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Chroniques
Vous avez beau être présidents, vous n’êtes pas immortels !
24/09/2018 | 15:59
6 min

 

Par Nizar Bahloul

 

 

Une tempête, des records de pluies, des inondations spectaculaires, le Cap Bon a vécu une véritable catastrophe naturelle, digne des pays tropicaux, ce week-end. Six morts au moins et des dégâts matériels considérables. Paix aux âmes de nos concitoyens ! L’Homme demeure encore et toujours faible face à Dame nature. On ne résiste pas contre la mort, on ne résiste pas contre la Nature, ces deux là ont toujours existé depuis la genèse de la terre, il y a 4,6 milliards d’années.

Face à une catastrophe naturelle quasiment inédite, la réaction des autorités a été, comme d’habitude, en deçà des attentes. Le Tunisien, expert en tout, regarde beaucoup la télévision et s’attendait à une mobilisation des autorités identique à celles des régions tropicales habituées aux ouragans. A défaut, il s’en est pris au gouvernement, à l’Etat, aux dirigeants etc.

Ce même Tunisien dont les caractéristiques principales sont la construction anarchique, l’évasion fiscale, le farniente, les grèves, les sit-in, le travail bâclé, l’imperfection, le tanbir (la médisance), etc, ce même Tunisien exige que ses autorités aient une réactivité et des moyens dignes des pays civilisés. On ne veut toujours pas admettre que le mal est en nous tous, et que les autorités dirigeantes (qu’elles soient communistes, islamistes, nationalistes ou libérales) émanent de notre société, sont imbibées de notre culture et nous ressemblent. Finalement, nous n’avons que les dirigeants que nous méritons et c’est le cas pour toutes les autres nations. Paix aux âmes de nos six concitoyens ! On va vous pleurer 24 heures puis on va vous oublier, sans retenir une quelconque leçon. Très rapidement, on va passer à autre chose pour nous chamailler entre libéraux et communistes, islamistes et laïcs et continuer à suivre nos jolis feuilletons de guerres intestines dans les partis.  

 

Sur la scène politique, on n’a pas attendu le week-end pour vivre une catastrophe, on y est depuis des années.

Chez Nidaa, Hafedh Caïd Essebsi fils à papa, a eu de très belles claques ce week-end, en prévision de l’interview que devrait donner son père, président de la République, ce soir à 19h à Myriam Belkadhi sur Al Hiwar Ettounsi. Il est de plus en plus lâché par ses bases et ses députés (il en a perdu 4 ce week-end). Même ses milices sur les réseaux sociaux ont dû abdiquer après avoir constaté que l’avenir se jouera sans lui et qu’il est incapable de sauver l’un d’eux de la case prison en cas de problème.

Chez le Machrouû, on a changé de position de 180°. Le parti s’est effrité au point que Mohsen Marzouk a dû se déculotter pour affirmer, maintenant, son soutien à Youssef Chahed et sa disposition à participer à une coalition gouvernementale.

Chez Harak Tounes El Irada, et contrairement aux autres partis, l’implosion a été soudaine et spectaculaire. Cela fait des années qu’on dit que Moncef Marzouki est un valet du Qatar et de la Turquie, qu’il est un incapable, mégalomane et égoïste et cela fait des années que ses milices nous démentent, nous injurient et tentent de nous intimider. Ni la claque des législatives et de la présidentielle 2014, ni celle bruyante des municipales 2018, n’ont fait prendre conscience aux membres d’Irada qu’ils sont à côté de la plaque et en déphasage total avec la population. Il y avait toujours un bouc émissaire prêt à l’emploi (souvent les médias) pour justifier leur échec. Il a fallu qu’ils entament sérieusement les préparatifs des élections de 2019 pour se rendre compte que Moncef Marzouki est un têtu qui ne roule que pour sa propre bosse et pour ses propres intérêts personnels. Il veut mobiliser toute une machine électorale et partisane pour que lui, revienne au palais de Carthage. Quant au parti, les législatives et l’intérêt du pays, il s’en moque. Faute d’intérêt personnel, ses troupes ont fini par se rendre à cette évidence et l’ont lâché. Pourquoi voudriez-vous qu’ils participent à une campagne en sachant d’avance que leur président ne vaincra pas ? Et quand bien même il vaincrait, il ne pourra pas leur offrir plus qu’un simple petit poste de conseiller au palais de Carthage ou, au mieux, un poste de ministre de la Défense ou des Affaires étrangères.

 

Qui de Béji Caïd Essebsi, Hafedh Caïd Essebsi, Mohsen Marzouk et Moncef Marzouki, a retenu la leçon de ce qui leur est arrivé ou arrivé à leur parti, ces derniers temps ? Au vu des réactions des uns et des autres, la réponse est claire : personne !

Chacun d’eux est dans sa tour d’ivoire, se prenant pour le nombril du monde, vissé sur ses positions. « J’ai raison envers et contre tous, j’ai raison contre l’évidence même », devraient-ils penser. Il faut dire qu’ils ne sont pas trop différents de leurs compatriotes, Tunisiens, experts en tout.

D’après les quelques échos nous parvenant du palais de Carthage, Béji Caïd Essebsi ne devrait pas déroger à cette règle. Dans son interview de tout à l’heure, il devrait poursuivre son soutien à son fils dans son combat contre son chef du gouvernement Youssef Chahed. En dépit de tous les avertissements, en dépit des démissions, en dépit des conseils de ses plus proches, en dépit des analyses des plus grands éditorialistes du pays, le président de la République devrait jouer la fuite en avant. J’espère sincèrement être démenti par Béji Caïd Essebsi en retrouvant ce soir celui qu’on a connu en 2011-2015, l’homme d’Etat qui privilégiait la patrie au parti et à sa propre personne. L’espoir est mince, mais il fait vivre.

 

Hélas pour nous concernant les uns, heureusement pour nous concernant les autres, tous ces présidents demeurent enfermés dans leur tour d’ivoire, mus par leur ego surdimensionné et ne se rendent pas compte qu’ils sont déjà morts. Ils sont accrochés à leurs fauteuils, se croyant éternels et refusant tout constat d’échec. Ils n’ont d’oreille que pour leurs laudateurs et leur miroir qui leur dit chaque jour qu’ils sont les plus beaux. Ils ont beau être chevronnés en politique, comme Béji Caïd Essebsi, et disciples des plus grands politiciens, comme Moncef Marzouki ou Mohsen Marzouk, ils n’ont rien retenu de ce qu’ils ont vécu ou de ce qu’ils ont lu. Face à l’exercice du pouvoir et la magie maléfique du fauteuil présidentiel, ils sont devenus sourds et aveugles. Non messieurs, non seulement vous n’êtes pas immortels, mais vous êtes déjà morts ! Il vous reste encore quelques jours pour sortir par la grande porte et ne pas recevoir une autre claque humiliante, saisissez cette opportunité et ne faites pas comme les Néjib Chebbi, Mustapha Ben Jaâfar ou Sihem Ben Sedrine qui ont été trainés dans la boue, parce qu’ils ne se sont pas aperçus de leur mort à temps. Il faut savoir quitter la politique quand l’amour des partisans est desservi.

24/09/2018 | 15:59
6 min
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Commentaires (11)

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EL OUAFI
| 29-09-2018 07:47
Non Mr Nizar j'en suis persuadé et même certain qu'ils n'abdiqueront jamais tellement obsédés aveuglés , comment voulez-vous qu'ils retiennent les leçons ? Non Mr Nizar ils ne vous entendront pas ils ne peuvent en aucun cas déroger à la règle ils sont subjugués par les sentiers tracés par leurs prédécesseurs ils s'accrochent désespérément même à une paille à l'exemple d'un naufragé pour finir d'être regeter sur les rives sans vie des cadavres inertes où l'opprobe les couvre éternellement !
C'est une génération obsédée par le pouvoir c'est la seule cuture qui ont connue c'est un gène obsessionnel un virus immuable qui niche profonfement dans leurs subconscient ils ne peuvent s'en défaire jamais.
J'ose espéré qu'un miraculeux vent les emporteraient si lointain et quon les revoient par crainte de contagion et laisser le terrain à defraichir pour les générations futures tout en espérantqu'ils en feront bon usage ! (Manai)

Zohra
| 25-09-2018 15:29
Bonjour Monsieur,

Merci beaucoup pour votre gentillesse, et pour ces explications mais ca ' explique l'inondation de tout le cap et en plus la très forte précipitation exceptionnelle

Cordialement

DHEJ
| 25-09-2018 14:17
Un barrage dispose d'une capacité maximale et d'une hauteur d'eau à retenir.

La hauteur de retenue tient beaucoup pour la stabilité de l'ouvrage.

Alors il est prévu des déversoirs pour évacuer le surplus.

Pour notre cas, je crois qu'il s'agit du barrage EL MASRI qui se trouve à gauche de la délégation de BOUARGOUB. Or ce barrage est un barrage en terre et dispose d'un déversoir du coté de l'est qui déverse exactement sur l'autoroute A1 et Bouargoub.

Ce déversoir n'est pas commandé par des vannes mais il est ouvert et déverse automatiquement dès que l'eau atteint la hauteur fixée par le maitre d'oeuvre.

En plus le plan d'eau du barrage se trouve à plus de 140 m au dessus du niveau de la mer... ce qui explique le désastre...

Le crétin secrétaire d'Etat le RABHI chargé de l'hydraulique a bien dit que nos barrages déversent dans la mer


Alors pour que la barrage EL MASRI déverse dans la mer une eau qui se trouve à +140 m de hauteur doit traverser l'autoroute A1, Bouargoub et Nabeul...

Est-ce pour explique tout le MUD emporté par les eaux et qui envahit les habitations et locaux...


Tu vas sur google earth, tu tapes BARRAGE EL MASRI, puis tu cliques sur rechercher...

A + tard

DHEJ
| 25-09-2018 13:21
Désolé pour le retard mais ma réponse sera publiée incessamment!

Sidi Bou
| 25-09-2018 08:59
Nizar encore une fois tu nous épate de tes réflexions absolument vrai.Tu dis là les quatre vérités que tous les onze millions de tunisiens et tunisiennes doivent lire cet article.
J'ajoute à ceci nous vivons pire que la fin de
Règne de Bourguiba.

Zohra
| 24-09-2018 18:43
Svp pour quelle raison ils ont lache toutes ces eaux ? est-ce par manquent de places ?
Je ne comprends plus puisqu'on manque terriblement d'eaux .
Je suis désolée d'insister.
Beaucoup de gens traumatisés par ce que c'était passé.

Zohra
| 24-09-2018 18:11
Bonjour Monsieur,

Ce j'avais vu les eaux arrivées des champs et envahissaient les routes a certains endroits.
Mais j'ai du mal a croire comment est-ce possible surtout le Cap Bon de bout en bout

Merci

Mondy
| 24-09-2018 18:02
Vous lire c est comprendre et résumer tout..je me contente de vos articles pour avoir l image réelle de la conjoncture politique dans mon pays ...bravo et grand merci

DHEJ
| 24-09-2018 17:57
Oui une grande partie des barrages

Un responsable a reconnu que la quantité lâchée est de 18 mille mètres cubes d'eau

Mais a mon avis en tant qu'ingénieur barragiste le responsable n'a pas précisé si la quantité est lâchée par l'amont ou l'aval du barrage...

Zohra
| 24-09-2018 17:29
Face à une catastrophe naturelle quasiment inédite, comme vous dites Nizar, et comme le tunisien est expert en tout comme toujours. Ce que les gens racontent et tout ce qu'il tourne sur les réseaux est tres grâve, ils sont persuades que toutes ces inondations proviendraient des barrages.

Est ce possible ? Ce n'est pas normal de raconter des choses pareils. Peut être qu'il ya eu un problème avec un barrage ou deux mais sur tout le Cap bon impossible. Il faut que les responsables précisent.
Si ces catastrophes naturelles utilisees pour des fin politiques et raconter n'importe quoi, je trouve ca désolant et dégueulasse.