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Youssef Chahed : Quand il est libéré, il vole !
23/03/2018 | 13:40
7 min
Youssef Chahed : Quand il est libéré, il vole !

 

Mal en point politiquement depuis les dernières sorties du président de la République, fragilisé par la puissante centrale syndicale UGTT et enfin convoqué par les députés de l’ARP ce 23 mars 2018, Youssef Chahed savait qu’il jouait gros lors de son audition. Son discours a fait taire tous les sceptiques et l’a fait entrer dans les rangs des hommes d’Etat. Retour sur un discours qui fera date !

 

« Je vais commencer mon discours par une question, ce n’est pas habituel, je le sais, mais je voulais savoir qui sont les parties qui ne veulent pas qu’il y ait des élections municipales »  d’emblée, Youssef Chahed fixe la tonalité de son discours, il est là pour agir, pas pour réagir, il prend les devants, adresse des coups à ses détracteurs, attaque,  dirige les débats et fixe les priorités.

 

S’il se vante de quelques bons indicateurs économiques (le taux de croissance a augmenté, le chômage a baissé et les exportations sont en augmentation), conséquence des mesures gouvernementales pour relancer l’économie, Youssef Chahed est bien conscient des difficultés persistantes (dans les réserves de change, dans le taux d’inflation élevé..), qu’il qualifie de problèmes structurels de finances publiques.

 

Et au chef du gouvernement d’entamer alors un véritable récital, dans ce qui constituera indéniablement le temps fort de son discours « Il faut des réformes structurelles pour réformer en profondeur la situation des Caisses sociales, caisses de compensation et des entreprises publiques…On est le premier gouvernement à avoir ouvert ce gigantesque dossier et on  a une vision claire pour réformer ces secteurs ».

 

Youssef Chahed lancera dans la foulée une pique aux partis politiques (même ceux qui le soutiennent officiellement), organisations nationales (patronales et syndicales) concernant la mise en exécution de ces épineuses réformes : «  En réalité, tout le monde est d’accord pour le diagnostic mais quand on  veut  mettre en œuvre ces réformes le corporatisme l’emporte et empêchera toute réforme ! Mais nous allons réformer ! Le temps des grandes réformes est venu, Il y a un prix à réformer, nous sommes prêts à le payer » affirme un chef du gouvernement qui n’a jamais semblé être aussi déterminé, et libéré de toute emprise politique et partisane.

 

 

Point par point, Youssef Chahed prend la peine d’expliquer aux députés et à l’opinion publique le bien fondé de ses réformes. Sur les caisses sociales, il affirme  qu’il y a urgence pour réformer car la situation est  très difficile et précaire : «  la CNSS et la CNRPS accusent 100 millions de dinars par mois de déficit, on ne peut pas continuer comme cela. Le citoyen en paie les prix » indique-t-il. Pour résoudre ces problèmes, le chef du gouvernement a indiqué que la loi de finances de 2018 a déjà prévu une cotisation de solidarité de 1% et que le gouvernement va proposer un projet de décret pour réformer la CNSS et un projet de loi pour réformer la CNRPS : « On va demander aux organisations sociales leurs avis dans un délai d’une semaine, passé ce délai, on va ensuite  soumettre le projet à l’ARP, toutefois, nous tenons à préserver le principe de solidarité sur lequel repose tout notre système de sécurité sociale » a-t-il argumenté.

 

Sur les entreprises publiques,  le chef du gouvernement a déploré le fait qu’elles soient lourdement déficitaires : « 6500 millions de dinars de dettes cumulées pour les entreprises publiques en 2016. On ne peut pas continuer comme cela, L’Etat ne peut plus couvrir les dettes de ces entreprises, on a besoin de cet argent pour la santé, l’éducation… » a-t-il affirmé.

 

Pour Youssef Chahed, il faut distinguer les entreprises publiques dans le secteur concurrentiel qui peuvent être privatisées totalement ou partiellement des autres entreprises publiques qui assurent un service public et qui sont en monopole, et dont la privatisation n’est pas à l’ordre du jour.

« Il faut restructurer les entreprises en ayant en tête le principe du maintien de la paix sociale, des emplois et les droits des salariés » explique Chahed qui brise ensuite le tabou de la privatisation dans certaines situations : « Il faut que l’Etat privatise certains secteurs non stratégiques, cela va apporter des ressources pour investir dans la santé et l’éducation. Je ne suis pas pour le libéralisme à outrance,  mais l’Etat providence dans sa version pure a échoué partout dans le monde », a-t-il martelé.

 

Le chef du gouvernement indique qu’il est pour une politique qui prend en compte les considérations sociales. Dans ce cadre, il se dit attaché aux principes de revenu minimum, de couverture médicale universelle, et de logement décent pour tous. Dans ce cadre, Chahed a annoncé que le gouvernement préparait des mesures pour permettre aux personnes qui n’ont pas de revenus stables (taxis ou commerçants) d’obtenir des crédits pour construire des maisons.

 

Evoquant le chantier de l’éducation, le chef du gouvernement concède dès le départ un constat amer : l’ascenseur social est en panne, et énumère ensuite la liste des problèmes auxquels est confrontée l’école : Problème dans le personnel éducatif, infrastructure, emploi du temps des élèves, niveau général des élèves, problèmes de suicide et de violence.

Les chiffres annoncés par Chahed sont alarmants : plus de 100 000 élèves quittent l’école chaque année, soit plus de 300 par jour. Pour remédier à cette situation, le chef du gouvernement a annoncé une stratégie pour réformer l’école. Ainsi, 500 millions de dinars seront alloués  pour restructurer l’infrastructure et le corps enseignant bénéficiera de formations et de stages.

 

 

L’école de la 2ème chance pour les élèves qui quittent l’école va voir le jour selon Chahed et le gouvernement envisage de mettre en place la séance unique pour permettre les élèves de pratiquer les activités culturelles et sportives.

Autre annonce importante, des quotas seront réservés aux élèves brillants dans les zones défavorisées dans les grandes universités en Tunisie, car aujourd’hui en Tunisie, les élèves des régions défavorisées n’ont pas les mêmes chances de réussite que les autres, reconnait Chahed.

Le chef du gouvernement insiste pour la nécessité de  libérer l’initiative et les talents, dans l’économie (adoption prochaine de la loi sur les startups ;  mesures pour réduire la bureaucratie). Mais au préalable,  il faut lutter contre la corruption, et la contrebande, affirme Chahed.

 

Youssef Chahed  déclare  qu’il savait que la lute contre la corruption allait couter cher à l’équipe gouvernementale, mais affirme que son équipe n’a peur de personne et qu’elle fera tout pour aller au bout de ses intentions « C’est notre vision pour la Tunisie, faire de notre pays un Etat de droit et de l’égalité des chances ».

 

Enfin, Youssef Chahed conclut son discours en citant une célèbre maxime politique « la différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est que le premier pense aux premières élections, et le deuxième aux prochaines générations » dit-il sous les ovations des députés. Youssef Chahed enchaine : « Je crois en la liberté, en la démocratie, en la République, Vive la Tunisie ! ».

 

Libéré des pressions politiques qui pesaient sur lui, Youssef Chahed a réussi son meilleur discours depuis son intronisation. Brisant les tabous, il a énuméré les problèmes qu’affronte l’économie tunisienne tout en prenant soin d’y apporter des solutions. Indépendamment de son sort en tant que chef du gouvernement, Youssef Chahed aura marqué les esprits et gagné des points auprès de l’opinion politique.

 Serait-ce suffisant pour garder son poste ? Seul l’avenir nous le dira. Sinon, l'élection présidentielle de 2019 pointe son nez et Chahed aura certainement une carte à jouer même s’il a profité du discours pour réaffirmer son appartenance à Nidaa Tounes et sa loyauté envers Béji Caïd Essebsi.



Nessim Ben Gharbia


23/03/2018 | 13:40
7 min
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Commentaires (14)

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Tunisien
| 24-03-2018 19:38
BN, dommage! Soyez un temps soit peu plus critique vis-à-vis de monsieur le Chef du gouvernement. Elkoura edour.

AH
| 24-03-2018 18:20
Ce long article ne peut pas cacher la réalité du pays et du Tunisien moyen qui croule sous l'effet du chômage, de la pauvreté ou de l'inflation.

Pour vous convaincre que le gouvernement n'a rien à offrir et qu'il est déconnecté des Tunisiens vous n'avez qu'à visiter le site reformes.gov.tn dont on fait la publicité avec l'argent du contribuable pour voir le nombre dérisoire de citoyens qui l'ont visité et ce que l'on offre comme grandes réformes ( pratiquement rien ).

la première grande réforme dont la Tunisie a besoin est celle des mentalités , de bons nombres ( pour rester correct) de politiciens en premier lieu, de juges, de journalistes et de citoyens ordinaires. Qui va le faire et quand est-ce que l'on commence? ce serait là un pas vers la démocratie, le cas de la France dans l'affaire Sarkozy est éloquant à cet égard.


El cordobes
| 24-03-2018 18:01
C est un petit nain qui n a aucune importance ,aucune personalite il est la marionette teleguidee par les vieux lascars...

CHDOULA
| 24-03-2018 08:40
Ce qui freine notre pays et nous empêche d'avancer c'est vous ! Le vrai problème c'est cette assemblée qui nous a pondu ce régime et qui nous empeche de sortir notre pays de la crise ! Si vous aimez votre pays démissionnez toutes et tous et surtout avant de partir faites un dernier vote unanime pour fermer cette fosse aux lions et changer de régime !

Abir
| 24-03-2018 08:30
HCE a dit que le parti est a son papa et que sa maman que lui a donné,et chahed nous dit que
son poste est a Béji et que Gannouchi qui lui a donné,est là le point de rencontre entre Hafed et Chahed ,c'est à dire, deux nuls!!! Chahed a bel est bien montré qu'il est une marionnette en chair et en os,même son discours,j'ai paris qu' il est passé par les deux vieux si ce n'est pas eux qui lui on dicté !!!!

takilas
| 23-03-2018 20:50
Un pays de saboteurs et de régionalistes.
Une révolution de salaupards, qui n'ont cm comme objectif depuis qu'ils sont venus de Londres au cours de l'année 2011, que de coloniser la capitale Tunis, et aucun ne peut prétendre le contraire.
C'est des racailles et des complexés.

Moustache
| 23-03-2018 19:57
C'est bien de juger un chef de gouvernement sur un discours, et non pas sur tout son parcours et sur la situation actuel de la Tunisie et dont il en a la responsabilités
Le commentaire de @Mabrouka est magnifique et dit tout:
"les volontés faibles se traduisent par des discours ; et les volontés fortes se traduisent par des actes."

khalil
| 23-03-2018 19:01
le véritable problème de la Tunisie n'est pas en celui qui gouverne (YC ou XY) mais plutôt dans notre régime politique qui ne permet à personne de gouverner...

Mabrouka
| 23-03-2018 17:09
Youssef Chahed a fait un discours acceptable...mais tres insuffisant s il veut se considerer comme un homme d Etat et comme disait Gustave Le Bon:
"Les volontés faibles se traduisent par des discours ; les volontés fortes par des actes."
Gustave Le Bon
Anthropologue, Médecin, Psychologue, Scientifique, Sociologue (1841 - 1931)

Maryem
| 23-03-2018 16:53
" La différence entre le politicien et l'homme d'Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération."
Citation de James Freeman Clarke
Beji doit etre content de son poulain,il a fait un discours pas trop mauvais....La nourrice met un morceau dans la bouche de l'enfant et deux dans la sienne.......encore une citation de James Freeman Clarke