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Chroniques
Kaïs Saïed et la culture des buveurs de café
Par Nizar Bahloul
28/10/2019 | 15:59
7 min
Kaïs Saïed et la culture des buveurs de café

 

Mercredi 23 octobre 2019 est une journée historique pour les Tunisiens. Le nouveau président élu Kaïs Saïed prête serment, l’ancien président par intérim Mohamed Ennaceur assure la passation après avoir occupé le poste moins de trois mois, suite au décès de feu Béji Caïd Essebsi, premier président élu de la IIème République. Vu de l’occident, ceci n’a rien de particulier, mais vu du monde arabe, cela devient une première et le cas mérite d’être signalé puisqu’il est assez rare en Afrique. Le président élu de la Tunisie décède le 25 juillet, le jour même et en total respect de la constitution, un autre prend sa place pour assurer l’intérim pour un maximum de 90 jours. Durant ces 90 jours, des élections sont organisées, des dizaines de candidats se présentent, dont 26 sont retenus et ont pu (plus ou moins) organiser normalement leur campagne pour convaincre quelque 3,5 millions de personnes d’aller voter au premier tour et 3,9 millions d’aller voter au second tour, les urnes sont dépouillées, les bulletins comptabilisés, les résultats publiés et le président cède sa place à l’heureux élu, le tout sans effusion de sang, sans attentat, sans tricherie manifeste et sans contestation de résultats, cela mérite d’être inscrit dans l’Histoire. Même les tentatives de saboter le processus, en mettant un des favoris en prison, ont échoué grâce à une forte mobilisation de la société civile et des médias, mais aussi grâce à quelques juges intègres, justes et impartiaux qui ont bloqué la manipulation de leurs collègues complices d’une certaine classe politique décevante.

Alors voilà, quand on prend un peu de distance par rapport à ce qui s’est passé depuis le décès de feu Béji Caïd Essebsi et jusqu’à ce fameux 23 octobre 2019, il y a de quoi être fier de cette Tunisie démocratique. On va laisser quelque chose de solide pour nos enfants !

 

Il n’est un secret pour personne et Business News a été plus que transparent sur ce registre, le nouveau président Kaïs Saïed n’a bénéficié à aucun moment de notre soutien, même quand on savait, grâce aux sondages de notre partenaire Emrhod, que c’était déjà plié. On ne pouvait pas soutenir un candidat sans programme n’ayant pas de direction précise à suivre.

Maintenant qu’il est là, on se doit de respecter les résultats et de l’observer. L’observer sans l’attendre au tournant à l’affût de la moindre erreur. Il a droit, comme tout élu, à cent jours de travail sans critique, sans dénigrement, sans tanbir. Il a droit, comme tout un chacun, à être jugé sans a priori. Sauf que ceci ne doit pas, non plus, nous empêcher, en tant que médias, de relever les insuffisances ou les manquements à ses obligations de président de la République. A attirer son attention sur les éventuelles erreurs politiques, stratégiques ou de communication qu’il pourrait faire ou être amené à faire. Cela ne doit pas, non plus, nous empêcher de stopper ceux qui vont tenter de lui mettre les bâtons dans les roues ou de le dénigrer injustement pour marquer des points politiques. Le monsieur a été élu avec 72%, il a droit à travailler tranquillement pour cent jours et après on verra, on le jugera sur actes et non sur intention.

 

Le nouveau président tunisien de la République est assez particulier dans son genre. Il est du type qui veut communiquer directement avec le peuple. Il dit ne pas avoir affaire à Facebook et autres réseaux sociaux, là où il y a pourtant l’essentiel de son électorat. Il dit qu’il sera respectueux des médias, alors que les représentants officiels de ces derniers ont été éloignés de sa cérémonie d’investiture. Pourtant, force est de constater que l’un de ses proches durant la campagne, directeur d’un journal people, a été bel et bien convié à la cérémonie. Le nouveau président dit vouloir être le président de tous les Tunisiens, sans distinction, mais une cheffe de parti qui a eu 4% à la présidentielle et 17 sièges aux législatives a bien été écartée de cette cérémonie.

Le nouveau président a bien apprécié la présence des représentants officiels des trois principales religions en Tunisie, mais il n’a pas hésité à se faire accompagner, durant ses premières réunions, d’une personne fortement controversée qui a affiché publiquement son antisémitisme et son antichristianisme en déclarant être contre la nomination de tout ministre tunisien qui soit chrétien ou juif. Et il dirait quoi M. Abderraouf Bettbaïeb si l’on est athée ou agnostique ? Sur ce point, je vous invite à (ré)écouter la chronique de Maya Ksouri (cliquer ici) qui a très bien dit pourquoi ce Abderraouf Bettbaïeb ne doit pas être à Carthage près de Kaïs Saïed. Les très mauvais souvenirs de Moncef Marzouki et de son entourage clivant et violent sont encore dans les mémoires. M. Bettbaïeb fait partie de cette « race » là, voire pire.

Comme dans toute démocratie qui se respecte, un président de la République a des comptes à rendre quotidiennement aux citoyens. Cela ne se ferait pas sans communication efficace. Depuis Tunis, on peut voir qui Donald Trump ou Emmanuel Macron va rencontrer cette semaine et à quel sujet. Depuis Tunis, on peut avoir une idée plus ou moins exacte de ce qu’ils ont dit. Or il est anormal que l’on voie quelqu’un comme M. Bettbaïeb aux côtés du nouveau président de la République sans que l’on sache sa qualité. Tout aussi anormal qu’il soit à ses côtés déjà.

 

Kaïs Saïed n’est plus Kaïs Saïed, il est devenu président de la République. Et, à ce titre, il se doit d’agir comme tel et de se comporter comme tel.

En Tunisie, un président de la République habite au palais de Carthage et non chez lui. Il n’a pas à choisir où habiter, il se doit de se plier aux exigences de la fonction.

En Tunisie, un président de la République roule avec des escortes et se plie aux contraintes de la fonction exigées par ses services de sécurité et de la police de circulation. Il n’a pas le droit de prendre en otage les automobilistes tunisois.  

En Tunisie, un président de la République ne va pas boire un café dans un café populaire et ne va pas chez son coiffeur du quartier, il se doit de plier aux contraintes exigées par ses services de protocole et aux règles de sécurité. Il n’a pas le droit de mettre sa sécurité en danger.

En démocratie, un président de la République ne dit pas ce qu’il veut quand il veut et se plie aux contraintes exigées par ses services de communication. Il n’a pas le droit de salir son image.

Kaïs Saïed cherche à déroger à ses règles, comme l’autre qui a choisi de ne pas porter de cravate et ceci s’appelle du populisme à deux balles. C’est juste qu’il entache la fonction et ceci n’est pas du tout souhaitable pour quelqu’un élu avec 2,7 millions de voix.

En démocratie, quand le président de la République vous convie, vous vous devez de répondre présent, sauf si vous avez un message politique violent et de haute importance à transmettre. L’argument de Abir Moussi qui a choisi de ne pas rencontrer Kaïs Saïed sous prétexte qu’elle n’est pas à Tunis et qu’elle doit d’abord consulter son comité politique est juste fallacieux. Pour un politique qui se respecte et respecte ses électeurs, cette consultation pouvait se faire par téléphone, Whatsapp ou Messenger.

Ni Abir Moussi, ni quiconque n’a le droit de manquer de respect à la fonction du président de la République.

 

Le premier qui ne doit pas manquer de respect à cette fonction de président de la République est le président de la République lui-même. Nous avons déjà des antécédents fâcheux avec Habib Bourguiba qui n’a pas quitté le palais quand la santé l’a desservie, Zine El Abidine Ben Ali qui n’a pas su arrêter ses pulsions policières et sa belle-famille et Moncef Marzouki qui n’a respecté ni la fonction, ni son entourage, ni ses conseillers, ni ses concitoyens.

Parce que nous avons tous intérêt à ce que l’actuel président de la République réussisse sa mission, nous nous devons tous, et Kaïs Saïed en premier, de respecter la fonction de président de la République et d’obéir à toutes ses exigences professionnelles, fonctionnelles, protocolaires et sécuritaires. Personne n’a demandé à Kaïs Saïed de devenir président, c’est lui-même qui a choisi de le devenir. Maintenant qu’il a réussi, il se doit d’assumer le rôle, de bénéficier de tous les privilèges de la fonction et de se plier à toutes ses contraintes. Il se doit d’abandonner son café et coiffeur de quartier et d’occuper la chambre à coucher du palais. Il se doit d’être fédérateur, ainsi que son équipe, et non sectaire, partial et clivant.

Par Nizar Bahloul
28/10/2019 | 15:59
7 min
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Commentaires (27)

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Nazou de la chameliere
| 29-10-2019 14:48
Ce bonhomme là !!!
N'a même pas attendu les 100 jours pour faire perdre a la Tunisie sa neutralité légendaire !!!
Nos ministres les plus intègres les plus patriotes, viennent d'être limogé !!!
Nous avons des fous a la tête de l'état !!!
Saddam Hussein a fait des émules, véritables mules !!!

Beyramettouni
| 29-10-2019 13:13
Le quatrième pouvoir, de jure contre-pouvoir, est aussi une 'Amana'! Qu´il me soit permis de vous dire, sans pour autant vouloir vous offenser, que ce pouvoir a ses règles, ses fonctions et sa propre morale à savoir :bien informer, bien analyser et raisonner d´une façon impartiale et bien posséder une certaine éthique morale pour exercer ce pouvoir. En deux mots : dans la forme il faut savoir éviter l´émotionnel et le populisme et dans le fond il faut procéder par une analyse et un raisonnement convainquant. Cela est de loin ce qui manque dans votre article.

Cela n´est pas de votre ressort de juger si un président doit porter une cravate ou non, d´habiter sa propre maison ou d´être locataire du palais de Carthage et non plus de boire son café dans le quartier où il habite'?' Monsieur Nizar, il s´agit bien ici de l´intégrité personnelle de tout citoyen et aussi bien de celle de votre président. Dans ce domaine relativement superficiel je tiens à vous rappeler que Mélanie Trump a refusé d´habiter la maison blanche parce que son fils aimerait bien rester à New York et fréquenter son école normale avec ses propres copains. Monsieur François Hollande s´est permis de rouler avec son scooter dans les rues de Paris pour aller passer la nuit chez sa copine et la belle Julie Gayet ou encore le refus du mari de la chancelière allemande Monsieur Joachim Sauer de participer aux protocoles officiels'?'

Monsieur Nizar soyez prudent en écrivant vos commentaires car la Tunisie passe par une période sensible qui mérite bien beaucoup de retenu et du contrôle de soi-même. Informer exige avant tout une certaine éthique personnelle et une certaine façon d´habiter soi-même pour démêler le vrai du faux et le raisonnable et de l´émotionnel.

Par avance, vous êtes bien remerciés de ma part.
MFG
Beyramettouni


sassi
| 29-10-2019 12:37
il n'a pas le droit d'oublier le colossal travail de Bourguiba et son histoire et ceux qui veulent suivre son exemple tel Abir
aucun dirigeant après Bourguiba ne peut se mesurer au 1/100 iem de ce qu'il a fait

habib
| 29-10-2019 11:57
Le Président fait du populisme hypocrite, sinon comment il ose bloquer la circulation et les intérêts de ses concitoyens 2 X 30 mn par jour ! c'est cynique !
Vous avez tout dit :" sectaire, partial et clivant

J.Hannachi
| 29-10-2019 10:54
Cher Nizar,

J'admire la transparence par rapport à la position de Businessnews à l'égard du Président de la République. Maintenant, je trouve un peu curieux que vous évoquiez son droit à avoir 100 jours de 'répis' pour ensuite faire une rechute et dépenser les 2/3 de l'article dans la critique.
Je ne suis pas bien évidemment contre le fait de le critiquer - je pense que c'est de votre rôle de le faire- même pendant les 100 premiers jours. Je constate par contre de plus en plus d'acharnement que je troue étranger à votre plume et je vous avoue que ça me déplaît. Que le Président de la République ait fait des faux-pas est concevable voir plausible, mais qu'il n'ait fait que ça rélève du dénigrement voire de l'acharnement. Vous ne relevez tout de même pas qu'il a invité et rencontré tous les chefs de partis politiques, dans l'ordre de leur importance dans le nouvel échiquier politique et dans une démarche de rassemblement et d'unité. Vous évoquez vous même le fait que Mme Moussi ai porté atteinte à la fonction Présidentielle en refusant de donner suite à son invitation.

Je conclu par une lecture critique de la dernière phrase de votre chronique et excusez la simplicité de la remarque:
Avec une figure de rhétorique classique, vous niez d'un trait de plume les efforts déployés pour fédérer une classe politique des plus disparates et taxez par-dessus le marché le Président de sectaire, partial et clivant. Je sais que vous n'avez pas dis ça explicitement mais vous l'avez tout de même - avec la langue fleurie qui est la votre - dis.
Si ça ce n'est pas de l'acharnement...

Bien à vous
J. Hannachi

rg
| 29-10-2019 10:34
RDV dans quelques mois ? un an et quelques mois ? j'espère me tromper.

Lotfi bc
| 29-10-2019 10:27
Ben si le président KS veut passer la nuit chez lui, qu'il le fasse pourquoi pas ? S'il veut prendre son café dans sa boite habituelle , pourquoi pas ? Et dans ce cas , pourquoi il ne va pas au boulot dans un bus ou dans sa voiture , c'est plus logique;

Grain-bouch
| 29-10-2019 09:18
Mme Abir présidente du PDL refuse de se rendre au Palais de Carthage malgré l'invitation, je pense - je peux me tromper - que c'est parce qu'elle n'a pas été confié à la cérémonie d'investiture. C'est une façon assez élégante de rendre la monnaie à M° K.S.....

bouba
| 29-10-2019 09:09
Monsieur Bahloul, autant je vous respecte ,autant vous me faites pitie, les comportements de Mr KS, auraient ete faits par Macron ou Netenyaho ou je ne sais quel autre occidental vous aurez appele vos lecteurs a apprecier les vertus de la democratie, vous etes lamentables avec vos analyses de donneur de lecons, pour rappel Feu Beji et son predecesseur et memes ses ministres nous ont fait baver des encombrements de l

J.trad
| 29-10-2019 07:32
Voilà ,qui est pour faire sentir aux citoyens le bonheur dont ils jouissent , la véritable Liberté ,quand on sait qu'un jours un Olof Palm ,a payé de sa vie quand il a voulu déguster la joie de la précieuse liberté ,ça donne à pleurer ,qu'un détraqué mental ,l'a attaqué en pleine tournée dans ui nous espace commercial ,