alexametrics
vendredi 19 avril 2024
Heure de Tunis : 00:02
Chroniques
Une diplomatie à la tunisienne
06/04/2014 | 16:01
3 min

Par Sofiene Ben Hamida,

L’inoubliable Sihem Badi avait envoyé en mission sa sœur en Egypte aux frais du contribuable et au nom du ministère qu’elle présidait. C’était un acte odieux qui a soulevé un tollé général parce que c’était un acte de népotisme caractérisé, un rappel des pratiques d’un régime déchu pour avoir séquestré le pays au profit des intérêts familiaux et un aperçu des comportements des dirigeants des républiques bananières.

Aux dernières nouvelles, le chef du gouvernement Mehdi Jomâa est rentré ce dimanche de sa longue visite américaine. Aux dernières nouvelles aussi, la délégation qui l’a accompagné est rentrée fatiguée mais satisfaite. Parmi les membres de cette délégation, le propre frère du chef du gouvernement dont la présence n’a semble t-il dérangé personne, pour ne pas dire qu’elle a été sciemment passée sous silence, même par certains qui étaient toujours aux aguets pour dénoncer les écarts commis par les ministres de la troïka. Mais il semble que la grâce continue d’envelopper le nouveau chef du gouvernement. Pourvu que ça dure.
Pour tout argument, on assure que le frangin Jomâa est un bon expert et que sa présence au sein de la délégation officielle se justifie largement. Pour toute réplique, il est nécessaire d’assurer que les compétences du frère Jomâa ne sont pas mises en doute mais que sur le principe, nul n’est indispensable et que pour les responsables de premier plan, il existe une règle de base qui consiste à éviter l’amalgame. Plus que nulle part ailleurs, en politique, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Pour ce qui est des résultats de cette visite, Mehdi Jomâa est rentré avec beaucoup de promesses émaillées de beaucoup de conditions qu’il étalera dès lundi devant les dirigeants des principaux partis politiques et organisations nationales. L’objectif étant de faire accepter ces conditions par tous pour que les promesses de l’oncle Sam se concrétisent et que la visite américaine ne soit pas une visite des dupes.

Le président de l’ANC Mustapha Ben Jaâfar est lui aussi rentré d’une mission de l’étranger gardée jalousement secrète ou presque car on estime qu’elle n’intéresse pas le petit peuple qui paie pourtant les frais de ces missions à grandes pompes. En vérité ces missions n’intéressent que le président de l’ANC et ne servent qu’à consolider sa position au sein des organisations parlementaires européennes et internationales ainsi qu’au sein de la nébuleuse et anachronique internationale socialiste. Cette tactique avait servi auparavant à Ben Jaâfar et lui a permis de siéger au Bardo. Elle lui permettrait peut-être de faire son entrée à Carthage.

Le président provisoire qui dure Moncef Marzouki était lui aussi à l’étranger pour rentrer très vite accueillir à la hâte le prince qatari arrivé essoufflé d’un périple arabe visant à briser l’étau qui ne cesse de se serrer autour de son émirat frappé ces dernières années par le syndrome du crapaud qui s’est pris pour un taureau. En fait c’était plus une escale de quelques heures qu’une visite officielle. Sur le plan politique et économique, hormis les dépenses occasionnées, cette visite n’a aucun intérêt. Mais avec notre président provisoire, on a appris à ne plus compter l’argent jeté par la fenêtre et à accepter la bougeotte présidentielle comme une fatalité onéreuse.

Entre-temps, deux Tunisiens continuent de vivre leurs calvaires, l’un au Qatar où il est séquestré depuis plus de deux ans et demi et l’autre en Libye où il est kidnappé depuis le 21 mars derniers par une bande armée. Ils espèrent que leurs gouvernants s’occupent de leurs cas. Une diplomatie sert surtout à défendre ses citoyens à l’étranger. Mais pour tout soutien, ils ont eu droit jusque-là à quelques déclarations et communiqués officiels laconiques. Trop peu pour justifier les frais des missions des responsables tunisiens.
06/04/2014 | 16:01
3 min
Suivez-nous