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Chroniques
Un pays qui marche sur la tête
04/10/2015 | 16:59
4 min

Il se passe des choses dans le pays qu’on peine à expliquer, qui donnent le tournis et qui semblent échapper à toute logique. Est-ce la faute des Tunisiens incapables de se hisser au niveau de la subtilité de certaines initiatives ou décisions ? Ou bien c’est la faute des acteurs et des responsables, tous secteurs confondus, incapables de faire passer à l’opinion publique des messages simples et cohérents au point de donner l’impression que le pays marche sur la tête ? En voici quelques exemples.

 

Le premier a un caractère judiciaire. Le tribunal de Tunis a acquitté cette semaine le porte-parole du groupe terroriste Ansar Chariâa, Seifeddine Raies. Il a été convaincu que le suspect a arrêté toute activité au sein de son groupe dès lors qu’il a été classé groupe terroriste. Une question se pose alors : pourquoi Ansar Chariâa a été classé groupe terroriste ? Est-ce que ce n’est pas parce qu’il avait des activités terroristes qui ont conduit à son interdiction ? Dans ce cas, l’activité de Seifeddine Raies en tant que porte-parole d’Ansar Chariâa est donc une activité terroriste qui a justifié entre autres activités, l’interdiction de son organisation. Mais allez convaincre nos magistrats de cette logique, pourtant très simple. Allez convaincre les Tunisiens surtout qu’il existe une réelle volonté de lutter contre le terrorisme. Et puis, allez les convaincre que Seifeddine Raies est moins dangereux que ce jeune homme kasserinois passionné d’armement, Hatem Guizani, qui croupit toujours en prison pour avoir fabriqué une fusée artisanale. Le plus impressionnant, c’est que dans le cas de ce jeune homme en quête de reconnaissance sans plus, les magistrats sont allés ressusciter une loi désuète datée du 19ème siècle alors qu’ils ont totalement ignoré, dans l’esprit et la lettre, la loi anti terroriste votée pourtant en 2015, concernant l’affaire du porte-parole du groupe terroriste Ansar Chariâa.

 

Le deuxième exemple a un caractère politique. Depuis New york, le président américain Barack Obama s’est félicité de l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech. Pour des considérations d’amour propre et de fierté nationale, on aurait aimé que cette décision soit annoncée par un responsable tunisien. Mais sur le fond, cette décision était attendue et s’explique amplement par l’évolution de la situation en Syrie mais surtout en Libye. Sur le terrain, l’affaire des deux camions piégés et bourrés d’armes et de munitions montre que le danger terroriste est bien réel. Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit pas qu’aux troupeaux de chameaux.  A méditer Monsieur Daimi et consorts.

 

Le hic, c’est que c’est précisément à ce moment que l’Etat tunisien choisit de lever l’état d’urgence. Si la situation est grave comme le montre l’affaire des deux camions piégés et le stipule l’adhésion de la Tunisie à la coalition internationale contre Daech, il faudrait peut-être, et logiquement maintenir l’état d’urgence. Maintenant, si malgré la gravité de la situation qui explique notre adhésion à la coalition internationale contre Daech, l’état d’urgence n’est pas nécessaire, la décision de décréter l’état d’urgence par le passé l’aurait été encore moins et n’aurait été qu’un simple effet d’annonce. Allez comprendre quelque chose. Beaucoup en perdent le nord.

 

Le troisième exemple est parlementaire. Une trentaine de députés du Nidaa ont déposé une motion de censure contre le ministre de l’Enseignement supérieur, Chiheb Bouden. Fait carrément surréaliste, c’est la première fois que des députés de la majorité s’attaquent au gouvernement qu’ils sont censés soutenir. Est-ce là le signe précurseur du dérapage du système parlementaire ? Est-ce la preuve de leur extrême vigilance? Que laissent-ils ces députés de la majorité dans ce cas à leurs collègues de l’opposition ? "Dieu préservez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge", disait une vieille citation. Qu’on explique au petit peuple, juste un peu, cette logique difficile d’accès pour beaucoup et qui semble guider les députés de la majorité. Le ministre de l’Enseignement supérieur n’étant ni le plus dynamique, ni le plus médiocre des membres du gouvernement, pourquoi lui alors ? Pourquoi lui seulement ?

 

Pourtant, et malgré tout, le mérite de ce ministre est d’avoir tenu tête, sans trop de bruit, au lobby des universités privées. Le rapport publié à ce propos est plus qu’accablant pour ces universités, bon nombre d’entre-elles du moins. Le premier devoir d’un ministre de l’Enseignement supérieur n’est-il pas de défendre la qualité de l’enseignement au sein des universités tunisiennes et défendre la crédibilité des diplômes universitaires ? Aux députés de la majorité de répondre.

 

On passera sciemment sous silence l’élection de Mehrezia Laâbidi à la présidence de la commission de la femme au sein de l’ARP. D’abord parce que l’alliance Nidaa-Nahdha n’a plus rien de nouveau. Ensuite, parce que cette logique du fait accompli et de faire porter aux autres la responsabilité de nos échecs devient franchement lassante. Ayant visiblement perdu de leur verve, il restera toujours pour  le million de femmes, qui ont donné leurs voix au Nidaa pour se retrouver représentées par Mehrezia Laâbidi, leurs yeux pour pleurer.

     

04/10/2015 | 16:59
4 min
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Commentaires (29)

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Alex niffer
| 08-10-2015 09:41
Les critiques constructives sont toujours intéressantes à écouter et analyser mais on a besoin de solutions. le rôle des médias c est les solutions aussi.briller à travers les critiques, c'est le plus facile.

Bob
| 07-10-2015 22:51
C'est toujours un grand bonheur de vous lire. La clarté, la simplicité, le style et la justesse sont des qualités pérennes tout le long de vos articles, qualités rares chez nos journalistes.
Juste une question sans importance. Dans la phrase du 3ème paragraphe, vous dites "Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit pas qu'aux troupeaux de chameaux.'' Je me demande si vous ne vouliez pas dire ''Au passage, on notera que cette affaire montre que la barrière terrestre ne nuit qu'aux troupeaux de chameaux.''. Continuez de nous régaler de vos analyses et merci.

tounsia2
| 07-10-2015 15:17
« Beji est dans l'obligation de composer avec nada » (Sic)

Peut être que c'était le cas, juste après les élections de 2014, histoire de calmer le parti islamiste et le sortir du cercle de la violence, mais actuellement tout le pays est en mode "stand by" à cause de cette alliance contre-nature qui entrave son évolution ; cela ne peut plus durer et il faudrait à mon sens
1/ soit, obliger le parti islamiste à s'aligner à la politique de Nidaa et engager immédiatement les réformes structurelles promises lors des campagnes électorales par Nida et BCE
2/ soit se désolidariser du parti islamiste et gouverner même avec 51 % , ce qui permettrait par la même occasion de dévoiler les commanditaires des assassinats politiques de Belaid et Brahmi
Je pense que Nahdha n'est pas une fatalité que nous devons accepter ; Ce parti a montré que sa présence, même restreinte au sein du gouvernement empêchera tout progrès ou redressement de la situation de notre pays , d'ailleurs, comment peut-il en être autrement, quand on voit que Larayedh, Bhiri, Dilou, zitoun et compagnie, qui sont responsable de la dégradation de la situation politique , économique et sociale du pays au sein de la troika, sont encore au sommet du pouvoir ?!
Mais puisque nous ne somme pas les seuls et que c'est le monde entier qui marche sur la tête, comme vous l'avez si bien dit, il ne reste plus qu'à espérer que ce système qui a prouvé son échec même à l'échelle internationale, tombera le plus tôt possible, pour pouvoir installer un nouveau système viable avec moins de violence et de corruption. . .

Fathi
| 07-10-2015 07:53
"Ayant visiblement perdues de leur verve" Il fallait écrire « perdu » et non « perdues ». Messieurs de BN, ayez pitié de la langue de Molière et engagez un correcteur qui maitrise cette langue afin qu'il corrige vos textes et ceux de vos pigistes.

Sami Trimeche
| 06-10-2015 18:57
Décidément un pays qui marche sur la tête , je dirai même plus : le monde marche sur la tête . Ce qui me tracasse le plus c'est ce constat de faite des grands principes qui régissaient la politique internationale d'antan , les coups fourrés entre politiciens et chefs d'Etats faisaient l'exception aujourd'hui ce n'est que monnaie courante . Qu'un tel président élu déclare qu'il y'a de bons et de mauvais terrorristes , ou qu'un autre reconnaisse la livraison d'armes pour Daech ...revenons au pays , Beji est dans l'obligation de composer avec nada , imaginez un instant qu'il dise non , le gouvernement tombe illico presto , la suite est simple ...rebelote pour la "cohabitation" ou une série de cascades faisant chuter une série de gouvernement , avec une situation économique surement plus catastrophique que l'actuelle ...alors tenons nôtre souffle , et prions pour pas plus de mal

RachidBarnat
| 06-10-2015 17:43
Décidément, Nidaa n'a pas été à la hauteurs des espérances de ses électeurs !

On croit revivre la troika qui était elle aussi dominée par les Frères musulmans nahdhaouis !!

http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2015/10/lelection-de-meherzia-labbidi-une.html

AMINA
| 06-10-2015 16:53
La Tunisie va pour de bon cette fois dans le mur?soit!attendons voir ce qu'il en sortira de toute cette fièvre qui secoue notre Nida à deux balles et de ce silence mortel de la Nahdha,du moins en apparence car les taupes détestent la lumière!dites les amis,que peut nous arriver de pire après toutes ces catastrophes qui ont précédé l'élection de Nida et de BCE et toutes les catastrophes qui ont succédé à l'arrivée au pouvoir de Nida et de BCE?qu'est-ce qui peut encore mal tourner après que BCE a oublié les raisons pour lesquelles il a été élu grâce au vote d'1 million de femmes et plus et qu'il effrontément trahies?donc,"comme avant"comme disait la chanson,le terrorisme est encore là et il devient même plus pressant que jamais,les grandes familles mafieuses se sont agrandies profitant de l'impunité garantie par l'Etat et par un système judiciaire de bras cassé,d'un autre côté,bientôt les Tunisiens se contenteront de manger des légumes,qui sont,soit dit en passant,très nutritifs et mieux que les poissons et la viande rouge.....du coup,ça baigne et rien ne peut nous arriver

james-tk
| 05-10-2015 23:35
La Tunisie est forcée de se "coltiner" le mouvement des frère musulmans tunisiens ennahdha,pour le mettre,tout d'abord,sous contrôle,puis plus tard l'achever;vous le saviez mieux que personne qu'on ne peut pas rentrer rentrer en guerre avec les islamistes et mettre le pays dans une situation dangereuse;l'Etat reste malgré tout fragile,et n'a pas les moyens de sa politique pour contre ce mouvement s'il décide un jour de mettre notre pays à feu et à sang ?

nouri
| 05-10-2015 15:54
L'autre vérité est que vous aviez passé 4 ans à nous faire des analyses quotidiennes et que vous étiez bien placé pour être influent dans les choix politiques à faire. Donc c'est un peu bizarre que vous vous étonniez aujourd'hui de la médiocrité régnante. Pourquoi n'aviez vous pas défendu un système électoral basé sur les individus et non sur les listes que les partis ont choisi et qui excluait de facto toutes les compétences qui veulent donner pour leur pays sans être à la merci des professionnels des partis. Pourquoi vous n'aviez pas dénoncé les choix économiques des différents gouvernements qui ont cédé à toutes les exigences des syndicats alors que la situation exigeait et exige des sacrifices de la part de tous. il fallait être un peu plus modeste ,plus responsable et parfois plus courageux pour s'opposer parfois à tous. Mais le problème pour vous , pour la plupart des journalistes et la plupart de vos invités les avocats vous croyiez et continuez à croire que vous êtes les mieux placés pour analyser et explique aux autres. Vous vous trompez et si le pays marche sur la tête vous y êtes pour beaucoup. Essayez de vous convaincre qu'il y a d'autres compétences et d'autres intelligents dans le pays.

christian
| 05-10-2015 14:45
Les propos attribués par l'auteur à Jésus sont ceux de Napoléon.