Pourquoi changer une équipe qui gagne ? C’est ce que l’on peut conclure du récent communiqué présidentiel consécutif à une réunion du conseil de sécurité nationale. Ce conseil est devenu le théâtre dans lequel le président de la République, Kaïs Saïed, expose ses priorités et fait étalage de sa politique générale devant le gouvernement, le président de l’Assemblée et les forces armées. En fait, les sujets traités durant ces réunions nous donnent une idée sur l’ordre de priorités de l’exécutif tunisien.

On remarquera qu’il n’est nullement question d’économie dans ce type de réunions. Il est vrai que l’on parle de prix, d’alimentation et d’approvisionnement. Mais les questions relatives au climat d’investissement, de financement de l’Etat, d’endettement et de croissance ne se hissent pas à au degré d’importance nécessaire pour être évoquées en réunion du conseil de sécurité nationale. Par contre, un incident dans le fonctionnement de Tunisair, si.

Selon le communiqué publié à la suite de cette réunion, les lobbies « qui se sont manifestés ces derniers jours avec leurs ramifications dans plusieurs administrations, entreprises et structures publiques, doivent être démantelés et mis en cause conformément au devoir sacré ». Donc, le président de la République remet sur la table la rengaine d’obscurs lobbies qui seraient infiltrés partout et qui seraient responsables de la situation désastreuse de ces structures. C’est ce que l’on comprend quand « ce qui est arrivé récemment à Tunisair » est mis expressément dans le même cadre de la diatribe sur les lobbies. Si seulement ces malfaiteurs avaient des comptes TikTok ou s’ils avaient porté atteinte à la morale, l’Etat aurait pu mettre rapidement un terme à leur nuisance. En attendant, ces fameux lobbies sont en exercice depuis plusieurs années si l’on en croit le discours présidentiel. D’ailleurs, c’est cette hégémonie intolérable des lobbies qui a participé à la décision du chef de l’Etat de geler le parlement et de virer le gouvernement un certain 25 juillet 2021. Kaïs Saïed avait alors les pleins pouvoirs nécessaires pour combattre ces infiltrés dont le seul objectif est de faire « imploser l’Etat de l’intérieur ». Depuis, plusieurs personnalités politiques ont été jetées en prison pour complot contre l’Etat, une affaire dont on ne sait plus rien aujourd’hui. Des journalistes et des chroniqueurs ont également été emprisonnés. Plusieurs hommes d’affaires ont aussi fourni les rangs des prisonniers. Mais apparemment, toujours selon le discours présidentiel, les lobbies sont toujours là et entravent l’action de l’Etat pour servir des objectifs obscurs.

Ce que l’on nous répète sans cesse par contre, c’est que seul ce régime est apte à combattre ces lobbies et à « nettoyer » l’administration, l’Etat et le pays tout entier. D’ailleurs, c’est pour cela que le régime s’est mobilisé contre plusieurs de ceux qui se sont présentés à l’élection présidentielle d’octobre, en leur interdisant de devenir des candidats officiels. Il fallait fermer la porte devant les lobbies et les comploteurs, et c’est pour ça que l’ARP a fait changer la loi électorale une semaine avant le jour de l’élection et que le candidat Ayachi Zammel se trouve depuis des semaines en prison faisant face à 31 ans de prison. Ensuite, Kaïs Saïed a été réélu à la présidence de la République sans suspense aucun avec plus de 90% des voix exprimées.

Toutefois, près d’un mois après la réélection de Kaïs Saïed, les lobbies sont toujours là et ont gardé leurs ramifications dans les structures de l’Etat, toujours selon le discours présidentiel. Par conséquent, la « bataille de libération nationale » va se poursuivre avec tout ce que cela implique comme arrestations, mises en examen et mandats de dépôt. Malgré toutes les précédentes arrestations, la présidence de la République dresse un bilan selon lequel rien n’aurait changé et l’on serait toujours en grippe avec les lobbies, les spéculateurs et les monopoleurs. Les mauvaises langues diront qu’on fait appel aux mêmes prétextes pour expliquer l’échec et les difficultés que vivent les Tunisiens au quotidien. D’autres diront que ces lobbies existent bel et bien et que leur action empêche la Tunisie d’avancer et de progresser, que ce pays est plein de voleurs et de corrompus qui travaillent ensemble pour la réalisation de leurs objectifs. Ce qui est certain, c’est que nous sommes repartis pour un tour. Pourquoi changer une équipe qui gagne ?