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Chroniques
Un gouvernement d'union soutenu par l'opposition et rejeté par les siens
14/11/2016 | 15:58
5 min

 

A l’actualité cette semaine, l’élection de Donald Trump à la tête du monde dit libre, les débats parlementaires autour de la Loi de finances 2017, le procès houleux du martyr Lotfi Naguedh et le voyage officiel de Youssef Chahed à Paris.

 

Après le Royaume-Uni et le Brexit, voilà donc les États-Unis qui annoncent leur préférence à l’option de l’antisystème. D’autres pays suivront, à commencer par la France où l’on devrait s’attendre, pour la présidentielle de mai 2017, à une finale entre Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy. Les sondeurs ne sont pas d’accord avec ce pronostic, mais ces sondeurs occidentaux ont tout faux ces derniers temps. Notre infaillible Hassen Zargouni national pourrait leur dispenser quelques leçons.

 

Ce rejet de la population des candidats « bien pensants » du système, aux chouchous des médias et des lobbys devrait inciter tous les politiques à réviser leurs fondamentaux, à s’approcher davantage de la rue et à être plus attentifs aux doléances des villages lointains.

 

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, nous devrions en Tunisie, nous aussi, surveiller les populistes qui font de la politique. Nous avons eu droit à Marzouki pendant trois ans, le pays ne peut plus risquer la même expérience en pire. Si Donald Trump a réussi, c’est que Hachemi Hamdi ou Bahri Jelassi le peuvent aussi. Force est de constater que nous sommes en train de baliser la route pour l’élection d’un candidat populiste similaire… Peut-être pas l’un de ces deux guignols, mais que l’on ne s’étonne pas de voir Samia Abbou ou Imed Daïmi occuper, sous peu, la tête des sondages.

 

Au parlement, on est en train de discuter la Loi de finances 2017. Deux textes font la polémique, celui relatif à l’imposition des avocats et celui relatif à la levée du secret bancaire. Pour le premier, une solution saine et juste est en voie d’être trouvée. Les avocats devraient avoir, tous, un matricule fiscal ce qui permettra désormais de les placer, comme tout le monde, sous le régime réel. On ne leur demande pas plus. Pour le second texte, la commission parlementaire a déjà rejeté la proposition du gouvernement consistant à autoriser les fonctionnaires de l’administration fiscale à accéder directement aux comptes bancaires des contribuables faisant l’objet d’un examen approfondi de leurs états financiers.

Derrière le rejet de la proposition gouvernementale, les partis appartenant à la coalition au pouvoir, à savoir Ennahdha et Nidaa. Ceux qui ont voté pour la levée, et donc approuvé la proposition du gouvernement, on trouve le Front populaire, Attayar et l’UPL. Pour éviter de participer au vote, les autres députés de la commission ont préféré jouer l’autruche en s’absentant.

 

En d’autres termes, nous avons un gouvernement qui propose un texte des plus sensés qui se trouve rejeté par les siens et approuvé par ses opposants. Pour justifier le rejet, les députés ont mis en doute l’intégrité des agents de l’administration fiscale, appelant à sécuriser l’opération de la levée du secret bancaire à travers une autorisation judiciaire. A les entendre, nos magistrats seraient donc plus intègres que nos inspecteurs fiscaux. CQFD. Une évidence leur échappe, quand on n’a rien à cacher, on n’a pas à avoir peur de montrer ses comptes… Une évidence ne nous échappe pas, quand on veut cacher quelque chose, on invente toutes sortes d’excuses pour éviter le contrôle.

 

Nous prétendons avoir fait une révolution, nous prétendons vouloir la transparence, nous prétendons vouloir lutter contre l’évasion fiscale et nous prétendons vouloir  combattre la corruption. Le gouvernement a pris acte de nos doléances et a fait des propositions dans ce sens. Il se trouve que ses propositions, qui vont dans notre sens, sont aujourd’hui rejetées par les « propres » députés de ce gouvernement et approuvées par ceux de l’antisystème.

Conclusion : la famille politique au pouvoir est en train de se moquer de nous en faisant l’exact contraire de ce qu’elle dit. Et c’est là où l’on ouvre un boulevard aux candidats de l’antisystème pour les prochaines élections ! Que nos députés continuent comme ça et je serai le premier soutien de Samia Abbou ! Elle a le mérite d’appliquer ce qu’elle promet !

 

Avec le rejet des textes supposés lui ramener des recettes supplémentaires (taxes sur les piscines, augmentations des vignettes…) et aider à l’équité fiscale, à la transparence et à la lutte conte la fraude, Youssef Chahed enregistre un échec cuisant. Une sorte de claque infligée par son propre camp (Nidaa) et ses alliés au pouvoir (Ennahdha).

Qu’un chef du gouvernement, sur le départ ou rejeté par les siens, essuie cette claque cela pourrait se comprendre. Mais Youssef Chahed vient d’arriver et bénéficie, théoriquement, du soutien général. Il y a quelque chose qui n’a pas fonctionné entre le chef du gouvernement et les députés (ou leurs partis), une sorte de chaînon manquant.

Officiellement, c’est Iyed Dahmani qui est ministre chargé des Relations avec le parlement. Mais M. Dahamni ne pouvait pas être en même temps à Paris en visite officielle et à Tunis près des députés pour « vendre » le projet de loi du gouvernement.

Sauf que le chaînon manquant ne peut pas se résumer à Iyed Dahamni seulement. Dans toutes les démocraties, il y a ce qu’on appelle les « lobbys » qui fonctionnent entre les différentes corporations et les députés, mais aussi entre le gouvernement et les députés. C’est à ces lobbys d’approcher un à un les députés pour les convaincre de proposer, d’appuyer ou de rejeter telle ou telle proposition de loi.

 

Si l’on juge à travers les résultats, puisque seuls les résultats finaux comptent, les lobbys ont bien fonctionné, mais pas dans le sens désiré par les adeptes de la transparence et la lutte anti-corruption. Sans aller jusqu’à dire que ce sont les lobbys mafieux qui ont réussi, mais le fait est là, les lobbys devant appuyer la proposition gouvernementale ont failli.

En théorie, c’est à Iyed Dahmani de constituer ces lobbys et d’aller « vendre » la politique de son chef auprès des députés de l’opposition. Mais puisqu’on navigue en plein délire, Iyed Dahamni doit commencer par convaincre les députés de sa propre famille politique gouvernementale d’union nationale avant d’aller voir les adversaires. Iyed Dahmani possède-t-il ces lobbys capables d’aller convaincre un à un « ses » propres députés ? La réponse est négative au vu des résultats.

Sans ses propres lobbys, et en face de lobbys cherchant à servir leurs propres intérêts et infiltrés dans son propre camp, Youssef Chahed ne pourra pas avancer et tenir ses promesses.

Comment fonctionnent les lobbys, quels moyens possèdent-ils pour « convaincre » et persuader les députés d’aller dans un sens  et pas un autre ? Youssef Chahed pourrait demander conseil à Béji Caïd Essebsi ou à Rached Ghannouchi, ils ont tous les secrets en la matière…

14/11/2016 | 15:58
5 min
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Commentaires (13)

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Elsa ben Amor
| 15-11-2016 16:20
Franchement chaque jour on maudit la dite mascarade de révolution et le départ de Ben Ali .Ces politiciens se moquent de nous chaque jour et on ne peut que regretter une époque assez lointaine ou tout le monde ne comprenait que la langue du bâton . *** !

HatemC
| 15-11-2016 13:45
Le parti d'Ahmed Brahim et celui de Chokri Belaid incarnait l'anti système ... personne n'en a voulu ... ni de l'un ni de l'autre
le Tunisien vote selon les apparences ... Il n'est pas mûr politiquement ....

Ce pays doit être dirigé d'une main de fer autrement il part en zigzag ... les élites politiques pratiquent la transhumance politique au plus offrant ... bcp sont des Chevaux de Troie de Nahdha comme Mehdi BenGharbia islamiste qui a changé de bord et il n'est pas le seul ... ce n'est surement avec cette mentalité que la Tunisie arrivera @ passer un cap ...

Maintenant nous avons les islamistes au pouvoir qui INHIBENT les initiatives et BLOQUENT les énergies ... et cela par peur de perdre leur privilèges ... un peu comme la secte wahabite d'Arabie Maudite ...
Fermer hermétiquement la marmite .... ce n'est pas une dictature ou une théocratie ...
On te laisse palabrer, te faire croire que tu es libre ... c'est tout, autrement ils feront tout pour te dégouter ... comme par exemple libérer des TUEURS et ces assassins demanderont des indemnités ... Moutou bi ghaydhikom (« Mourrez de votre haine ») ... et si tu l'ouvres un peu trop tu es traité de Azlem (péjorativement les anciens de Ben Ali, ses collaborateurs, ses sympathisants) ... C'est la politique du pourrissement ou STRATÉGIE du pourrissement ... Hatem Chaieb

Tunisienne
| 15-11-2016 08:06
(comme son prédécesseur et, probablement, comme ses successeurs) atteint son seuil d'incompétence; où les intérêts de son propre camp et ceux des alliés de son propre camp commencent à être franchement menacés... Soit il se rétracte et lâche du lest, soit il ne va pas tarder à être sérieusement recadré par son Mentor prêt à tous les sacrifices pour préserver la sacro-sainte paix sociale de pacotille...

Les mêmes causes (la configuration actuelle du pouvoir et les calculs politico-financiers qui vont avec) ne peuvent produire que les mêmes effets !

Givago
| 15-11-2016 07:05
On à l'assemblé qu'on mérite,avec des énergumènes de ce type on fonce tout droit dans le mur,ils sont entrain de mettre cette équipe en porte à faut et c'est une gagueur pour CHAHED de trouver la parade,et pour voir loin ces députés n'ont méme respecter la lois car quand en rejette un texte ils sont obliger de proposer un autre amendement pour compenser le manque de rentrée d'argent aux caisses de l'état,ces groupuscules travaillent pour des agendas que le peuple
Ignore,dans une période aussi difficile ils sont entrain de montrer aussi investisseurs que le pays va accueillir que nous ne somme pas à balayer devant nos portes avant de demander aux autres de venir à notre secours, et par malheur ce congré des investisseurs se transforme en fiasco que chacun prend ses responsabilités. Et pour finir aux grands mots les grands remèdes,dissoudre ce machin pour ne pas dire autres choses et adviendra que pourra.

Professeur de droit
| 15-11-2016 04:08
Et j'estime que le sujet est traité avec légèreté et avec des préjugés naifs : Pensez-vous que ceux qui ont vraiment quelque chose à cacher font confiance aux banques tunisiennes et y déposent leur magot secret ?
L'accès direct de l'administration signifie qu'un agent du fisc à Sidi Bouzid peut accéder au compte d'un résident de Sidi Bouzid, mais comme ce compte a reçu un virement d'un compte à Tunis ou à Sousse, il va accéder, d'office, au compte tunisois ou bizertin et vice-versa. Résultat tous les agents du fisc de n'importe quel gouvernorat accéderont aux comptes des tunisiens de n'importe quel autre gouvernorat. La responsabilité sera tellement diluée que les détails de ces comptes finiront...sur facebook. Et ce n'est le "riche" qui sera le plus gené, j'aimerais voir la tete du gars qui roule en BMW et dont les voisins auront lu sur facebook qu'il est au rouge, depuis deux ans et qu'il n' y a que 125 DT dans le compte de son épouse portant des bijoux et des sacs de marque...

Jilani
| 14-11-2016 22:42
C'est seulement le front populaire qui reste fidèle à ses principes. BCE a cherché à le détruire en recrutant un de ses membres pour le faire taire mais c'est en vain. Les tunisiens ne comprendront jamais ça et préfèrent rester derrière ces vendeurs de religion et ces rcdistes mafieux.

DHEJ
| 14-11-2016 20:06
Détérioration du pouvoir d'achat davantage ...

zohra
| 14-11-2016 20:02
Est ce que la Tunisie est devenue comme certains pays gouverner par des lobbies, qui font du trafic d'influence sur les députés, autrement dit de la corruption ?

Maryem
| 14-11-2016 17:01
Les lobbys paralysent le pouvoir et ne defendent que leurs interets.C est la republique qui sera prise en chantage. Seul la transparence dans la prise realiste des decisions bien etudiees peut faire gagner du temps,de l argent et evitera les polemiques.En France je vois plutot une finale Lepen-Jupe et Jupe sera elu et n exercera qu un seul mandat.

A4
| 14-11-2016 17:00
L'absurdité vient de la constitution elle même, écrite, soit dit en passant, par le grand professeur "el gassas".
Le "pouvoir" est chez les gugusses de l'ARP, soit au Bardo.
Le gouvernement propose, les gugusses disposent et quand ça ne marche pas c'est la faute au gouvernement qui est 'fachel jeddaaaa".
Les gugusses ont toujours le beau rôle: ils décident des lois et des politiques mais ne sont responsables de rien ! Le responsable c'est le gouvernement qui n'a pas réussi a faire des miracles avec leur politique foireuse !
Exemple: le gouvernement veut la levée du secret bancaire. Les gugusses ventrus ne sont pas pour. Mais c'est au gouvernement que l'on reprochera sa mollesse à propos de la lutte contre l'évasion fiscale.
Il faut dire que certains gugusses ne peuvent pas justifier la taille de leur énorme ventre issu de la "révolution". N'est-ce pas noureddine ?