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Délits boursiers : En Tunisie, les fraudeurs s'en sortent avec une tapette sur les doigts
15/05/2013 | 1
min
Délits boursiers : En Tunisie, les fraudeurs s'en sortent avec une tapette sur les doigts
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La loi sur les délits boursiers n’est appliquée qu’à raison de 1% en Tunisie. Ce taux est révélateur d’un manque de rigueur criard au marché financier et incite même à la fraude boursière puisque demeurant impunie. Or, la bourse de Tunis connaît, en cette année, un record d’introductions de sociétés au marché alternatif dont certaines déjà effectuées. Comment alors est-il possible de développer l’activité boursière lorsqu’il n’existe pas de cadre juridique spécifique régissant les délits boursiers afin de lutter efficacement contre la fraude ?

Les principaux délits boursiers sont la manipulation des cours, l’information fausse et le délit d’initié. Les sanctions contre ces infractions sont relativement légères en comparaison à d’autres pays tels que le Maroc ou le Liban. La sanction se limite, en effet, à une pénalité financière dont s’acquitte le fraudeur qui ne sera pas plus inquiété que cela. Alors que sous d’autres cieux, la sanction des délits boursiers peut aller, dans certains cas, jusqu’à des peines privatives de liberté.

Selon Maya Boureghda, avocate au barreau de Tunis, il existe un autre délit, il s’agit de l’entrave au fonctionnement régulier du marché financier qui est à même de rompre l’égalité entre les investisseurs. Lors d’une conférence débat organisée par l’Association des Intermédiaires en Bourse (AIB) et l’Institution de Formation de la Bourse de Tunis (IFBT) sur la question des délits boursiers, Me Boureghda a expliqué l’impératif de la clarification des textes de loi dans ce contexte ainsi que la nécessité du renforcement des compétences opérant au sein du Conseil du Marché Financier (CMF) mais encore au sein des juridictions.

La problématique qui se pose à ce niveau, en dehors de la loi, est qu’il n’existe pas de juges compétents en matière de délits boursiers. De ce fait, des experts relevant du CMF ont pour mission d’expliquer les mécanismes de l’affaire de fraude en jugement ainsi que les différents concepts techniques au juge saisi. Mais il n’en demeure pas moins que les décisions prises à l’issue ne sont pas équitables et justes. Mehdi Ben Mustapha, cadre au Conseil du Marché Financier a rappelé une affaire de délit boursier qui a fini par être soumise devant le juge, car ce n’est pas toujours ni systématiquement le cas, et que celui-ci a jugé qu’il ne s’agit que d’un jeu de concurrence. Un jeu de concurrence qui a couté de lourdes pertes à un investisseur par faute de fraude.

Il faut savoir, par ailleurs, que les enquêtes déclenchées lors d’un constat de délits boursiers et qui sont traitées en aval au niveau du CMF, restent souvent en suspens et classées sans suite. Les raisons de pareille démarche évoquées par Mehdi Ben Mustapha sont essentiellement liées au manque de transparence. En effet, il existe, notamment, une certaine opacité quant à l’accès à l’information renseignant sur l’opération de fraude en question. Une opacité qui piétine sur le travail des enquêteurs, et qui donne, souvent raison à la suspension de l’enquête. Et puis, les fraudeurs ne se soucient pas des retombées de leurs actes. Lors de l’opération d’augmentation de capital d’une banque récemment, il y a eu un constat de délit boursier. En effet, il a fallu laisser passer six séances de cotation avant de publier le communiqué relatif à l’opération d’augmentation de capital. L’autorité du Conseil du Marché Financier alerté par le délit, n’a fait que pincer les oreilles aux fraudeurs. Ces derniers se sont d’ailleurs contentés de dire : « cela ne se reproduira plus, nous espérons ».

Pourtant une opération de cette envergure n’est pas à traiter à la légère. Des sanctions proportionnelles, voire même exemplaires auraient dû être décidées et l’enquête devait être menée jusqu’au bout. Dans ce type de situation, ce sont, en général, les petits porteurs ou souscripteurs qui trinquent.

Certains disent que le cadre juridique existe bel et bien et ne souffre aucun compromis quant aux textes de lois qui régulent le marché financier et les opérations boursières. Ce qui pose, en l’occurrence, problème est l’application de la loi.

D’autres cas de délits boursiers et dont l’enquête peut être bien concluante restent exempts de toutes procédures juridiques et par conséquent non sanctionnés. Le cas Syphax en est le plus frais. Des infractions ont été commises au niveau de l’opération de l’introduction en bourse de la compagnie aérienne privée, des infractions signalées, pourtant classées sans suite.

Il convient, par ailleurs, d’admettre que les enquêteurs ainsi que les autorités du Conseil du Marché financier éprouvent le plus grand mal à appliquer les textes de loi lorsqu’il y a fraude boursière. Les dépassements sont souvent difficiles à détecter et identifier eu égard de même au manque d’outils appropriés et de mécanismes de prévention de la fraude.

Toutefois, force est de constater qu’entre la théorie et la pratique, le fossé ne cesse d’être creusé. En ce sens que le CMF entend bien vouloir appliquer les textes de loi en suivant tout un processus d’enquête et de sanction de délits boursiers. Mais dans le même temps, le cadre juridique n’est pas suffisamment ficelé pour régir ce type d’infractions, par surcroit lorsqu’on sait que les juges ne sont pas formés en la matière. Pendant ce temps là, les opérations de fraudes continueront de gangréner la bourse au vu et au su de tous.

Nadya B’CHIR
15/05/2013 | 1
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