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Tunisie – La chute des revenus de l'immobilier annonce-t-elle une crise ?
12/11/2010 |
min
Tunisie – La chute des revenus de l'immobilier annonce-t-elle une crise ?
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Le marché de l’immobilier tunisien serait-il dans la panade ? Jusqu’à présent, de notoriété publique, le secteur était florissant et les grandes sociétés immobilières avaient pignon sur rue. Seulement voila, les revenus des grands promoteurs immobiliers tunisiens sont en baisse au cours des trois premiers trimestres de 2010. Pendant ce temps-là, et depuis quelques mois, certaines banques tunisiennes montrent un certain scepticisme dans l’octroi de crédits immobiliers aux promoteurs.
Faut-il s’en alarmer ? Doit-on craindre une crise ? Peut-on espérer (ou appréhender, c’est selon) une baisse des prix de l’immobilier ? Business News a mené l’enquête.


Pour connaitre le pouls d’un pays, il faut contacter son banquier. Lui, il connait de l’intérieur la situation réelle des entreprises. Et le banquier, ces jours-ci, montre un certain scepticisme dans l’octroi de crédits aux promoteurs immobiliers. Le banquier parle même d’une consigne non écrite de la Banque centrale dans ce sens. Il n’y a rien d’officiel dans tout cela, c’est le bouche à oreille.
Que se passe-t-il donc chez nos promoteurs immobiliers qui tardent, apparemment, à écouler plusieurs dizaines de leurs appartements ?
Du côté des intéressés mystère et boule de gomme, rien ne filtre, aucune communication, tout irait encore pour le meilleur dans le meilleur des mondes.
Il faut donc voir du côté des grands promoteurs qui, eux, ne peuvent rien cacher vu qu’ils sont côtés en bourse et agissent forcément en toute transparence.

Une comparaison rapide du chiffre d’affaires des trois premiers trimestres 2010 des sociétés immobilières cotées à la Bourse de Tunis à savoir la Simpar et Essoukna, montre un net recul comparativement à la même période en 2009.
Les chiffres de 2010 sont tout simplement comparables à ceux de 2008, année de crise à l’échelle mondiale.
La Simpar a réalisé des ventes de 10,62 millions de dinars pour les 3 premiers trimestres 2010 contre 15,32 millions pour la même période en 2009.
Essoukna a réalisé des ventes de 7,97 millions de dinars au cours des trois premiers trimestres 2010 contre 12,82 millions de dinars pour la même période en 2009.
Autre entreprise dont la holding est cotée en bourse, la filiale immobilière de Poulina qui accuse un léger recul de 1% entre 2009 et 2010. Recul expliqué par le management par le non-achèvement de nouveaux projets.
La SNIT, entreprise publique, a connu le fléchissement dès 2009. Ses revenus, l’année dernière, ont été de 31 millions de dinars, contre 50,4 millions de dinars en 2008.

Autant d’éléments qui devraient inquiéter les professionnels. Pourtant, force est de constater que les prix s’inscrivent tous à la hausse. Quel que soit le quartier. Au meilleur des cas, ils sont restés tels quels.
Faouzi Ayadi, expert immobilier et créateur du site spécialisé Bourse Immo (www.bourseimmo.com.tn) confirme cette tendance haussière. Jamais baissière.
« Plutôt qu’à une crise de l’immobilier, dit M. Ayadi, nous assistons à une crise du logement. Les hausses en effet ne s’alignent plus sur le pouvoir d’achat des ménages tunisiens moyens. L’accès à la propriété, mais également au logement en locatif, devient de plus en plus problématique. »
La hausse des prix dans certains quartiers de Tunis dépasse de loin le taux d’inflation. A titre d’exemple, Faouzi Ayadi enregistre une hausse annuelle moyenne de 15% des prix (contre 5% d’inflation annuellement) pour les quartiers des Berges du Lac et d’Ain Zaghouan, les plus prisés actuellement.
Autre bouleversement, autre risque, et le SITAP (Salon de l’Immobilier Tunisien à Paris) y est sans doute pour quelque chose, les quartiers chics et les maisons luxueuses ne sont désormais plus accessibles pour les Tunisiens vu leurs prix. Ils sont fortement prisés par les étrangers ou les Tunisiens résidents à l’étranger. Il est vrai que le prix du mètre carré en Tunisie reste malgré tout dérisoire en comparaison des 8000 ou 9000 euros qu’il faut débourser pour acquérir un mètre carré à Paris. Ceci est valable aussi bien à l’achat qu’à la location et c’est pour ces raisons qu’on commence à remarquer que certains quartiers résidentiels avoisinant Tunis sont plutôt habités par des étrangers ou des Tunisiens de l’étranger.
Conséquence logique, les prix de vente montent.

Seulement voilà, Faouzi Ayadi remarque qu’il y a un changement dans le cycle des ventes. Il y a trois ans, on achetait sur plan. Ce ne serait plus le cas aujourd’hui. Les promoteurs se trouvent acculés d’achever leurs constructions, de les proposer à la vente et d’attendre les acheteurs.
Ceci est notamment valable dans les quartiers huppés. C’est clair, un « 3 pièces » à Ain Zaghouan à 150 000 dinars, ça vous calme un homme. Les clients feraient même des choix aujourd’hui. Les années dorées où le client cherchait un appartement coûte que coûte et à n’importe quel étage c’est du passé.
Cela dit, dans les quartiers moyens ou modestes, les promoteurs continuent, malgré tout, à dicter leurs lois.

Toute personne doué de facultés élémentaires de déduction et initié aux rudiments des lois du marché, notamment de la règle canonique de l’offre et de la demande, conclurait à une logique baisse des prix. Que nenni ! Les promoteurs ne lâcheront rien. Pas un kopeck.
Le prix moyen de vente au mètre carré pratiqué sur le marché du luxe continue à atteindre les 1800 et 2000 dinars. Certains, et ce n’est pas une blague vendent encore à 3500 dinars le mètre. Peu importe qu’ils ne trouvent pas d’acheteurs immédiatement, les promoteurs savent pertinemment qu’ils finiront par vendre à ces prix là. Il faut juste un peu de patience.
Selon M. Ayadi, c’est à partir de 1000-1200 dinars que les difficultés commencent à se sentir pour trouver des acheteurs rapidement.

Une fuite en avant ? Stratégie du tac au tac ? Les promoteurs auraient-ils une araignée au plafond ?
M. Ayadi refuse catégoriquement de parler de crise. A peine s’il accepte le terme mévente dans certains quartiers. Tout au pire, sont-ils confrontés à problème de stock qui grandit. Et c’est temporaire, selon lui.
Qu’est-ce qui le « rassure » ? « Jetez un coup d’œil sur les bilans financiers des entreprises immobilières et vous remarquerez les marges importantes ! »
Quand on s’accorde des marges brutes de 35-40%, ce n’est pas un petit souci d’invendu qui va inquiéter les promoteurs immobiliers. Surtout quand on est rassuré par cette culture nationale qui veut que chaque famille accède à la propriété, quitte à se saigner financièrement en s’endettant à mort (on sacrifie ainsi les plus belles années de sa vie) et en payant des dizaines de milliers de dinars en intérêts bancaires. Bien que le loyer soit nettement moins cher que la propriété, le Tunisien préfère toujours avoir SON propre chez soi.
Morale de l’histoire, s’il y en a, les promoteurs attendront quelques mois supplémentaires, avant de se refaire du cash à nouveau et d’écouler les appartements invendus. Au prix fort, bien entendu.
Les acquéreurs se consoleront en se disant « quand le bâtiment va, tout va ! ».
12/11/2010 |
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