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Chroniques
Y-a-t-il encore une chance d'éviter le chaos ?
09/01/2014 | 1
min
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Par Mourad El Hattab*

Citoyens de tout bord, classe politique, intellectuels et observateurs de la situation socio-économique voient en la formation d’un nouveau gouvernement une lueur d’espoir. Cependant, certains pensent que la prochaine étape n’est, tout simplement, qu’un mirage. Essayons de voir les défis à relever par les nouveaux gouvernants et les risques qui y sont liés.

Ces derniers jours, la Banque Africaine de Développement a présenté son rapport annuel 2013 intitulé «Croissance résiliente et intégration en Afrique du Nord», le rapport était basé sur une revue de l’efficacité du développement avec pour thème directeur la croissance durable.

L’analyse s’est faite sur quatre niveaux à savoir les progrès du développement dans des domaines-clés, les résultats des opérations de l’Institution, l’évaluation de la qualité de la gestion de son portefeuille et la description des efforts fournis pour renforcer sa capacité organisationnelle.

La position de la Tunisie a été mise en exergue, à l’instar d’autres pays, notamment sur les plans de la croissance et la réduction de la pauvreté, le développement du climat d’investissement, l’intégration régionale, l’infrastructure, la sécurité alimentaire et la gouvernance. Globalement, les indicateurs n’étaient pas au vert.

Juste avant la publication du rapport sus mentionné, l’ONG International Crisis Group a édité un document spécial sur la montée des risques sécuritaires dans notre pays pour attirer l’attention sur le lien entre les crises politiques récurrentes et l’ampleur de la confusion choquant la population, la polarisation croissante et la fracture sociale, les dangers liés à la porosité des frontières en relation avec la présence de groupes extrémistes armés.

L’ONG a incité les autorités à parfaire à un consensus politique et à créer des groupes de travail afin de dresser une démarche non partisane du contrôle de la sécurité publique dans le but de présenter des recommandations à l’échelle régionale et nationale.

Reprise d’espoir et défis à relever
Rappelons d’abord que le choix de Mehdi Jomaâ à la primature, qui n'était pas présagé pour ce poste, a engendré outre la subdivision de la scène politique, un sentiment que le dialogue national n'a pas réussi. Néanmoins, les parties prenantes ont finalement été convaincues que les dés sont jetés et qu’une marche arrière n’est plus possible.

Certes, la nouvelle équipe gouvernementale aura pour principale tâche de relever le défi islamiste. L’intégrisme et le terrorisme ont coûté à l’économie nationale 4 Milliards de Dinars en termes de recul des investissements directs étrangers, de déficit des échanges extérieurs et de repli des recettes touristiques, mais un arbitrage doit être fait pour rassurer la mouvance quant à son avenir au pays.

L’instauration d’un climat électoral imperturbable doit passer par la maîtrise de l’ordre public, du dégagement de la scène sociopolitique des facteurs risquant de la brouiller et de la garantie de l’impartialité de l’administration. Ceci nécessite de compacter la formation gouvernementale sans pour autant vider des départements d’intérêt économique et social majeur de leur importance tels que les ministères du développement régional et de la planification et du tourisme qui seront appelés à disparaître, selon certains. Ceci serait une erreur monumentale.

Le prochain gouvernement aura aussi à faire face à une position socioéconomique difficile avec une note souveraine dégradée, des finances publiques déficitaires, une inflation rampante et des effets critiques liés à un service de dette insoutenable, une politique monétaire qui n’a pas pu juguler le déficit de la liquidité et les risques des taux d’intérêt et de change.

L’équipe va, entre autres, gouverner dans un environnement politique fractionné et qui est miné par des milliers de nominations partisanes et des projets contestés qui pourraient provoquer des dégâts au niveau de la préservation du patrimoine national sectoriel, entre autres, au niveau bancaire, agricole, énergique, etc.

Le chômage sera toujours une source de préoccupation principale avec la détérioration du pouvoir d’achat, la perte de compétitivité des entreprises tunisiennes et la marginalisation des régions dont le développement ne dépend pas uniquement de l’injection ponctuelle de fonds mais de la mise en œuvre d’investissements dans l’infrastructure de base et de projets développeurs de revenus, qui tiennent compte de leurs diversités.

Comment gérer les risques ?
L’arbitrage entre risques et opportunités est une opération délicate à faire par le nouveau gouvernement qui sera, fortement, soumis aux lobbys et aux teneurs d’intérêt. La composition avec les partenaires historiques de la Tunisie et la renégociation avec l’Union Européenne de la position de partenaire privilégié ne sera pas une mince affaire au vu de la destruction qu’a subie la diplomatie économique nationale. Il en est de même pour rassurer les bailleurs de fonds qui ont tiré, carrément, leur épingle du jeu du financement de notre économie qualifiée à haut risque.

La complication de la situation sociale du pays nécessitera un travail de longue haleine pour éviter d’éventuels bouleversements lors du traitement des épineuses problématiques liées à la réforme de la caisse de compensation, le sauvetage des fonds de retraites et de prévoyance sociale, la régionalisation... La liste est presqu’interminable.

Le nouvel exécutif aura, également, fort à faire couvrir les risques inhérents à une conjoncture internationale et régionale de plus en plus incertaine. Ceci sans pour autant ignorer les revendications sociales de plus en plus aiguës en dépit de leur encadrement par l'Union Générale Tunisienne du Travail.

Combattre la corruption, la criminalité économique et mettre les jalons de la bonne gouvernance sans faire fonctionner des instances ressemblant à des coquilles vides va mettre les nouveaux gouvernants face à des risques de grande sévérité.

La gravité n’est pas moindre en ce qui concerne le fait d’éviter des méfaits des lois affreuses des finances, des habous et autres compositions telles que les fonds anarchiques et les caisses spéciales censées être alimentées par les deniers publics.

En somme, le risque majeur consiste en l'aggravation du déficit des équilibres financiers pesant lourdement sur la tâche du gouvernement appelé à accroître les investissements publics et privés tout en drainant ceux d’origine étrangère malgré la promulgation d’un code d’investissement contraignant.

Le développement de la disposition de l'économie à résister aux chocs et son adaptation aux exigences de l'environnement international pour saisir les opportunités qui pourraient se présenter, seraient aussi les principaux enjeux hautement risqués pour la Tunisie.

Le redressement économique et social à considérer par le nouveau gouvernement sera mené sur fond d’une crise systémique qui a bouleversé les secteurs et les institutions en les rendant fragiles. C’est pour cela qu’il faudrait faire appel à de nouveaux ajustements du cycle économique, ceci ne pourrait être conduit que si on consolidait des redressements et des réformes de caractère structurel.


*Spécialiste en gestion des risques financiers
09/01/2014 | 1
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