Tunisie - Municipales : un processus qui traîne en longueur
La question des prochaines élections municipales et régionales est revenue sur le tapis et occupe le devant de la scène, depuis plusieurs jours, et ce sur fond de polémique quant à, notamment, la date de leur tenue, à la nature du code électoral qui doit les régir et le découpage ainsi que le nombre de conseils municipaux à prévoir…
Le premier constat qui s’impose, est cet état des lieux pas trop reluisant concernant la propreté qui fait défaut dans presque toutes les communes, un état qui, malgré une certaine amélioration par rapport à une période assez proche, laisse encore à désirer.
On se rappelle les crises qui avaient sévi dans la plupart des villes tunisiennes frôlant, par certains endroits, la catastrophe environnementale, plus particulièrement dans certains quartiers de Tunis et, encore plus, dans le gouvernorat de Médenine et l’île de Djerba.
Ainsi, la nouvelle échéance électorale s’annonce comme un nouvel examen pour les divers partis politiques pour mesurer leurs poids et, surtout, se placer en pole position en vue du prochain scrutin législatif et présidentiel dans moins de cinq ans. Plus encore, les formations politiques sont persuadées que le vainqueur des élections municipales et régionales aura plusieurs longueurs d’avance sur ses concurrents pour la suite.
C’est pourquoi le débat s’est déjà instauré avec l’esprit d’achever le processus démocratique et l’étape transitoire qui n’a pas pris fin, avec l'organisation d’élections législatives et présidentielle couronnées par l’émergence d'un parlement et d'un chef d'Etat pour un mandat de cinq ans.
Ce processus devrait concerner également l'élection des prochains conseils municipaux et conseils régionaux et locaux comme le prévoit la Constitution dans son chapitre relatif à la décentralisation, c'est-à-dire l'octroi aux régions le droit de gérer leurs propres affaires et de décider des stratégies de développement répondant à leurs besoins spécifiques.
Par contre, le gouvernement semble omettre cette prochaine bataille qui pointe à l'horizon et à laquelle il faudra se préparer dès à présent puisque, même si sa date n'est pas encore définie. En effet, ces joutes électorales devraient se tenir d'ici fin 2016 au plus tard, selon certains. Mais concrètement, rien n’a été fait ou presque jusqu’à présent : le code électoral n'est pas encore élaboré, la loi sur le découpage administratif et la loi fondamentale sur les prérogatives des municipalités, non plus. Toutes ces donnes ne sont pas encore dans la ligne de mire du gouvernement ou de l’ARP.
Le chef du gouvernement et les ministres concernés ont été plus préoccupés par l’affaire des nominations des gouverneurs, des délégués et de la composition de certaines délégations spéciales, une question qui a suscité des critiques chez les parties composant la coalition au pouvoir, plus particulièrement au sein d’Ennahdha qui trouve que Nidaa Tounes a eu la part du lion « plutôt sur la base de l’appartenance partisane qu’en fonction des critères de compétences ».
Il faut dire que le raisonnement qui prévaut actuellement est le suivant : celui qui tiendra l’administration régionale aura une longueur d’avance sur les autres pour gagner le maximum de sièges dans les conseils municipaux, régionaux et locaux. Ensuite, les partis, obtenant l’avantage à ce scrutin, partiront avec les faveurs des pronostics lors du « prochain rendez-vous législatif et présidentiel ».
Côté factuel, alors qu’au départ, on pensait pouvoir organiser ces élections vers la fin de l’année 2015 en cours, les prévisions les plus optimistes n’y croient plus, et ce même d’ici fin 2016. On parle plus facilement de début 2017 !
Mais voyons l’avis des parties le plus concernées. Chafik Sarsar, président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), estime qu’il faut, impérativement, réunir tous les ingrédients nécessaires à la réussite de ce rendez-vous. Pour ce, il faut élaborer un plan stratégique et fixer des objectifs et des dates et les respecter, tout en veillant à perfectionner le cadre juridique, comportant un certain nombre de lacunes et à savoir gérer le volet des risques électoraux sans oublier de penser à l’établissement des listes électorales en choisissant entre l’inscriptions automatique et celle volontaire.
Pour sa part, le ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile, Kamel Jendoubi, a fait savoir que de nouveaux projets de lois relatifs aux élections municipales et des collectivités locales, ont fait l’objet d’une réunion tenue, récemment, en conseil ministériel restreint, tout en affirmant que la tenue de ce scrutin municipal est prévue avant la fin de l’année 2016.
Au moment où le gouvernement et certains partis de la coalition « traînent la patte », le mouvement Ennahdha, par le biais de son chef, Rached Ghannouchi, ne cesse d’appeler les députés à l’Assemblée des représentants du peuple, à accélérer l’adoption de la loi relative aux élections municipales et de la gouvernance locale. Il a également appelé les partis formant la coalition au pouvoir à se réunir avec le gouvernement et les organisations nationales, dans le but de tenir un dialogue social en vue de favoriser le calme et fournir le climat adéquat à la tenue, justement, de ces élections.
Certains observateurs estiment qu’en se montrant pressés, les Nahdhaouis sont persuadés que plus tôt seront organisés ces élections, plus ça vaut pour eux. Ils sont persuadés de par leur degré de préparation et leur esprit de solidarité et de discipline, associé à ce qu’ils croient comme étant un état de dispersion chez leurs rivaux, notamment ceux de Nidaa Tounès, qu’il serait préférable d’accélérer le processus de ces élections municipales. Il est évident qu’ils tiennent à gagner ces échéances pour faire oublier leur échec relatif aux dernières législatives et présidentielle de fin 2014.
Par contre, le parti, actuellement, majoritaire est conscient des difficultés par lesquelles il passe et semble partisan d’un délai ajourné, le temps qu’il remette de l’ordre dans la demeure et reprendre son travail de terrain, conditions nécessaires pour toute élection, plus précisément celles municipales et régionales.
En tous les cas, l’organisation d’un tel événement ne semble pas de tout repos, puisqu’elle exige, de l’avis de tous les experts, une infrastructure et une logistique autrement plus sophistiquées que celles mises en place lors des précédentes échéances électorales, surtout si l’on tient à éviter les critiques et les défaillances afin de pouvoir parler, par la suite, d’une réussite effective du processus démocratique.
Sarra HLAOUI