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Affaire Thomas Cook : 11 millions d’experts en tourisme
26/09/2019 | 10:52
7 min
Affaire Thomas Cook : 11 millions d’experts en tourisme

On connaissait déjà les 11 millions de Tunisiens experts en football. Après 2011, on a découvert 11 millions d’experts en politique. La faillite du voyagiste Thomas Cook en Grande-Bretagne et ses répercussions sur la Tunisie viennent d’apporter la preuve que nous disposons également d’un vivier de 11 millions d’experts en tourisme. Et malheureusement, c’est une course aux absurdités qui s’est déclenchée. La palme reviendra sans aucun doute à cette radio régionale qui a ouvert son antenne à un député de l’opposition qui a gratifié les pauvres auditeurs que nous sommes d’une analyse abracadabrante, assaisonnée à la sauce populiste comme seule savent la servir les néo-révolutionnaires qui ne voient dans le tourisme que sa face capitalistique et ses vilains propriétaires d’hôtels. Et le comble, c’est que dans l’affaire, la journaliste en face de lui a été embarquée dans la galère et a joué pleinement le jeu de son invité sans chercher à prendre à défaut ses inepties.

A l’adresse des braves gens qui ne savent plus à quel saint se vouer dans l’affaire Thomas Cook, voici des réponses simplifiées à 10 questions qui ont légitimement été posées pour comprendre les tenants et les aboutissants du dossier sans parti-pris et avec la sagesse qui s’impose :

1) Pourquoi autant de tapage pour cette affaire ?

Parce que Thomas Cook était le premier pourvoyeur de touristes sur la Tunisie et parmi les plus anciens.  Il a envoyé des millions de touristes sur la Tunisie depuis le début des années 70 à travers Neckermann (marque qui a fusionné plus tard avec le groupe). Il figurait dans le Top 3 mondial des voyagistes avec des filiales dans 16 pays. Sa faillite était tout simplement inimaginable tant l’entreprise paraissait inébranlable il y a encore un an.

 

2) Comment se fait-il que les hôteliers tunisiens n’ont pas su anticiper sa faillite ?

Les hôteliers tunisiens savaient parfaitement depuis des mois que le voyagiste passait par de grosses difficultés financières et était lourdement endetté (pour de multiples raisons trop longues à énumérer). Ce qu’il faut retenir, c’est que ces derniers temps, une issue à la crise de l’entreprise semblait avoir été trouvée à travers l’apport de nouveaux capitaux par le groupe chinois Fosun, ce qui aurait permis de stabiliser la situation. Cela a donc provisoirement rassuré les partenaires du T.O non seulement en Tunisie mais dans tous les autres pays où le voyagiste opère. Cette injection de fonds a finalement échoué et dans la foulée, le gouvernement britannique a décidé de ne pas soutenir financièrement le groupe, ce qui a précipité la faillite de la maison-mère, Thomas Cook Plc en Grande-Bretagne. Jusqu’au bout, il y avait donc espoir de reprise.

 

3) Le ministère du Tourisme n’avait-t-il pas pour mission de stopper les relations avec Thomas Cook ?

Le rôle du ministère du Tourisme n’est pas de s’immiscer dans les affaires commerciales du privé. Car Thomas Cook est un privé, les hôtels tunisiens le sont aussi. Quant aux déclarations entendues concernant un hypothétique soutien financier que le ministre du Tourisme aurait accordé au voyagiste, celui-ci est faux. Les responsables de Thomas Cook sont certes venus le rencontrer en mai dernier pour un projet de communication conjointe sur le long-terme débutant en 2020. Pas un millime n’a été déboursé. Les seules dépenses occasionnées par cette discussion ont été les 4 cafés offerts aux invités dans le bureau du ministre.

 

4) Le rapatriement des touristes chez eux est-il à la charge de la Tunisie ?

Les touristes britanniques venus à travers Thomas Cook en Tunisie sont en train d’être rapatriés aux frais du gouvernement britannique grâce à une assurance qui s’appelle ATOL mise en place justement pour parer à ce genre de situation. On a même vu le géant des airs, l’Airbus A380, atterrir pour la première fois en Tunisie, à l’aéroport d’Enfidha le 24 septembre, dans le cadre de cette opération de rapatriement à grande échelle qui concerne 4000 Britanniques en Tunisie. Ils sont 150.000 dans le monde à passer par le même processus.

 

5) Pourquoi dans les hôtels, les touristes européens viennent à crédit alors que les Tunisiens payent comptant ?

Les touristes ne viennent pas à crédit, ils payent leur séjour complet (package comprenant, avion, transfert et séjour) avant le départ auprès de l’agence de voyage chez qui ils ont acheté leurs vacances. Ceux qui ont séjourné en Tunisie cet été avaient déjà payé leur séjour. Il n’y a donc pas lieu de parler de touristes à crédit ni de parler de discrimination dans ce cas. Thomas Cook jouait le rôle d’intermédiaire.

 

6) Le tourisme tunisien est-il en danger suite à cette faillite ? Les hôtels vont-ils fermer ?

La part de Thomas Cook dans la globalité des touristes européens n’est que de 3,5%. Le voyagiste avait fait 100.000 touristes sur la Tunisie depuis le début de l’année, ce qui n’est finalement pas énorme par rapport aux entrées globales de touristes européens et n’aura pas d’impact très grave sur la destination quand bien même l’ardoise laissée sera dure à supporter.

Les hôtels qui travaillaient avec Thomas Cook sont au nombre de 40 environ, soit environ 6% du parc hôtelier tunisien. Les montants des factures en instance ne sont pas les mêmes selon les hôtels car le nombre de clients était différent d’un établissement à un autre. Cela augure de difficultés financières à venir pour les entreprises hôtelières mais celles-ci ont vu pire par le passé.

7) Pourquoi les impayés de Thomas Cook sont-ils si importants ?

Les procédures de paiement des partenaires mises en place par le voyagiste  étaient applicables partout dans le monde sans exception, à savoir des règlements à des dates précises. Ce système était en fonction depuis de nombreuses années et accepté contractuellement par les parties. L’été constituant le pic d’activité, le nombre de clients a donc été élevé notamment en juillet et août, sachant également que certains hôtels n’ont pas été payés pour le mois de juin. Le cumul de ces 2/3 mois (jusqu’au 23 septembre) a fait que le total de ces impayés a atteint 60 millions d’euros, sachant que la prochaine échéance de paiement avait été convenue pour le 4 octobre. Au niveau mondial, Thomas Cook a laissé au moins un milliard d’euros de dettes-fournisseurs.

 

8) Y-a-t-il de l’espoir pour se faire rembourser ?

Le gouvernement britannique a désigné des liquidateurs et a mis en place une plate-forme sur Internet pour que les créanciers déposent leurs dossiers. Il est question également que les professionnels tunisiens lésés se mettent en pool et désignent un cabinet d’avocat commun pour tenter de recouvrer leurs dus. Nul n’est cependant dupe, cela prendra plusieurs années sans certitude de succès.

 

 

9)      Quelles conséquences sur l’économie en Tunisie ?

 

C’est bien évidemment un manque à gagner en devises pour les caisses de l’Etat. C’est une perte sèche pour les entreprises touristiques touchées puisque les séjours de leurs clients ont été consommés et non payés. Cela aura donc aussi des conséquences sur leur capacité à honorer leurs engagements auprès de leurs fournisseurs et de leurs banques. Le ministre du Tourisme a parlé d’un CMR qui devra se tenir pour prendre des décisions. Mais dans le contexte politique actuel, on voit mal qui se soucie réellement de la situation du tourisme.

Quant aux clients perdus, ils ne le seront pas pour tout le monde, un tas d’autres tour-opérateurs se feront une joie de récupérer le « portefeuille » de leur ancien concurrent.

 

10)   Quelles leçons tirer de cette affaire ?

Ce n’est pas la première faillite d’un tour-opérateur international et Thomas Cook n’est malheureusement pas le dernier. Elle interpelle sur la gestion des risques avec nos partenaires étrangers mais surtout sur l’absence de souscription d’assurance de la part des hôteliers pour se prémunir d’éventuels impayés. Il existe pourtant un organisme en Tunisie qui est la Cotunace dont la spécialité justement est de couvrir les entreprises tunisiennes à l’export.

L’affaire interpelle aussi sur le modèle du tour-operating en plein déclin et qui souffre face à la montée du digital et du packaging dynamique 2.0. La Tunisie touristique se doit donc de se rendre à l’évidence que son modèle de fonctionnement ne pourra pas continuer éternellement de la sorte et qu’une transition en douceur doit se mettre en place. Dans les rangs des professionnels du secteur, on vous dira que l’Open Sky est la clé de voute de toute discussion future.

26/09/2019 | 10:52
7 min
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Commentaires (14)

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Sellou
| 27-09-2019 18:45
L'année précédente j'étais dans un hôtel " réputé" de kelibia.....catastrophe....ensuite a Sousse...catastrophe ...idem pour Djerba... pourtant on parle de 5 étoiles...cette année je voulais prendre les billets pour la tunisie avec mon épouse et mes 2 enfants au mois d'août, juste le transport cela coûtait avec les valises .....3000 euros.
Finalement j'ai été en Espagne pour 3000 euros j'avais un VRAI hôtel 4 étoiles..avec le transport...avec de vrais professionnels.
En Tunisie, le personnel manque de formation et surtout de communication.
A ma grande surprise, j'ai rencontré beaucoup de Tunisiens de France dans cet hôtel de la Costa dorada espagnole alors chers hôteliers Tunisiens, pensez à nous et vous verrez qu'on vous fera gagner beaucoup plus d'argent que Thomas Cook..

mjr
| 26-09-2019 21:46
Eh bien,sans être expert en Tourisme on peut dire qu'il n'y a pas eu de véritable politique du tourisme;il y avait des hôteliers qui louent des chambres d'hôtels sur le littoral .Kairouan qui est à 50 km de Sousse et de Monastir n'a pas bénéficié de retombées du Tourisme et est classé parmi les 3 derniers gouvernorats les plus pauvres et ce malgré les atouts culturels et surtout historiques.Cette ville est restée en outre enclavée depuis l'interruption de la ligne de chemin de fer construite du temps du protectorat.Bien d'autres exemples peuvent être cités.
Une politique touristique consiste à avoir une vision équilibrée pour le pays et veiller à ce que les encouragements et les ressources financières ne soient pas siphonnés par les hôtels avec des investissements parfois à caractère spéculatif avec les impayés qu'ils ont laissé(quelques 4 milliards de dinars) et qui ont impacté le système bancaire. .
D'autre part une politique touristique est intimement liée aux problèmes du transport,de la formation professionnelle du personnel,des nouvelles technologies de la communication.
C'est un programme à long terme et le ministre actuel semble avoir une vision différente de ce qui existait jusqu'à maintenant.

Microbio
| 26-09-2019 20:55
Souhaitez-vous une autre subvention pour les hôteliers?
Si oui, qui devrait payer?

observator
| 26-09-2019 18:59
Ce que nous avons ecrits ci sur ce sujet mais avec du retard.
Vous avez certainement lu nos commentaire si non vous n aurez publié votre résumé des autres chez BN.
Vous aurez pu aussi passer sur la watania aussi pour vous adresser aux 11 millions d'experts.
Elevez votre degré d'intelligence car sur ce média il y a des gens beaucoup plus intelligents que vous le pensez qui vous lisent et certainement , ils pensent la même chose que moi.
Donc restez humble et ceux qui prennent les gens d'en haut atterrissent souvent très mal.
Et le droit des règlements judiciaire et de la faillite est le même pour toutes sociétés commerciales quelque soit le secteur d'activité tourisme, automobile agroalimentaire...

Vous semblez minimiser la responsabilité des hôteliers dans cette affaire, encore un défenseur de ce lobby .
Cela fait plus de 50 ans que le tourisme hôtelier existe en Tunisie et ses professionnels sont incapables d'avoir une analyse du risque "clients" fiable.
Normal ces hôteliers ont toujours la vache à lait à traire c est à dire l '?tat et donc les contribuables payent à leur place leur erreur.
Vous parlez de 3.5% comme si c est une somme négligeable.
C'est 190 milliards . Vous allez les payer à la place des tunisiens ? Vous savez il y a des centaines de milliers de jeunes diplômés chômeurs qui n ont rien à se mettre sur la dent.
Alors si c est rien pourquoi les hôteliers réclament l aide de l Etat.
Je prends les lecteurs à témoin. Ce type se prend pour un expert du tourisme. Mais savez vous ce que c est avoir honte.
si les hôteliers ne réclament rien a la collectivité et assument leurs fautes de gestion selon les règles dans le privé, j'aurai apprécié.
Mais ce secteur est devenu une source pour escroquer l'?tat et donc les tunisiens qui triment et payent leurs impôts.
Et cela vous avez du mal à l inculquer dans votre esprit ayant vécu depuis 50 ans sur l aide de l'?tat.

Lecteur
| 26-09-2019 17:29
Votre haine et vos semblables qui regardent que le bout de leur nez. Je vous rappelle que ce secteur fait employer des milliers de familles directes et indirectes.
Arrêtez d'être mesquin ce n'est pas le sujet

safsaf123
| 26-09-2019 17:21
N'en déplaise a ce monsieur les tunisiens ont des craintes suite a cette affaire et pour les raisons suivantes : 1) le secteur hôtelier a des crédits qui représentent 5 pourcent du pib soit 5milliard de dinars et qui pèsent lourds sur le secteur bancaire publique. 2) il y a de fortes chances que cette affaire engendre des répercussions sur tout citoyen parcequ'elle va greffer le budget de l'?tat avec des taxes en moins, une obligation pour l'?tat de soutenir les hôtels lésés. 3) pour ton info le citoyen tunisien lambda paye chaque année presque 10dt par touriste qui vient en Tunisie (budget consacré pour la promotion du tourisme) et ne parlons pas des subventions (payé un fine par le contribuable) au titre des produits subventionnés consommés par les touristes. Et pour finir sachez que les recettes par touriste est de 250 dollar alors qu'elle est de 1000 dollars en Jordanie. Y'on a marre de ce modèle de tourisme de masse a la con qui ne rapporte presque rien

HD
| 26-09-2019 17:07
Bon , vu sous cet angle, peut être mais quand même, un peut trop de défense des hôteliers victimisés. Quoique je partage l'analyse logique, en tout cas avec des solutions tangibles et surtout le open sky pour nous permette aussi d'avoir des prix raisonnables, tout le monde sera gagnant

TH
| 26-09-2019 16:10
Hédi Hamdi journaliste-éditeur, expert en communication, consultant dans le tourisme et le transport aérien a posé une dizaine de questions que plusieurs Tunisiens lambdas et professionnels se sont posées sans trouver réponses justes et convaincantes.
Hedi Hamdi y répond d'une manière simple et compréhensible.
C'est malheureux de lire des avis dénonçant et le titre, l'auteur et l'article.
C'est malheureux de confirmer que plusieurs avis émis dans les divers articles précédents et les plateaux tv démontrent que leurs émetteurs n'ont aucune réelle connaissance du problème TH Cook voire du tourisme.
On a eu droit à des avis farfelus et certains y ont vu une sanction méritée à l'encontre des hôteliers.
N'est-ce pas méchant ?
En tout état de cause, je préfère cet article à la tribune de Mr Lajimi ex ministre du tourisme.

Professeur de droit
| 26-09-2019 14:48
C'est :
- La cotunace
qui ne peut pas couvrir un risque de 1 million d'euros, et dont toutes les banques tunisiennes refusent la signature !!! Voilà un expert très bien informé !

- Et puis l'open sky...on reste reveur en essayant d'imaginer comment l'open sky aurait éviter aux hoteliers les effets de la faillite de Thomas Cook.

Finalement, il y a bien 11 millions + 1 experts en tourisme en Tunisie.

Lecteur
| 26-09-2019 14:46
Vous avez tout à fait raison, tout le monde est expert en tout. On est perdu, depuis cette liberté d'expression, on ne sais plus faire la différence du faux et du vrai. Chacun raconte sa salade. Et surtout les accusations de tout genre. Je lisais un commentaire sur Facebook qui disait que René avait arnaqué la Tunisie de plus 300 millions de dinars pour le compte d'Israël. Les gens sont devenus fous.

Le pire c'est que beaucoup de pays dans notre cas, le cas du Maroc par exemple.
Malheureusement, la Tunisie n'est pas de chance.