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Chroniques
Voiture populaire, classe moyenne et électorat
27/09/2018 | 17:12
3 min

Par Houcine Ben Achour 

 

S’il n’y a qu’un seul résultat positif à mettre à l’actif du gouvernement de Youssef Chahed, c’est sans nul doute celui de la maitrise des finances publiques. C’est la première fois depuis 2011 qu’un gouvernement va afficher un déficit budgétaire conforme à ses prévisions et une contribution des ressources propres dans le budget général de l’Etat évoluant dans le bon sens. Cela est d’autant plus singulier que les scénarios sur lesquels était bâti le budget de l’Etat ne se sont pas réalisés : Une croissance de plus de 3% alors qu’elle ne serait que de 2,6%, un baril du pétrole à 54 dollars alors que la moyenne du cours du baril depuis le début de l’année est de plus de 72 dollars, et, enfin, un taux de change du dinar par rapport aux dollar, euro et yen qui, vraisemblablement, serait loin de ce qui était prévu, même si le ministère des Finances s’est refusé de le divulguer. Un tel résultat n’est pas négligeable, loin s’en faut. Il constitue la pierre angulaire de l’édifice de redressement économique du pays. Un Etat qui affiche des comptes défaillants ne rassure guère et n’incite pas à la confiance. Peu importe si par ailleurs il offre de multiples avantages. Cette performance, il a fallu en payer le prix. Cela aussi, il convient de le souligner. Dans un sens, n’est-ce pas là le sacrifice qui était demandé ?

 

Faut-il poursuivre dans la même voie ? C’est en tout cas la volonté du gouvernement qui annonce des objectifs budgétaires 2019 du même profil que 2018. L’objectif est d’atteindre 3,9% de déficit budgétaire et de limiter le taux d’endettement à 70,9% contre 71,1% estimé pour 2018 sur la base d’une croissance économique de 3%, d’un cours moyen du baril à 72 dollars et d’une décélération du rythme d’accroissement des importations à 7,4% contre 13,2% en 2018. Dans ces conditions, faudrait-il envisager un serrage de vis supplémentaire? Le gouvernement n’annonce rien dans ce sens et, curieusement, ne fournit aucune estimation de la pression fiscale en 2019. On se contentera tout juste du fait que les ressources propres représenteront plus de 75% du total des ressources du budget.

 

Cela étant, il s’agit de savoir si la promesse formulée par Youssef Chahed à l’ouverture de la Conférence nationale sur les orientations économiques et sociales du projet de loi de Finances 2019 d’une baisse des prix des voitures dites « populaires », parce que « les tarifs qu’elles affichent sont loin d’être populaires », avait-il justifié, fait partie intégrante ou pas des prévisions budgétaires du gouvernement. En tout cas, elle semble tomber comme un cheveu dans la soupe de la politique de rigueur que le chef du gouvernement cherche, par ailleurs, à appliquer. En a-t-on estimé l'impact au niveau des ressources budgétaires ? Par enchaînement, en a-t-on évalué le coût en termes de subvention à l’énergie ? En a-t-on mesuré les conséquences sur la balance commerciale et implicitement sur la balance des paiements courants ? Plus généralement, répondait-elle à une attente ? Au-delà, sert-elle la stratégie - si stratégie il y a – de transition énergétique ?

 

Et quand bien même aurait-on évalué les effets financiers d’une telle mesure et tout le reste, il n’est nullement certain qu’elle bénéficie à ceux pour laquelle elle est destinée, à l’instar de ce qu’on constate en matière de politique subvention ou de compensation. Ce sont les plus riches qui en profiteront et les bénéficiaires potentiels rejetés à la marge. Les conditions de bénéficie de l’avantage de la voiture populaire est une aubaine pour les professionnels de l’optimisation fiscale. C’est aussi une aubaine pour ceux en mal d’intermédiation car on peut s’attendre à l’émergence d’un marché parallèle de la voiture populaire à l’image de celui ayant cours sur les voitures en régime FCR.

 

Le plus curieux dans tout cela, c’est qu’aucun, surtout parmi les opposants les plus irréductibles à Youssef Chahed, n’a tenté la moindre critique contre cette mesure. A la veille d’une échéance électorale majeure, qui oserait s’opposer à un cadeau offert à la classe moyenne, la masse la plus importante de l’électorat ?

27/09/2018 | 17:12
3 min
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Commentaires (2)

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Amor Bouzouar
| 02-10-2018 17:08
Dès l'annonce de la promesse du Chef du Gouvernement, les concessionnaires ont immédiatement augmenté les prix des voitures de leurs marques. C'est contre ce lobby des concessionnaires et des revendeurs que le Gouvernement devrait agir.

DHEJ
| 28-09-2018 09:42
Les réserves tombent à 74 jours...