscience et de l’exercice des cultes. Il assure la neutralité des mosquées et des lieux de culte de l’exploitation partisane. L’État s’engage à diffuser les valeurs de modération et de tolérance et à protéger le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. Il s’engage également à prohiber et empêcher les accusations d’apostasie, ainsi que l’incitation à la haine et à la violence et à les juguler ».
La schizophrénie de la classe politique tunisienne s’illustre bel et bien dans cet article qui consacre la liberté de croyance et de conscience mais donne, en même temps, à l’Etat le rôle de protéger le Sacré et empêcher qu'on y porte atteinte. Ce qui donne lieu à toutes sortes d’interprétations et de dérives en conséquence.
Réagissant à la condamnation de la blogueuse, la présidente de la commission des libertés individuelles et de l’égalité, Bochra Belhaj Hamida a indiqué dans un statut, qu’il est nécessaire de se mobiliser pour adopter le projet du code des libertés individuelles pour garantir les libertés individuelles de tout le monde.
Le projet concocté par la Commission des libertés individuelles et l’égalité (Colibe) appelle à l’abolition de la peine de mort, la protection de la vie privée, l’abolition de l’incrimination de l’homosexualité, la garantie de la liberté de conscience et la révision des articles criminalisant l’atteinte à la pudeur et la moralité publique. Par conservatisme - voire obscurantisme - le code des libertés individuelles a pris la poussière dans les tiroirs du Parlement.
Soutenant la jeune femme, des organisations et des associations nationales ont signé une pétition pour dénoncer les campagnes de "takfirime", les menaces et la violence auxquelles a été exposée la blogueuse. Celles-ci ont exprimé leur inquiétude sur le « harcèlement judiciaire » disant que ce genre d’affaires devient un justificatif pour bâillonner les internautes.
A l’échelle internationale, Amnesty International (AI) avait appelé, fin mai, les autorités tunisiennes à abandonner les poursuites dans cette affaire. « Un tel procès envoie le message que toute personne osant exprimer une opinion controversée sur les réseaux sociaux risque d'être punie, » avait déploré Amnesty, appelant à protéger Emna Chargui après des « menaces inquiétantes » de « mort et de viol ».
Condamner les gens à cause de ce qu’ils pensent ou disent, est une absurdité que la jeune femme a fait les frais. Au-delà du contenu de la blague, partager un texte humoristique sur les réseaux sociaux ne peut pas être une raison convaincante de priver une citoyenne de sa liberté. Sinon, nous aurions aimé voir remis à sa place le député qui se permet de s’immiscer dans la vie privée de sa collègue en proférant des injures sexistes à son encontre ou ceux qui menacent de mort les personnens qui émettent une opinion contraire à la leur sur les réseaux sociaux.
Ainsi, l'Histoire montre que la meilleure façon de décrédibiliser une idée, c’est de démontrer logiquement qu’elle est fausse. Nul ne peut changer une idée en condamnant son auteur ou en interdisant sa propagation. Au contraire, cela aurait l'effet inverse et pourrait même avoir ce qu’on appelle un effet Streisand, en prenant de plus en plus d’ampleur, surtout à l'ère d'Internet.
La preuve, depuis l’annonce dudit jugement, beaucoup de personnes ont exprimé leur indignation postant de très nombreux messages de soutien à la jeune blogueuse. Certains ont même reposté le texte pour défier les autorités. « Condamnez-nous tous vous aurez les murs à gouverner » disent quelques internautes.
Notre société est démocratique mais sommes-nous si loin de l’obscurantisme, même si la jeune femme a été condamnée de prison pour avoir partagé une blague sur les réseaux sociaux? Avec une telle restriction de la liberté d’expression, n’étions-nous pas confrontés à un détournement de la démocratie tunisienne, encore jeune ? Dans quelle mesure faut-il faire confiance à l’Etat et la Justice ? Qui protège nos libertés individuelles ? Comment peut-on, dès lors, convaincre les jeunes à avoir confiance aux institutions de l’Etat ? Et se poser ces questions, n’est-ce pas cela, au fond, avouer une grande déception, sans masque ?
Imen Mehrzi
1- Aucun rapport avec la France
2- La France protège toutes ses communautés de la discrimination. Meme si ce n est pas encore parfait c est la direction qu'elle prend.
3-Arretons un peu avec le fantasme des "juifs" et évoluons.
çà ne vous choque pas
dans ce cas ce n'est qu'une piètre imitation ...
Je vous le souhaite ardemment...
Les islamistes n'ont que les apparences de la religion mais n'ont pas le fond qui devrait être fait de bonté et de tolérance.
En fait, ils servent uniquement leurs intérêts avec un vernis religieux pour essayer de tromper le peuple. Ca durera ce que ça durera mais les temps changent et' à mon humble avis, ils n'en ont plus pour longtemps avant d'être remisés à la poubelle de l'Histoire en Tunisie comme ailleurs.
Bon week rend quand même!
Or, dans le cas de cette jeune fille, on ne voit pas de sacrilège, y compris vis à vis de la Constitution, car sa publication- dont elle n'est même pas l'auteure- concerne le coronavirus.
Quand on connaît le nombre de personnes qui ne sont ni arrêtées, ni jugées, ni condamnées pour des faits autrement plus graves, on est en droit de se poser la question sur l'indépendance réelle de la justice et sur ses liens avec le parti islamiste au pouvoir en Tunisie.
"ce qu'a fait Emna, probablement sans intension, est de provoquer certains tunisiens."
je ne vois pas où est la provocation. Elle partage quelque chose, créé par un autre, qu'elle trouve humoristique.
Pourquoi l'auteur, qu'il est aussi facile de retrouver, n'est-il pas inquiété dans ce cas-là. Ou alors c'est en raison de sa condition d'être inférieur que lui donne sa condition de femme ?
Ses contempteurs se sentent-ils tellement faibles dans leurs croyances, qu'ils ont peur d'en être détournés par cette petite blague, qui n'est en aucun cas blasphématoire.
Pourquoi les Monty Python n'ont-ils pas été brulés vifs pour avoir moqué l'histoire de Jésus (la vie de Brian) dont certaines scènes furent tournées à Monastir...
Depuis 2011, nous n'avons fait que détruire !!!
Jeter ses ordures dans les rues
Brûler, voler les poubelles
Abandonner des bouteilles vides, des couches pleines, des mégots...sur les plages
Traiter de p...s des femmes et filles au motif qu'elles ne portent pas le foulard ou boivent café à une terrasse
Irrespect du code de la route
Non respect du Droit du travail
Fraude aux impôts et taxes
Violence dans les hôpitaux etc...
Faux témoignages
Etc etc...
De quoi occuper les juges à temps plein sans emmerder les jeunes femmes pleines d'humour!
Tout à fait!
Maintenant, expliquez nous en quoi Emna a manqué de civisme?
Dans Le Nom de la Rose, Umberto Eco fait dire au grand inquisiteur: "Dieu ne rit pas!".
C'est cela, n'est ce pas?
Quelle HORREUR!
Heureusement la vidéo a été tournée en France, la jeune femme dont je parle est aujourd'hui naturalisée française, elle ne met plus les pieds dans son pays.
Elles sont des millions comme elle, comme Emna, que l'on veut briser.
Pourquoi? Elles ne blasphèment même pas!
C'est cela le but, chasser les forces vives de la nation, priver la Tunisie de ce qu'elle a de plus vivant?
Vous n'avez pas de liberté, a dit le juge! Dans sa vidéo, la jolie bouclée répète plusieurs fois "Vous n'avez pas le droit de me juger"!
Mais la talibanisation avance, à grands pas. La Tunisie devient une dictature, un pays mort, aussi sale dans les têtes que dans les rues...
Dommage.
Une loi ignorée par l'auteur de l'article....
Avec tout le respect que j'ai pour notre religion, il faut donner à cette jeune une chance afin de se corriger.
@Mr. kais Saied: notre religion est celle du pardon, et si cette fille a fait une faute, il faut lui expliquer ce qu'elle a fait et lui donner une chance afin de se corriger... faites quelques choses Mr. kais Saied afin d'épargner à cette tunisienne la prison, et ceci pour l'amour de notre religion et pour l'amour de la Tunisie...
@Mr. kais Saied: cette jeune tunisienne n'a et n'avait aucune intention de blesser qui que ce soit. Il ne faut pas lui ruiner sa vie...
Le roi perdit son trône et Dieu sa toute puissance . Les sujet de sa majesté devinrent sujets de droit . La France offrit au monde la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen . La loi de 1905 paracheva l'édifice en séparant définitivement l'église et l'Etat .
Le processus fut long . Les Lumières , Voltaire , Rousseau , Montesquieu et d'autres avaient défriché le terrain et préparé les esprits .
En Tunisie , on a fait là révolution pour aboutir au résultat inverse . Plus de dieu , plus de mosquées , plus d'obscurantisme et d'emprise intégriste sur les esprits .
Jusqu'où ? Jusques à quand ?
Lugubre facétie du hasard , les juges de la troisième chambre du tribunal correctionnel de Tunis ne trouvent meilleure date pour embastiller Em'a Chargui pour une infraction imaginaire , farfelue , douteuse , inexistante .
Jugement qui n'est autre qu'une lettre de cachot version 2020 .
Je me répète . Nous sommes en droit pénal ; il en va de la liberté et de l'honneur des justiciables sans parler de nos libertés publiques ; l'incrimination ne doit souffrir d'aucun doute ni ambiguïté . Un élément fondamental , capital , essentiel manque cruellement , ouvertement , indubitablement , il s'agit de l'élément moral , c'est à dire l'intention de nuire de la part de Mme Chargui . Ce dont elle se défend et que personne n'a trouvé nulle part en dehors du ministère public et de quelques excités à la fatwa facile devant qui les juges du siège ont cru bon de faire carpette .
Il serait bon de leur offrir le "Traité sur la tolérance " .
Nous n'avons en ce pays ni Voltaire ni Rousseau . Je crains bien qu'on passe directement à Robespierre .
Certains ne l'auront pas volé .
Ecrit par A4 - Tunis, le 27 Septembre 2019
C'est mon grand maître qui me l'a dit
Il me l'a même écrit de ses mains
"Il n'y a ni peuple ni pays
Quand les juges ne sont que des crétins"
Il me l'a dit sans mâcher ses mots
L'a répété avec insistance
"Juges corrompus sont source de maux
Source d'échecs et de décadence"
Voyez jeunesse comme il a raison
Regardez bien ces juges peu fiers
Qui traînent de saison en saison
Pour étouffer les sales affaires
Ils traînent, cachant la vérité
Protégeant criminels et malfrats
Instaurant haine et impunité
Répandant peste et choléra
Regardez cette bande d'ingrats
Sensés sauver veuves et orphelins
Mais les voilà du côté des rats
Du côté des laids et des vilains
Ils sont sensés appliquer la loi
Avec courage et sans calcul
Les voilà avec les hors-la-loi
Sans dignité, sans aucun scrupule
Mon grand maître c'est bien sûr Khaldoun
Il nous le rappelle avec panache
Vous l'avez tous compris, sauf ces clowns
***
En effet j'ai reçu ce texte sur Facebook en France, et l'ai largement partagé, avec l'explication de ce qui arrive à Emna, afin de faire savoir aux internautes ce qu'est devenue la Tunisie.