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Jihadistes tunisiens en Syrie, qui tire les ficelles?
08/05/2013 | 1
min
Jihadistes tunisiens en Syrie, qui tire les ficelles?
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"La Tunisie n'est pas une terre de Jihad et ceux qui veulent s'engager dans la guerre sainte n'ont qu'à se diriger vers la Palestine!". Tels étaient les propos du leader d'Ennahdha Rached Ghannouchi, prononcés le 6 mai courant en réaction aux explosions terroristes à Jebel Chaâmbi.
Rached Ghannouchi a ajouté que la police, l’armée et la société tunisiennes sont musulmanes et que par conséquent aucun "Jihad" ne peut être toléré en Tunisie. Il a renchéri en disant que le "Jihad" se fait en Palestine, contre les ennemis sionistes et non pas à Kasserine ou à Jebel Chaâmbi.


Alors qu'en est-il des jeunes Tunisiens qui affluent au Jihad aux côtés des rebelles en Syrie et contre le régime d'El Assad ? Sont-ils des "soldats de Dieu", des guerriers mercenaires ou bien alors des simples d'esprit manipulés?


Il est utile de rappeler que lors de son prêche du vendredi 10 août 2012, Rached Ghannouchi avait prononcé un discours se voulant rassembleur d’une "Oumma manquant de cohésion et d’union".
Tout en citant les exemples des génocides en Birmanie, en Syrie et au Bangladesh, Rached Ghannouchi avait déclaré: "Le monde musulman connaît, actuellement, une période d’effervescence qui marquera son ascension". Le leader d’Ennahdha avait, à l'époque, également appelé à "rassembler les rangs de la Oumma et à œuvrer pour le jihad véritable en combattant le despotisme".

Par ailleurs, il est à rappeler que le ministre des Affaires religieuses, Noureddine Khademi, a déclaré samedi 23 mars 2013 qu’il est obligatoire de multiplier les efforts et les enquêtes pour dévoiler les éléments responsables de l’enrôlement des jeunes tunisiens dans le jihad en Syrie. Alors que ce même ministre, dans une vidéo qui date du mois d'août 2011, à une époque où il n'était pas encore ministre, avait lancé lors de son prêche du vendredi, un appel direct et fervent aux Tunisiens, de s'engager sur le front de la guerre en Syrie, dans le cadre de la guerre sainte, le Jihad.

Le parti islamiste au pouvoir Ennahdha, a vraisemblablement adopté au sujet du Jihad en Syrie, un double discours, au vu et au su de tout le monde. Il s'agit, comme on le constate, d'une ambiguïté délibérée et stratégique qui a fini par donner lieu à un véritable phénomène touchant une grande frange de la population tunisienne.

Ali Laârayedh, chef du gouvernement, dans son intervention à la séance plénière du 8 mai 2013, a tout de même évoqué le sujet en question et a affirmé que les autorités ont entamé leur lutte contre ce fléau. "On a déjà démantelé des bandes qui s'adonnent au trafic humain et on a également empêché près d'un millier de personnes de quitter le territoire, du fait que leurs destinations semblaient louches".

Toujours est-il, les Tunisiens ne se sentent toujours pas rassurés. Et pour preuve, un sondage, élaboré par Emrhod Consulting et daté du 7 mai 2013, montre bien que 52,5% des Tunisiens sont inquiets, dont 22,7 % qui pensent que le risque est très élevé et 29,8% qui pensent que le risque est plutôt élevé.

De son côté, la société civile, face à l'ampleur du phénomène, s'est vue contrainte à agir. Une association a vu le jour le 15 avril dernier, "l'Association du Secours au Tunisiens à l'Etranger". Nous nous sommes entretenus avec un des membres fondateurs, Badis Koubakji, sur les objectifs de cette association ainsi que sur ses travaux et démarches déjà effectués.

"Nous voulons apporter notre aide aux familles des jeunes qui sont partis en guerre en Syrie, au Mali, en Irak… Nous avions l'intention de leur venir en aide au moins dans les démarches de récupération des dépouilles des personnes décédées, les rapatrier et les livrer à leurs familles", nous-a-t-on affirmé avant d'ajouter: "Nous avons effectué des enquêtes et nous avons découvert que plusieurs jeunes Tunisiens sont victimes de dol, avec l'existence de tout un réseau qui cible les jeunes issus de quartiers populaires".
Me Koubakji a précisé dans ce contexte que des groupements tels que "Ennosra" et "Ansar Al Chariâa", ciblent des milliers de jeunes afin de les orienter vers le Jihad. "Ils usent de plusieurs moyens, ils leur inculquent la doctrine de la guerre sainte, usent de tentations financières et les tentent même avec des promesses de mariages avec des Syriennes!".

Les salafistes, selon notre interlocuteur, sont en train de s'infiltrer un peu partout, à l'intérieur du pays, comme dans les régions côtières, en ville et en milieu rural. Ils ont envahi plusieurs mosquées et en ont pris le contrôle. Bien que le ministère des Affaires Religieuses a déjà annoncé la "libération" de centaines de mosquées de l'emprises de ces salafistes, ce qui reste à étayer par des preuves, plusieurs mosquées leur servent encore de lieu de recrutement. Au-delà des cercles de prêches et d'éducation religieuse, des salafistes en sont arrivés à s'en prendre aux gens et les forcer à intégrer leurs groupements. "On a même vu des personnes âgées tabassées, rien que parce qu'elles ne portent pas de barbes!", nous-a-t-on spécifié.

Les militants de "l'Association du Secours aux Tunisiens à l'Etranger" ont également visité les quartiers dits "chauds" et y ont vu des "medersa" (établissements d'enseignement dirigés par des religieux), exactement semblables à celles du modèle afghan! Les familles de ces quartiers tolèrent parfaitement ce genre d'établissements et ne semblent pas en craindre pour leurs enfants!".

En définitive, cette association considère que les jeunes qui partent au Jihad ne sont que des victimes des manipulations et tire par conséquent la sonnette d'alarme quant à la dangerosité des salafistes qui les envoient vers la perdition ou la mort. "Ces Jihadistes, qui partent, ne sont pas des terroristes. Ce sont nos compatriotes, nos enfants qui ont été matraqués et assommés par des messages incitant à la violence, sous couvert de guerre sainte, jouant sur la fibre religieuse et profitant de leur situation socioéconomique précaire. Nous voulons récupérer nos concitoyens, les rapatrier, les réintégrer dans notre société et les prendre en charge, physiquement et moralement", a affirmé Me Koubakji.

S'agit-il de récupérer ces jeunes, de les faire repentir et de les reconvertir à un islam plus modéré, plus souple et plus tolérant? Serait-il possible de ramollir leurs idées rigides vers plus de civisme et de modernité? Ou bien alors s'agit-il de mettre le grappin sur des tueurs à gage, des criminels dangereux? On ne peut, certes, les mettre tous dans le même sac, leur intenter un procès collectif. Chaque cas est un cas particulier et derrière chaque jihadiste, se cachent tout un vécu et toute une histoire humaine.

Dorra Megdiche Meziou
08/05/2013 | 1
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