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Tunisie – Plus de 150.000 manifestants à la place du Bardo
13/08/2013 | 1
min
Tunisie – Plus de 150.000 manifestants à la place du Bardo
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Encore une fois, Ennahdha a perdu la bataille de la rue et s’est fait battre à plate couture sur ce qui était considéré, auparavant, comme son point fort : sa capacité de mobilisation optimale. Optant pour cette manie de vouloir contrecarrer les mouvements populaires de l’opposition démocratique, et ce, en organisant des contre-manifestations qui ont, toutes, été marquées par un fiasco total, excepté celle du 2 août à la Kasbah où le sit-in a rassemblé entre 12 mille et 15 mille personnes. Ainsi, aujourd’hui 13 août 2013, au moment où Ennahdha réunissait à peine deux mille manifestantes, le bloc démocratique réussissait à rassembler plus de 150 mille personnes dans une nouvelle démonstration de force populaire. Reportage.


18h, place de Bab Saâdoun. Les manifestantes, en majorité, mais aussi manifestants de tous âges ont commencé à affluer. Déjà quelques milliers. De quoi annoncer un rassemblement massif en cette soirée du 13 août, journée de la fête nationale de la femme tunisienne. Hier, les pages proches du pouvoir avaient annoncé que la manifestation ne commencerait pas avant 21h, histoire de brouiller les pistes.

La manifestation d’Ennahdha, avenue Habib Bourguiba, a commencé vers 16h. D’apparence timide, elle n’aura rassemblé que quelque 1000 à 2000 personnes, malgré les techniques de mobilisation habituelles du parti au pouvoir. Gros moyen d’organisation et nombreux bus déployés n’ont pas permis aux partisans de la "légitimité" de faire du chiffre et le rassemblement se révéla être un véritable fiasco.

De l’autre côté, place Bab Saâdoun, femmes de tous âges, en majorité, mais aussi des hommes et des enfants, étaient au rendez-vous arborant, en grand nombre, le drapeau national. Le sefsari traditionnel était à l’honneur au milieu des youyous et des drapeaux tunisiens avec lesquels certaines femmes s’étaient parées, le portant en bandeau sur la tête.

Les manifestants affichaient des portraits des défunts Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, criblés de balles, mais aussi du leader Bourguiba et scandaient avec détermination : « La femme tunisienne n’est pas Meherzia », « Hrayer (libres) et non complémentaires ».

Au milieu des slogans féministes, d’autres plus politisés, hostiles à Rached Ghannouchi et Ali Laârayedh étaient également scandés par la foule. On pouvait entendre des appels à renverser le gouvernement et l'Assemblée nationale, mais aussi, "Ghannouchi assassin", "Après le sang, plus de légitimité", ou encore "dégage!"…

Vers 19h15, et alors que la foule se faisait plus dense, les premières estimations recensaient plus de 100.000 manifestants, au bas mot. La place du Bardo et le boulevard 20 mars, mais aussi des rues avoisinantes, étaient noirs de monde. On notera également la présence de nombreux représentants de partis politiques, des députés de l'opposition mais aussi des personnalités internationales telles que l'ancien ministre et député français, Jack Lang, ainsi que de nombreux médias européens.

Les manifestants n’ont pas arrêté d’affluer et à 20h, on atteint les 150.000. Après le 6 août, le Bardo aura eu l'occasion d'accueillir un nouveau rassemblement historique avec un nombre de présents tout aussi gigantesque. L'hymne national est entonné, avec beaucoup d'émotion, par les présents. Une ambiance festive et bon enfant prévalait dans un grand élan patriotique. La porte-parole du mouvement "harayer Touness", organisateur de la manifestation, a prononcé un discours à l'adresse de la foule dans lequel elle a accusé le gouvernement des violences et de la crise actuelle l'appelant à "dégager" et affirmant : "nous avons vaincu, partez! Notre culture c'est la joie et la vie, eux c'est la mort".

Elle a appelé à l'amélioration des droits des femmes et à l'égalité entre les deux sexes. "Nous sommes complètes et non complémentaires", a-t-elle dit. A travers ce discours, le mouvement a insisté sur "la volonté des femmes tunisiennes de continuer la Révolution et leur refus de la voir confisquée".

Autre discours remarqué de la soirée, celui de la veuve Brahmi, à 20h45. Des propos enflammés dans lesquels elle a repris les mots exacts du député d’Ennahdha Sahbi Attig, qui a appelé à piétiner dans la rue ceux qui se révoltent contre la légitimité, mais lui répondant que, contrairement à ses appels à la violence, elle n'appellera pas à ce que les Tunisiens s'affrontent dans la rue. « Vous n’êtes que des rats et des lâches […] Mais nous ne vous écraserons pas. On vous sortira de vos tanières pour vous dégager », a-t-elle martelé à l’adresse des membres du pouvoir. « Cette présence massive aujourd’hui est une véritable fierté », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter : « nous avons la tête haute aujourd’hui et vous nous avez rendus fiers ».

"Hrayer Touness" ont rendu hommage, lors de cette manifestation, aux 13 députées féminines dissidentes de l'Assemblée nationale qui ont été nommées une à une. Elles ont également tenu à démentir les informations selon lesquelles l'opposition conclura un marché, demain 14 août, avec le gouvernement.

Les premières constatations et autres conclusions de cette journée de célébration de la fête de la Femme, qui fera date, font ressortir que chez les équipes au pouvoir, la conviction n’y est plus. Pour preuve, à part Meherzia Laâbidi, aucune personnalité en vue d’Ennahdha et encore moins du CPR, n’était présente à la manifestation de l’Avenue Habib Bourguiba. Chez le parti islamiste et ses partisans, ils n’y croient plus et s’acharnent à s’agripper à ce concept de « légitimité » qu’on entend à chaque intervention des représentants de la Troïka, des dizaines de fois. La flamme et l’esprit solidaire ont changé de camp et ce sont les forces démocrates et progressistes, jadis qualifiées de « zéro virgule » qui font preuve de cohésion et de détermination parce qu’ils défendent les valeurs de la Tunisie, trois fois millénaire, de la Tunisie ouverte, moderne et authentique. Les observateurs sont, désormais, persuadés que chaque jour qui passe rapproche les Tunisiens de la délivrance et d’un agenda clair pour sortir de cette phase transitoire que la Troïka veut faire éterniser. Et cette délivrance ne peut avoir lieu, dans la conjoncture actuelle, qu’avec le départ du gouvernement d’Ali Laârayedh et l’avènement d’un cabinet de compétences pour faire sortir le pays de l’impasse en lui redonnant confiance dans le processus qui doit mener les Tunisiens aux urnes pour des élections libres, démocratiques et neutres.


Inès Chaïeb et Raouf Ben Hédi
13/08/2013 | 1
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