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Kamel Néji : La crise Covid-19 est l'occasion de mesurer la robustesse du modèle de l’UIB
29/06/2020 | 21:04
10 min
Kamel Néji : La crise Covid-19 est l'occasion de mesurer la robustesse du modèle de l’UIB

 

La conjoncture nationale difficile a fini par rattraper l’Union Internationale de Banques (UIB). Ainsi, malgré un PNB en hausse de près de 16%, le résultat net a été plombé par un effort provisionnel supplémentaire. En outre et avec la crise Covid-19, 2020 s’annonce déjà assez compliquée, comme l’explique si bien le président du Conseil d’administration Kamel Néji. Une nouvelle épreuve qui permettra à la banque de prouver sa résilience.


C’est ce qui ressort globalement des Assemblées générales ordinaire et extraordinaire pour l’exercice 2019, tenue vendredi 26 juin 2020, et présidées par Kamel Néji.

 

 

L’UIB a clôturé l’année 2019 avec un résultat net en hausse de 4,7%, passant de 111,81 millions de dinars (MD) fin 2018 à 117,06 MD fin 2019, malgré une contribution au Fonds de garantie des Dépôts bancaires de 13,10 MD (+20,44%) et 66,18 MD d’impôt (+28,02%). S’agissant de dividendes, la banque a dû se conformer aux directives de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) d’avril 2020 et ne pas distribuer de bénéfices.

A cette occasion, M. Néji a tenu à rendre un hommage appuyé aux actionnaires qui ont été privés de dividendes au titre de l’exercice 2019. Et de poursuivre : «Et je sais pouvoir compter sur leur fidélité au seuil d’un nouvel exercice 2020 qui n’est pas de nature à correspondre à leurs aspirations».

 

Pour sa part, le Produit net bancaire (PNB) a atteint 419,41 MD (+15,6% contre +10,8% pour les autres grandes banques privées, précise le rapport d’activité). Le coût net du risque clientèle a littéralement explosé, doublant pratiquement de volume et passant de 23,43 MD à 45,45 MD entre 2018 et 2019.

«En dépit d’une charge de risques, anormalement élevée, l’exercice 2019 s’est soldé par un résultat net en croissance de 4,7%. Ce résultat, bien qu’il soit en deçà des prévisions, vient couronner les efforts méritoires déployés par la direction de la banque et de ses collaborateurs, sans omettre de mentionner l’apport d’une gouvernance lucide et des managers compétents et à l’écoute active de nos clients», a expliqué dans ce cadre Kamel Néji.

 

 

L’encours des dépôts de la clientèle a augmenté de 6%, situé à 4.972,13 MD et des créances sur la clientèle en hausse de 3,2%, atteignant les 5.499,17 MD. Le coefficient d’exploitation a atteint 45,6% : «l’évolution la plus remarquable du secteur entre 2007 et 2019 avec -58,3 pts de pourcentage» souligne le rapport d’activité.

Côté ratios de gestion et de rentabilité, la banque termine son exercice 2019 avec un ROE (rentabilité des fonds propres) de 20,3%, un taux de créances classées de 7,7% et un taux de couverture des actifs classés de 74,3%. Le ratio de solvabilité est de 12,4% pour un TIER1 de 10,4%. Le ratio crédits/dépôts a atteint 116,7% en 2019 alors qu’il était de 126,9% en 2018.

 

Le groupe UIB a terminé 2018 avec un résultat consolidé de 116,31 MD, en progression de 6,35%. Le PNB consolidé réalisé s’est accru de 15,73% passant de 362,6 MD à 419,66 MD.

Au cours de cette assemblée, le président du conseil d’administration a tenu à rendre un hommage spécial au défunt Faouzi Cherif, l’un des collaborateurs de la banque, décédé des suites du virus Covid-19. A cette occasion, il a lu un message du syndicat de base de la banque, déplorant cette perte - mais aussi d'autres - qui l’a été ému aux larmes. Une minute de silence a été observée à la mémoire de tous les défunts.

 

 

En ce qui concerne la pandémie, Kamel Néji a avoué :« Par souci de vérité, et en dépit de la forte mobilisation de nos équipes, la performance 2019 sera difficile à maintenir en 2020 et l’UIB devrait voir ses résultats nets baisser fortement sous l’effet de la crise qui s’annonce très profonde», en notant que «les indicateurs du premier trimestre 2020 en ont déjà porté la trace, alors que le confinement n’avait que deux semaines».

En effet, la crise Covid-19 va laisser des séquelles importantes. Dans ce cadre, M. Néji a souligné que la crise a fragilisé les deux tiers de leurs clients Corporate qui ont cessé, partiellement ou totalement, leurs activités pour des périodes allant à deux mois et plus.

«Et en quelques semaines, l’UIB s’y est adaptée avec agilité et célérité. 50% de nos clients Corporate ont bénéficié de reports au titre de leurs crédits à moyen terme et nous avons gelé les créances à court terme pour 37% de nos clients et ce pour plusieurs mois. Nous avons, également, doté les clients - les plus touchés par la crise - de nouvelles ressources d’emprunts.

Cet effort a été fondamental pour protéger nos clients en cette période de crise. Et par devoir de responsabilité et de solidarité, l’UIB n’hésitera pas à ajuster autant que nécessaire le volume et la durée de ses interventions pour continuer à préserver ses clients en cette période de crise», a-t-il précisé.

 

Commentant les décisions de le Banque centrale de Tunisie, le président du conseil a déclaré : «J’ai toujours pris le parti de ne pas m’exprimer sur les initiatives touchant la sphère bancaire. Mais j’avoue ne pas être vraiment convaincu par la suspension des intérêts au titre des crédits aux particuliers, qui me parait être particulièrement sévère. Le rapport coût-efficacité nourrit le doute sur le bien-fondé d’une telle initiative communautaire, surtout que la hausse du revenu disponible des ménages – consécutive aux reports des crédits – n’a pas été source de rebond des dépôts d’épargne à même de financer l’économie».

Et de marteler que «l’année 2020 ne sera donc pas une année comme les autres pour leurs différentes parties prenantes», en révélant une information de taille : «Le coût de la suspension des intérêts au titre des crédits aux particuliers vaut autant que neuf mois de résultat net de l’UIB». Ce qui démontre clairement les conséquences de la pandémie sur l’établissement, le tout «alors que le monde de l’entreprise a besoin du soutien du secteur», a-t-il rappelé.

Autre point d’importance, l’UIB a mis de longues années à réduire le poids du taux de créances douteuses, qui est passé de 45% en 2007 à 7,7% en 2019, et la crise menace d’inverser cette tendance, au regard des déclassements des créances et des provisions estimées.

 

 

 

Ouvrant le débat, le représentant des petits-porteurs au conseil d’administration Habib Bouzouita a indiqué que les actionnaires minoritaires s’attendaient à une compensation pour l’exercice 2020 qui fera oublier l’absence de dividendes pour 2019. Or, au vu des déclarations de M. Néji, 2020 sera pire que 2019. Il a demandé au conseil d’envisager en 2021 ou 2022 une augmentation de capital par incorporation des réserves en tant que dédommagement pour les exercices 2019 et 2020. Ceci dit, il a réitéré la confiance des petits-porteurs en l'avenir de la banque.

En ce qui concerne les questions, le président du conseil a indiqué qu’il a reçu trois interrogations du syndicat de base relatives au mode de gouvernance, à l’évaluation des performances des salariés, notamment les expatriés, et sur une éventuelle participation du personnel à une augmentation de capital.

 

A ceci, Kamel Néji a répondu que la fonction de DG est régie par le statut de la banque, qui détermine les critères dont doit jouir la personne qui occupe le poste. Et de préciser qu’en ce qui concerne les expatriés, le conseil ne peut intervenir dans leur nomination ou dans le prolongement de leur mandat.

Il faut dire que le mandant de l’actuel DG Mondher Ghazali arrive à terme et le syndicat de base appréhende son départ, surtout en cette crise. Il veut garder cette compétence pour un nouveau mandat et espère l’intervention du conseil à cet effet. Idem pour Kamel Néji, dont le mandat expire également et dont le syndicat redoute la perte d’une telle pointure qui a porté la banque et l’a sortie de la situation de chaos qu’elle traversait à l’époque.

 

 

Emu, le président du conseil a assuré que dès sa venue, il a accueilli M. Ghazali, l’a traité «comme un petit frère» et «a toujours eu son soutien et appui permanent». Et d’assurer : «Je sais que M. Ghazali apprécie tout ce que nous avons fait ensemble».

Il a ajouté que l’UIB dispose d’un millier de diplômés du supérieur et qu’elle accompagne tous ses collaborateurs dans l'évaluation de leurs carrières et qu’elle garantit l’égalité des chances pour tous. M. Néji a expliqué que le DG dispose des pouvoirs nécessaires pour procéder à tout moment à l’évaluation du personnel, même les expatriés.

En ce qui concerne la participation du personnel à une éventuelle augmentation du capital, il a assuré qu’il saisira le conseil d’administration de cette requête et d’assurer que ceci est de nature à renforcer le modèle social de la société.

 

S’agissant des perspectives et projections pour 2020, le président du conseil d’administration a signalé qu’«il sera difficile de porter un jugement sûr et infaillible sur les tendances attendues et leurs retombées en termes de coût net du risque».

Et de soutenir : «La crise, qui s’annonce très profonde, constitue un événement significatif qui a contraint le conseil d’administration à suspendre les projections antérieurement communiquées aux actionnaires. C’est inédit! L’erreur aurait été de les maintenir alors qu’elles ne sont plus adaptées pour intégrer les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire créées par la pandémie Covid-19. Une telle suspension est donc rendue légitime par l’exceptionnalité du moment et par la sévérité du choc».

«Selon notre scénario central et sur un an, la situation risque d’être compliquée dans la mesure où les premiers remboursements attendus des crédits - objet de reports - vont avoir lieu à partir du mois de septembre 2020. Nous avons une immense responsabilité devant nos actionnaires et nous utiliserons toute la flexibilité nécessaire pour sauvegarder les grands équilibres de notre banque», a-t-il révélé.

 

 

Ceci dit, M. Néji demeure confiant : «L’UIB - qui vient d’être soumise à des stress-tests visant à évaluer sa résistance et prenant en compte un choc tel que la pandémie Covid-19 – est suffisamment résiliente face aux risques de solvabilité et de liquidité». Et d’assurer : «Cette crise est, à dire vrai, une réelle occasion de mesurer la robustesse de notre modèle et l’efficacité de nos dispositifs. Nous restons imperturbables dans la poursuite de notre ambition d’être une banque de référence sur ses marchés et nous ne craignons pas de faire évoluer profondément notre stratégie».

Mieux, sa confiance et son optimisme englobent l’ensemble de l’économie : «Je suis convaincu que la crise Covid-19 sera l’occasion d’un nouveau départ pour notre pays. Avec le retour progressif, à partir de 2021, d’une croissance positive, solide et durable qui permettra d’amortir les chocs macroéconomiques et permettra à notre économie de se développer d’une manière saine, harmonieuse et équitable pour répondre aux aspirations de nos concitoyens.

En tant que banque citoyenne, la capacité à générer un bénéfice n’est plus le seul indicateur de succès de notre entreprise. En cette nouvelle décennie, il est important de contribuer à faire face aux conséquences sociales accentuées par la crise sanitaire, notamment en matière de santé, de pauvreté, d’éducation et de sécurité alimentaire».

 

Depuis 2007, l’UIB a fait du chemin. Si l’effort provisionnel a été important en 2019, 2020 s’annonce assez compliquée. La banque devra démontrer sa résilience. Chose qui n’effraye pas Kamel Néji qui est convaincu de la robustesse du modèle de l’établissement bancaire et sa capacité à absorber le choc grâce à ses fondamentaux.

 

Imen NOUIRA

29/06/2020 | 21:04
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