Il se passe des choses dans le pays qu’on peine à expliquer, qui donnent le tournis et qui semblent échapper à toute logique. Est-ce la faute des Tunisiens incapables de se hisser au niveau de la subtilité de certaines initiatives ou décisions ? Ou bien c’est la faute des acteurs et des responsables, tous secteurs confondus, incapables de faire passer à l’opinion publique des messages simples et cohérents au point de donner l’impression que le pays marche sur la tête ? En voici quelques exemples.
Le premier a un caractère judiciaire. Le tribunal de Tunis a acquitté cette semaine le porte-parole du groupe terroriste Ansar Chariâa, Seifeddine Raies. Il a été convaincu que le suspect a arrêté toute activité au sein de son groupe dès lors qu’il a été classé groupe terroriste. Une question se pose alors : pourquoi Ansar Chariâa a été classé groupe terroriste ? Est-ce que ce n’est pas parce qu’il avait des activités terroristes qui ont conduit à son interdiction ? Dans ce cas, l’activité de Seifeddine Raies en tant que porte-parole d’Ansar Chariâa est donc une activité terroriste qui a justifié entre autres activités, l’interdiction de son organisation. Mais allez convaincre nos magistrats de cette logique, pourtant très simple. Allez convaincre les Tunisiens surtout qu’il existe une réelle volonté de lutter contre le terrorisme. Et puis, allez les convaincre que Seifeddine Raies est moins dangereux que ce jeune homme kasserinois passionné d’armement, Hatem Guizani, qui croupit toujours en prison pour avoir fabriqué une fusée artisanale. Le plus impressionnant, c’est que dans le cas de ce jeune homme en quête de reconnaissance sans plus, les magistrats sont allés ressusciter une loi désuète datée du 19ème siècle alors qu’ils ont totalement ignoré, dans l’esprit et la lettre, la loi anti terroriste votée pourtant en 2015, concernant l’affaire du porte-parole du groupe terroriste Ansar Chariâa.
Le deuxième exemple a un caractère politique. Depuis New york, le président américain Barack Obama s’est félicité de l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech. Pour des considérations d’amour propre et de fierté nationale, on aurait aimé que cette décision soit annoncée par un responsable tunisien. Mais sur le fond, cette décision était attendue et s’explique amplement par l’évolution de la situation en Syrie mais surtout en Libye. Sur le terrain, l’affaire des deux camions piégés et bourrés d’armes et de munitions montre que le danger terroriste est bien réel. Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit pas qu’aux troupeaux de chameaux. A méditer Monsieur Daimi et consorts.
Le hic, c’est que c’est précisément à ce moment que l’Etat tunisien choisit de lever l’état d’urgence. Si la situation est grave comme le montre l’affaire des deux camions piégés et le stipule l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech, il faudrait peut-être, et logiquement maintenir l’état d’urgence. Maintenant, si malgré la gravité de la situation qui explique notre adhésion à la coalition internationale contre Daech, l’état d’urgence n’est pas nécessaire, la décision de décréter l’état d’urgence par le passé l’aurait été encore moins et n’aurait été qu’un simple effet d’annonce. Allez comprendre quelque chose. Beaucoup en perdent le nord.
Le troisième exemple est parlementaire. Une trentaine de députés du Nidaa ont déposé une motion de censure contre le ministre de l’Enseignement supérieur, Chiheb Bouden. Fait carrément surréaliste, c’est la première fois que des députés de la majorité s’attaquent au gouvernement qu’ils sont censés soutenir. Est-ce là le signe précurseur du dérapage du système parlementaire ? Est-ce la preuve de leur extrême vigilance? Que laissent-ils ces députés de la majorité dans ce cas à leurs collègues de l’opposition ? "Dieu préservez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge", disait une vieille citation. Qu’on explique au petit peuple, juste un peu, cette logique difficile d’accès pour beaucoup et qui semble guider les députés de la majorité. Le ministre de l’Enseignement supérieur n’étant ni le plus dynamique, ni le plus médiocre des membres du gouvernement, pourquoi lui alors ? Pourquoi lui seulement ?
Pourtant, et malgré tout, le mérite de ce ministre est d’avoir tenu tête, sans trop de bruit, au lobby des universités privées. Le rapport publié à ce propos est plus qu’accablant pour ces universités, bon nombre d’entre-elles du moins. Le premier devoir d’un ministre de l’Enseignement supérieur n’est-il pas de défendre la qualité de l’enseignement au sein des universités tunisiennes et défendre la crédibilité des diplômes universitaires ? Aux députés de la majorité de répondre.
On passera sciemment sous silence l’élection de Mehrezia Laâbidi à la présidence de la commission de la femme au sein de l’ARP. D’abord parce que l’alliance Nidaa-Nahdha n’a plus rien de nouveau. Ensuite, parce que cette logique du fait accompli et de faire porter aux autres la responsabilité de nos échecs devient franchement lassante. Ayant visiblement perdu de leur verve, il restera toujours pour le million de femmes, qui ont donné leurs voix au Nidaa pour se retrouver représentées par Mehrezia Laâbidi, leurs yeux pour pleurer.
Commentaires (29)
CommenterQue proposons nous ?
@ Mr Sofiene Ben Hamida,
Juste une question sans importance. Dans la phrase du 3ème paragraphe, vous dites "Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit pas qu'aux troupeaux de chameaux.'' Je me demande si vous ne vouliez pas dire ''Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit qu'aux troupeaux de chameaux.''. Continuez de nous régaler de vos analyses et merci.
@Sami Trimeche 06-10-2015 18:57
Peut être que c'était le cas, juste après les élections de 2014, histoire de calmer le parti islamiste et le sortir du cercle de la violence, mais actuellement tout le pays est en mode "stand by" à cause de cette alliance contre-nature qui entrave son évolution ; cela ne peut plus durer et il faudrait à mon sens
1/ soit, obliger le parti islamiste à s'aligner à la politique de Nidaa et engager immédiatement les réformes structurelles promises lors des campagnes électorales par Nida et BCE
2/ soit se désolidariser du parti islamiste et gouverner même avec 51 % , ce qui permettrait par la même occasion de dévoiler les commanditaires des assassinats politiques de Belaid et Brahmi
Je pense que Nahdha n'est pas une fatalité que nous devons accepter ; Ce parti a montré que sa présence, même restreinte au sein du gouvernement empêchera tout progrès ou redressement de la situation de notre pays , d'ailleurs, comment peut-il en être autrement, quand on voit que Larayedh, Bhiri, Dilou, zitoun et compagnie, qui sont responsable de la dégradation de la situation politique , économique et sociale du pays au sein de la troika, sont encore au sommet du pouvoir ?!
Mais puisque nous ne somme pas les seuls et que c'est le monde entier qui marche sur la tête, comme vous l'avez si bien dit, il ne reste plus qu'à espérer que ce système qui a prouvé son échec même à l'échelle internationale, tombera le plus tôt possible, pour pouvoir installer un nouveau système viable avec moins de violence et de corruption. . .
Engagez un correcteur.
"Le monde marche sur la tête" ...ne pouvons que suivre
Nidaa déçoit de plus en plus
On croit revivre la troika qui était elle aussi dominée par les Frères musulmans nahdhaouis !!
http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2015/10/lelection-de-meherzia-labbidi-une.html