Vous allez encore pleurer votre Tunisie ?
Par Marouen Achouri
Chaque victoire d’Ennahdha remet dos à dos ceux qui s’apparentent à un obscur courant progressiste tunisien qui a toujours du mal à tenir la dragée haute au parti islamiste. Le fait que Souad Abderrahim soit devenue la maire de Tunis ne déroge pas à cette règle et nous rappelle, encore une fois, que la Tunisie est bien trop grande, trop précieuse pour ces petits charlatans de la politique.
Malheureusement pour la Tunisie, en ces sombres années d’apprentissage laborieux, le « courant progressiste national » est représenté par de petits calculateurs qui se voient en politiciens hors pair. Prenez cette malheureuse expérience d’Union civile. Aussitôt la défaite prononcée que l’on a commencé à se tirer dans les pattes, à soupçonner l’un et l’autre d’avoir fomenté un complot avec Ennahdha. Ils n’arrivent pas à intégrer le fait qu’Ennahdha n’a pas besoin de comploter avec l’un d’entre vous puisqu’elle vous bat tous réunis ! Commencez d’abord par respecter votre électeur, à qui vous avez promis l’alternative, de n’être ni du bord de Nidaa ni de celui d’Ennahdha. N’allez pas ensuite voter, ou appeler à voter, à l’un ou l’autre sous prétexte que « c’est la politique ». C’est pourtant simple, ne faites pas ce que vous dénoncez, ne mentez pas et comprenez que vous n’y comprenez rien du tout.
Le spectacle offert par plusieurs petits dirigeants d’échoppes politiques supposées progressistes est simplement affligeant. Encore un peu et ils afficheraient tous leur soulagement de voir Ennahdha gagner parce qu’il leur aurait été insupportable de voir le voisin d’à côté gagner. Mieux encore, il aurait été complètement exclu de l’aider à gagner. Ils se réfugient alors sur les réseaux sociaux, là où on leur a fait croire qu’ils étaient des leaders à coups de likes et de commentaires, et ils s’adonnent à la petite phrase et à l’expression bien tournée. Ils nous pondent des analyses éclairées en nous apprenant à tous ce qu’il faut faire, ce qu’il faut penser. En réalité, la taille de leurs égos va de pair avec l’immensité de leur incompétence. Quand ils se retrouvent tous sur la toile –parce que évidemment ça n’ira pas plus loin- ils ont l’impression d’être des gladiateurs dans une arène et ne réalisent pas qu’ils ne sont qu’une poignée de poussins qui se battent dans un nid.
L’Union civile, incarnée par Mehdi Rebaï à Tunis, ne déroge pas à la règle. Après avoir fait campagne contre le duo Ennahdha-Nidaa, M. Rebaï a choisi de se rallier à Nidaa Tounes au moment décisif. Au-delà des analyses que l’on pourrait faire par rapport à cette décision et la supposée rupture du contrat de confiance avec les électeurs, il est intéressant de s’arrêter sur les réactions. Il n’a fallu qu’un statut Facebook pour que chacun revienne à ses positions initiales. Ils ont oublié qu’il y avait une union et ils se sont mis à rappeler que Mehdi Rebaï est Afek, alors que l’autre est Badil et le troisième est Machrouû. Même leurs leaders sont entrés dans ce jeu en disant « nous, on n’a pas voté pour Souad, les autres on ne sait pas ». Et dire que ça espérait battre Ennahdha, même Nidaa Tounes, dans le pire de ses états, vous battrait à plates coutures.
On peut aussi se rappeler de l’épisode Colibe avec Bochra Belhaj Hmida. La dame s’est retrouvée étonnamment seule face aux attaques des intégristes et des ennemis des droits et des libertés. Ou est passé le « courant progressiste national » ? Le rapport élaboré par la commission présidée par Bochra Belhaj Hmida était une formidable occasion pour replacer les lignes politiques, pour renvoyer Ennahdha au carré dont elle s’échine à tenter de sortir depuis la fameuse séparation entre politique et prédication. Mais les partis se réclamant du progressisme, à part quelques uns, ont préféré attendre et ne pas afficher de soutien immédiat et appuyé. Cela a donné toute la latitude nécessaire à Ennahdha pour maitriser le tempo et donner le ton, de sorte à ce qu’il ne soit jamais dépassé en ayant plusieurs coups d’avance. « Courant progressiste national » c’est joli comme dénomination, mais un « courant », ça bouge.
Les fans de ces petits politiciens du dimanche pourront maintenant se remettre à « pleurer leur Tunisie » ou à se torturer l’esprit concernant le féminisme politique de Souad Abderrahim. Ils pourront se remettre à se délecter des statuts de Olfa Youssef et de Leila Toubel en attendant la prochaine déculottée de la part des islamistes. Continuez à croire en des leaders de pacotille pendant que Ennahdha donne des leçons de manipulation politique. Préparez vous, votre Tunisie, vous allez bien la pleurer en 2019.