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Chroniques
Zine El Abidine Ben Ali : un jour, l’Histoire lui rendra justice
Par Nizar Bahloul
20/05/2019 | 15:59
8 min
Zine El Abidine Ben Ali : un jour, l’Histoire lui rendra justice

 

C’est une vidéo qui a bien fait le buzz sur les réseaux sociaux cette semaine, dans la foulée d’un vrai-faux procès de justice, dite transitionnelle, où l’on cherche coûte que coûte à salir la mémoire et l’héritage du leader suprême, le premier président de la République tunisienne et fondateur de la Tunisie moderne, Habib Bourguiba. Non, pas celle de Sofiène Toubel, ce député qu’on voit en train de jeter de l’argent par centaines de dollars. Ce n’est pas que ça ne devrait pas intéresser le grand public, car un homme public n’a pas de vie privée et il le sait dès le moment qu’il choisit de devenir homme public.

La gravité ne consiste pas vraiment dans le fait qu’il ait distribué de l’argent dans un cabaret, Sofiène Toubel reste, malgré tout, un mâle incapable de résister à ses pulsions. La gravité est qu’il s’est fait attraper comme un… amateur ! Comment, dès lors, peut-on donner les « clés du pays » et faire confiance à quelqu’un qui se fait attraper comme un amateur? Comme Toubel, il y en a des dizaines dans notre paysage politique. Sofiène Toubel n’est pas plus diabolique que Mohamed Abbou ou plus coquin que Imed Daïmi, la seule différence est que lui s’est fait prendre et pas les autres.

 

Non, la vidéo dont je parle est celle où l’on voit des citoyens lambda, des citoyens du peuple, qui chantent les louanges de Zine El Abidine Ben Ali. Filmés au cours de micros-trottoirs dans le cadre d’émissions TV, ces citoyens ont « vidé leur cœur » en avouant à haute voix ce que des millions de personnes n’osent pas dire depuis 2011, à savoir que c’était beaucoup mieux sous Zine El Abidine Ben Ali, avant cette révolution qu’ils qualifient de maudite, avant l’arrivée de ces « khwenjias » qu’ils qualifient de maudits, avant que ces politiciens corrompus, « maudits eux aussi » prennent le pouvoir et mènent le pays à l’abîme.

Neuf ans après la révolution, on en est là à maudire les dirigeants politiques, la démocratie et la liberté d’expression. Les citoyens-lambda filmés dans ce micro-trottoir en question en ont ras le bol de la cherté de la vie causée, d’après eux, par les commissionnaires, les intermédiaires, les corrompus et les spéculateurs. « Il n’y avait pas ça sous Zine El Abidine Ben Ali. Il était peut-être voleur, mais il ne volait pas le petit peuple. Ce petit peuple, Ben Ali réussissait à lui donner à manger. Quelques uns parmi les membres de sa famille étaient peut-être des voleurs, mais aujourd’hui, toute la classe politique est composée de voleurs, tous ! ».

C’est clair et sans appel ! Ceci n’est pas nouveau, les hommes et femmes de médias le savaient depuis des années, tout comme les instituts de sondage, mais on ne le disait pas. Le courant dit révolutionnaire, la chasse aux sorcières et les mises en examen ne permettaient pas de dire tout haut ce que des millions de gens pensaient tout bas : « on n’en a rien à foutre de Ben Ali et de la révolution, on veut manger. Ben Ali n’est pas notre ennemi, mais les islamistes le sont. » Et puis, on croyait vraiment à la possibilité d’avoir dans ce pays une véritable démocratie, une véritable justice, une véritable liberté d’expression, une véritable intégrité chez nos hommes politiques. Neuf ans après, il s'avère que nous ne sommes jamais tombés aussi bas, en dépit de tout le mal qui a été dit sur Bourguiba et Ben Ali.

 

Deux événements ont fait que la nostalgie à l’ancien président Zine El Abidine et les anciens régimes Bouguiba-Ben Ali refasse surface et revienne à la une de l’actualité cette semaine. Le procès de Salah Ben Youssef durant lequel les prétendus révolutionnaires tentent de réécrire l’Histoire de la Tunisie en partant de la règle, très juste et maintes fois vérifiée, que l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Sauf que voilà, Sihem Ben Sedrine, Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki (parents de la justice transactionnelle qu’ils appellent indûment transitionnelle) ne sont pas encore vainqueurs. Nous, laïcs et modernistes, héritiers de Habib Bourguiba, ne sommes pas encore morts pour leur laisser le pays. Nous n’avons pas encore abdiqué, nous sommes encore debout, bien debout. Tant que nous sommes vivants, tant qu’ils ne réécriront pas l’Histoire. Et puis, nous ne sommes pas comme eux pour prendre la poudre d’escampette quand le pays va mal. Nous n’avons nulle part où aller. Et tant que nous sommes encore vivants et debout, tant que Bourguiba restera vivant. Bourguiba restera vivant, malgré les « khwennjias », les révolutionnistes, les youssefistes, les nationalistes et les traitres. Ils ne le saliront pas et ils ne pourront pas réécrire l’Histoire à leur manière. Ils peuvent organiser des dizaines de procès et se faire signer des centaines d’amnistie, ils resteront des traitres et des sales à jamais à nos yeux. Ils pourront toujours se faire bien voir et se faire apprécier par leurs amis allemands, français et américains, mais jamais aux yeux de leurs compatriotes parmi le peuple.

Le deuxième événement est ce communiqué de Zine El Abidine Ben Ali, rendu public par son avocat Mounir Ben Salha dans lequel il affirme qu’il « reviendra un jour inchallah ». Ces deux événements ont fait délier plusieurs langues pour chanter les louanges de Ben Ali sur des airs nostalgiques.

Ce à quoi les prétendus révolutionnaires ont répondu, comme à leur habitude, par des intimidations, des injures et noms d’oiseaux. Au mieux, ils ont été qualifiés d’idiots, manipulés par les antichambres émiraties et saoudiens.

 

Neuf ans que cela dure et neuf ans que l’on qualifie Zine El Abidine Ben Ali et son régime de tous les noms. De sanguinaire à dictateur, de voleur à corrompu, on lui a attribué à lui seul la responsabilité de tous les maux du pays, sans jamais voir quoi que ce soit de bon qu’il a réalisé. On l’a même rendu responsable des 300 morts (qualifiés indûment de martyrs, puisque certains parmi eux ne sont que des voleurs et des casseurs) alors que l’essentiel de ces morts est passé sous les balles après la fuite de Zine El Abidine Ben Ali.

La vérité est que Ben Ali n’est pas un ange. Il ne l’a jamais prétendu du reste. Il a bien terrorisé et torturé des centaines d’islamistes et autres hommes politiques qui ont osé l’affronter. Mais ceci, tout autant vrai soit-il, ne constitue pas toute la vérité. Les centaines d’islamistes terrorisés et torturés ne sont pas tous victimes et anges, comme ils le prétendent. Il y a bel et bien des islamistes qui n’ont jamais fait un jour de prison, tel Noureddine Bhiri, par exemple. Il y a bel et bien des opposants qui n’ont jamais fait un jour de prison sous Ben Ali, tel Mustapha Ben Jaâfar et Ahmed Néjib Chebbi, par exemple. Moncef Marzouki, contrairement à ce qu’il prétend, n’a pas fait de prison. Il a été maintenu quelques jours en détention provisoire avant de jouir, ensuite, de toute sa liberté, y compris d’enseigner dans une faculté publique, y compris de travailler, comme médecin, dans un hôpital public, y compris de voyager. S’il est resté à l’étranger, c’était son propre choix, il pouvait rentrer à tout moment, il n’était ni condamné, ni recherché. Bon à noter, tout ce beau monde d’opposants vivait, sous Ben Ali, dans de belles villas dans les plus chics des banlieues de Tunis ou de Sousse.

En revanche, plusieurs parmi ceux terrorisés et torturés par Ben Ali, ont des choses à se reprocher, tels Hammadi Jebali et Ali Laârayedh. Idem du côté de ceux qui ont pris la poudre d’escampette, tels Salim Ben Hamidane ou Imed Daïmi. Tout comme la Sihem Ben Sedrine qui se faisait payer par des puissances étrangères pour mener son « combat » contre Ben Ali.

En aucun cas, ces personnes ne peuvent diriger la justice transitionnelle et en aucun cas, ils ne peuvent réécrire l’Histoire. Ils sont trop impliqués, ils ont trop de choses à se reprocher pour bénéficier de la crédibilité requise pour une telle mission historique. Nous n’avons pas le droit de mentir à nos enfants.

 

Zine El Abidine Ben Ali n’était pas un ange, mais il n’était pas le diable non plus, comme nous le dessinent ces « révolutionnistes » qui nous appellent à regarder avec les lunettes d'aujourd'hui des événements qui ont eu lieu il y a des décennies. Il a fait beaucoup de mal au pays, mais il lui a fait beaucoup de bien aussi. Il n’était pas toujours juste, mais il a été maintes fois équitable. Une chose est certaine, c’est que son patriotisme et son amour du pays ne peuvent être mis en doute, comme le disent plusieurs de ses détracteurs. Ça ne peut pas être du noir ou du blanc et c’est aux historiens de nous dire le noir et le blanc. Ce n’est pas le rôle des hommes politiques et encore moins des magistrats qui ont, eux aussi et comme beaucoup de monde, des choses à reprocher. Or dans le processus de la justice transitionnelle, tel que dessiné par Ben Sedrine and co, les magistrats ont été mis en touche pour qu’ils ne soient pas poursuivis dans les méfaits qu’on pourrait leur reprocher.

Ce que nous enseigne la vidéo évoquée plus haut et les réactions hostiles au vrai-faux procès de Bourguiba est que l’Histoire de la Tunisie ne doit pas être écrite par les vainqueurs de 2011 (qui ne sont plus vainqueurs), ni maintenue telle qu’elle a été écrite par les vainqueurs des périodes Bourguiba-Ben Ali. L’Histoire doit être écrite par les historiens et c’est ainsi, et seulement ainsi, qu’elle rendra justice aux victimes, à Bourguiba, à Ben Ali, à la Tunisie et aux Tunisiens. 

Par Nizar Bahloul
20/05/2019 | 15:59
8 min
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Commentaires (56)

Commenter

Lecteur
| 25-05-2019 22:10
Si Nizar, SVP, j'espère que vous gardiez votre liberté d'opinion et en espérant aussi de ne pas dans la manipulation paf ces adeptes de ce TRAVELO

Merci beaucoup Si Nizar

Forza
| 25-05-2019 21:21
Les nomades ont une fierté que tu ne possèdes pas. Les nomades sont des hommes libres, ce n'est pas ton cas.

LE NOMADE
| 23-05-2019 22:25
Vous venez de faire plaisir à un nombre incalculable de gens!Et vous démontrez par la même occasion votre patriotisme!
Vous voilà redevenu presque un ami.Pourquoi presque?car,je n'ai pas digéré les horreurs que vous avez proférées à l'encontre de La magnifique Abir Moussi,une vraie patriote!!
@Forza et les autres vendus planqués en RFA ne méritent que le mépris.Ce traitre et propagandiste forza a oublié grâce à qui il a été accepté en RFA,et ne plus vivre dans la misère dans laquelle il est né et grandi!!Quelle ingratitude de sa part et de ses semblables,les faux Tunisiens!
PS:je ne connais pas et je n'ai jamais eu affaire à monsieur Ben Ali!!Mais les faits sont têtus !

Abdelkader
| 21-05-2019 19:28
Après l'indépendance et l'euphorie qui s'en est suivie , beaucoup de tunisiens ont déchanté au point de regretter l'époque " d'abondance , de sécurité , etc ..." sous Jean de Hautecloque !!
Voici venu l'époque où certains regrettent l'autre visage du colonialisme , l'arbitraire du régime de Ben Ali et son corollaire de corruption pyramidale , jamais atteint depuis , de sa justice aux ordres , de sa paranoÏa sécuritaire ( un ratio d'un flic pour dix citoyens ) sans compter les sabbébas de toutes sortes , y compris " lehyout tesma3 " , de la voracité de son entourage , de l'abandon de régions entières à leurs tristes sorts ...
Le peuple a mis fin à cette mascarade et nous a évité l'humiliation de trop , voir Leïla et Sakhr diriger le pays !

Forza
| 21-05-2019 18:50
En Effet ils sont contre la révolution et ils voudraient bien retourner au système de 2010. Ce système dont Abir Moussi est l'une des figures est pour la répression et contre des medias libres. Vos allies Mr Bahloul vont réintroduire les directives et vont diriger les journaux et les medias comme l'a fait Abdelwahab Abdallah. Matériellement vous pouvez survivre car cet etat dictatorial va être généreux avec les medias conformes mais admettez que votre bulot sous un système Ben Ali 2.0 deviendra "boring". Vous allez écrire sur les hommes et femmes d'affaires de l'année 2021 qui ne sont que les parents et gendres de Moussi et rebelote.

Abder
| 21-05-2019 16:59
En attendant que l'histoire de la Tunisie post indépendance soit écrite par les historiens qualifiés, il ne reste que le témoignage de ceux qui ont vécu les systèmes de gouvernance qui se sont succédé depuis mais qui n'en ont pas fait partie. Très sommairement on peut dire que Bourguiba l'homme d'Etat, le visionnaire, le vrai patriote, le grand pédagogue, le charismatique, le bâtisseur de la Tunisie moderne a commis l'erreur fatale en se portant président à vie. Quant à Ben Ali qui n'a pas ces qualités, il a su manoeuvrer certes pour consolider son pouvoir et assurer une certaine stabilité politique du pays mais cela au prix d'une marginalisation socio économique des régions intérieures du pays, d'une restriction drastique des libertés individuelles et collectives, d'une déshérence des systèmes tant éducatif, culturel que de santé, d'un laisser faire en matière d'enrichissement illicite de certains membres de sa famille. C'est pourquoi son départ forcé a été ressenti comme un grand soulagement, comme une 2ème libération, comme une lueur d'espoir. Mais le souffle de la liberté et de la dignité n'a pas duré. C'était comme un rêve et l'éveil était cauchemardesque. D'abord avec les manifestations et les revendications ininterrompues, les grèves sauvages, les barricades sur les réseaux routiers et par-dessus tout l'émergence au grand jour de l'islam politique. Prônant le retour aux sources , une lecture littéraliste du coran, la réhabilitation du califat, la remise en question des droits acquis de la femme... Une rhétorique obscurantiste qu'une majorité de Tunisiens croyaient révolue. Eh bien non! Galvanisés par leur victoire relative aux élections de 2011, les tenants de cette idéologie rétrograde ont cherché à l'imposer à l'ensemble de la société dont ils ne représentent pourtant qu'une minorité.Moins que 20% de la population. Le drame de la Tunisie est que le camp opposé est divisé, tiraillé par des ego démesurés. Résultat, les islamistes sont toujours de façon directe ou indirecte aux commandes de l'état avec le marasme économique et l'instabilité politique qui en résultent. Et cette situation risque de perdurer aussi longtemps que la famille centriste et modérée est en proie à des querelles de leadership. Le problème est en nous. Ne cherchons pas à nous voiler la face. Ce qui nous unit est beaucoup plus important ce qui nous divise. Alors, faisons en sorte que l'intérêt du pays passe avant les intérêts personnels et partisans . La victoire aux prochaines élections est à ce prix. Sinon ... l

Zohra
| 21-05-2019 16:21
Calomnier les journalistes est devenu une technique communicante actuellement très en vogue chez de nombreux commentaires de la vie politique ou les supporters de certains ou certaines candidats(e).
Il y a désormais un droit à l'insulte ouvert dans ce pays, ce qui laisse augurer d'une campagne président très agréable, pour les journalistes

Lectrice
| 21-05-2019 14:40
Je n'arrive plus a vous suivre Nizar mais bravo pour cet article, vous etes revenu aux sources apres quelques egarements. Et oui, ce nouveau proces montre bien toute la dangerosite des islamistes et de leurs complices.

Farouk
| 21-05-2019 13:56
Ce n'est pas a l'histoire de lui rendre justice, mais au peuple de gueux de lui demander pardon.
Depuis le depart force de mr Ben ali, la Tunisie s'est effondree dans des tous les domaines.
Mr Bahloul votre article est veridique et juste.

pit
| 21-05-2019 13:31
"Ce petit peuple, Ben Ali réussissait à lui donner à manger"...
ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui...sombres et cupides gouvernants, tremblez, votre fin est proche car vous avez affamé le petit peuple et nous vous dégagerons par les urnes ou par les armes !!!