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Chroniques
Youssef Chahed résistera-t-il à toutes les pressions ?
Par Houcine Ben Achour
06/12/2018 | 19:59
5 min
Youssef Chahed résistera-t-il à toutes les pressions ?

Par Houcine Ben Achour 

 

C’est une tautologie que d’affirmer que le passage de tout projet de loi de finances constitue une délicate épreuve pour tout gouvernement. Rarement un projet de loi de finances est adopté dans son intégralité. A chaque fois, des mesures sont retirées, des dépenses sont rajoutées, résultats de compromis dont on ne pouvait imaginer aisément les redoutables conséquences sur les finances publiques.

Cependant, pour cette fois, le gouvernement se trouve face aux tous puissants acteurs de la scène politique et socioéconomique du pays qui veulent capitaliser à leur profit l’année des échéances électorales présidentielle et législative. Ennahdha, l’UGTT, l’Utica, la Conect,  l’Ordre des avocats, celui des experts-comptables pour ne citer que ceux-là. Autant dire, Youssef Chahed est dos au mur. Les projets de loi de finances et de budget de l’Etat qu’il défend ressemblent à un château de cartes. Il suffit qu’on en retire ou en rajoute une pour que tout s’écroule.

 

Est-ce que le gouvernement cèdera face à la pression de l’UGTT, la centrale syndicale des salariés, pour une augmentation des salaires dans le secteur public, surtout lorsque Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’organisation des salariés, prévient que l’UGTT marquera sa présence lors des prochaines joutes électorales ? Ce deal ramènera à la case départ la situation des finances publiques. Car il faudra faire le deuil de l’objectif de 3,9% de déficit budgétaire pour l’année prochaine et simultanément accroître dangereusement la charge de l’endettement, sans garantie d’un surcroît de croissance, ni de ralentissement de l’inflation, ni d’un redressement des paiements extérieurs. Youssef Chahed pourra-t-il assumer et plaider un tel bilan face aux électeurs ?

 

Face à Ennahdha, ce n’est pas le projet de loi organique relatif à l’égalité dans l’héritage qui constitue l’enjeu, mais le fameux  « Fonds de la dignité, de la réhabilitation et de l’indemnisation des victimes de la tyrannie »  dont fait référence la fameuse Décision cadre de l’Instance vérité et dignité (IVD) fixant les critères d’indemnisation et de réhabilitation. Un Fonds créé à la suite d’un véritable coup de force des représentants d’Ennahdha à l’Assemblée nationale constituante qui, une nuit du mois de décembre 2013, ont imposé à la fin des débats précédant le vote l’ajout d’un article supplémentaire au projet de loi de finances 2014 créant ce Fonds alors que cette proposition ne fut ni présentée au gouvernement, ni discutée en Commission des finances. Youssef Chahed satisfera-t-il cette exigence du mouvement islamiste sachant que les éventuels bénéficiaires de ce Fonds constituent une partie non négligeable sinon un noyau dure de sa base électorale? Dans l’affirmative, le gouvernement se retrouvera face au même scénario que celui des augmentations des salaires dans le secteur public revendiquées par l’UGTT. En tout cas, une telle perspective ne manquera pas de faire réagir promptement la centrale ouvrière qui d’ailleurs a d’ores et déjà émis un veto catégorique contre une telle mesure.  

 

Youssef Chahed interviendra-t-il auprès de la Steg afin qu’elle sursoit à l’augmentation des tarifs de consommation d’électricité et de gaz des entreprises, revendiquée par les deux organisations patronales du pays au risque de faire sombrer cette société nationale dans les pires difficultés financières? Il ne fait aucun doute que la décision a été prise bien en amont de la Steg. Elle était indispensable pour contenir la charge de compensation dans la limite de 2.700 MD, un plafond initialement fixé à 1.500 MD. Le tort du gouvernement est d’avoir agi sans le moindre effet d’annonce, sans la moindre volonté d’expliquer par le menu les raisons de cette augmentation. Cela n’exonère pas pour autant l’Utica et la Conect. Quand est-ce que les chefs d’entreprises vont comprendre que la compensation de l’énergie n’est plus immuable et que la Steg ne peut continuer à facturer un produit en-deçà de son prix de revient ? Quand bien même il conviendrait qu’elle engage un « full audit » de sa situation comptable mais également sociale et une opération d’envergure pour recouvrir le montant des créances qu’elle détient ses usagers, tous ses usagers, l’Etat, les ménages et les entreprises. Avant de dénoncer la démarche peu cavalière de la Steg et de contester à tort sa position monopolistique en matière de distribution d’électricité, on aurait gagné à savoir combien de patrons ont engagé un audit énergétique de leur entreprise. N’auraient-ils pas pu s’inspirer de la démarche de leurs pairs européens qui, sans attendre la fin du feuilleton du Brexit, ont entrepris de se préparer à l’échéance que le divorce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni soit à l’amiable ou pas?

 

Il en est de même des organisations professionnelles qui refusent la levée du secret professionnel pour des raisons fiscales alors qu’une telle mesure met en conformité le pays avec les conditions du Gafi en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et celles, par ailleurs, de l’Union européenne (UE) de mise au ban des paradis fiscaux. Pourquoi les organisations professionnelles des pays adhérant au Gafi et celles des pays de l’UE se sont-elles soumises à ce genre de mesure sans invoquer le principe du secret professionnel ?

 

Youssef Chahed résistera-t-il à toutes ces contestations et autres ?

Interrogé sur sa définition de l’homme d’Etat versus l’homme politique, le politologue et journaliste Alain Duhamel a répondu que le vrai homme d’Etat est celui qui est déterminé à accomplir les réformes nécessaires au pays sachant qu’il risque d’échouer électoralement.

 

Par Houcine Ben Achour
06/12/2018 | 19:59
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Commentaires (4)

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Zohra
| 10-12-2018 07:13
Des commentaires stériles qui répètent toujours sans cesse la même chose.

DHEJ
| 07-12-2018 12:58
Mais jamais il saura résister à la dépression!!!

mansour
| 07-12-2018 11:41
Youssef Chahed n'a jamais d'argent pour la classe laborieuse et moyenne malgrés les demandes de L'UGTT mais miracle l'argent magique qui descend du ciel qui sera un cadeau offert sous forme de « Fonds de la dignité, de la réhabilitation et de l'indemnisation des victimes de la tyrannie » aux islamistes freres musulmans salafistes d'Ennahdha

Ali Baba
| 06-12-2018 20:57
on n'y comprend plus rien ! pourquoi les fonds alloués d'une manière scandaleuse aux militants de la Nahdha ne serviraient ils pas à l'installation de milliers de panneaux photovoltaiques au bénéfice des citoyens?