Trois remarques après l’épilogue de la crise sociale
Le dénouement de la crise sociale a été la bonne nouvelle de la fin de cette semaine. Avec la signature de l’accord entre la centrale syndicale et le gouvernement sur les augmentations salariales dans le secteur public, puis la signature de l’accord entre la fédération de l’enseignement secondaire et le ministère de l’Education, le pays a poussé un ouf de soulagement. On peut dire aujourd’hui que la grave crise sociale qui a tenu les Tunisiens en haleine est derrière nous. Toutefois, quelques remarques s’imposent.
En premier lieu, cette crise montre que si les partenaires sociaux sont animés des meilleures intentions, les solutions existent et existeront toujours quelques soient la gravité et la complexité des dossiers à négocier. Seulement en Tunisie, nous avons pris cette fâcheuse habitude d’aller jusqu’au bout dans l’intransigeance, d’adopter la politique du bord du précipice avant d’accepter de négocier sérieusement et de faire les concessions nécessaires pour aboutir à un accord. Pourtant, cette démarche, exténuante pour les nerfs des Tunisiens, n’a jamais réussi auparavant et a toujours été improductive. Concernant le dossier de la fonction publique, le gouvernement aurait gagné à commencer les négociations par ses propositions présentées la semaine dernière, non par le refus de l’idée d’augmentation des salaires des fonctionnaires. Cela aurait fait économiser le pays une tension sociale et deux grèves générales. Avec le syndicat des enseignants, l’année blanche avait été évitée l’année dernière au dernier moment suite à un accord qui stipulait que les négociations allaient se poursuivre durant les mois de l’été pour aboutir à un accord avant la rentrée scolaire 2018/2019. Mais rien de cela n’a été fait ce qui a exacerbé les esprits, érodé la confiance entre les partenaires et rendu la crise de cette année inéluctable.
La seconde remarque concerne l’UGTT. La centrale syndicale a été encore une fois au rendez-vous avec l’histoire. Elle a montré encore une fois qu’elle était une force nationale et sociale incontournable, structurée, organisée et dotée d’une ceinture populaire qui lui apporte un soutien indéfectible. Bien entendu, les positions et les débats au sein des structures syndicales peuvent être souvent contradictoires mais les décisions se prennent toujours par consensus, sinon par le vote. En cela, la centrale syndicale donne l’exemple en matière de gestion démocratique. Cette gestion interne, fortement centralisée mais très démocratique, a permis à l’UGTT de préserver une solidarité qui a fait ses preuves et à affronter les crises nombreuses pour en sortir avec le minimum de dégâts. Les gouvernements successifs, depuis l’indépendance, qui ont tenté de mettre au pas la centrale syndicale ont appris tous, à leurs dépends, qu’il était très risqué de se mettre le syndicat à dos. Quant aux autres, ceux qui ont saisi la dernière crise sociale pour diaboliser les syndicats, dénigrer l’action syndicale et appeler à un libéralisme agressif, inhumain et étranger à l’histoire et à la culture de notre pays, ils doivent déchanter aujourd’hui. L’UGTT fera toujours partie de notre paysage politique, social et économique, même si elle est appelée sans cesse à se remettre en question, à affiner sa gestion des crises et à se doter en plus de son rôle revendicatif nécessaire pour défendre les intérêts des salariés, d’une orientation vers un syndicalisme plus participatif.
Enfin, l’épilogue de cette crise ne signifie nullement qu’il n’y aura pas d’autres crises dans l’avenir. Nous avons tellement de problèmes à régler qui méritent notre attention et qui ont tous un caractère urgent. Mais la multiplicité de ces problèmes et même leur complexité est un motif de réconfort parce qu’ils montrent que le corps social est vivant et que le pays se prend en charge. D’ores et déjà, le ministère de l’Education doit régler dans les prochaines semaines, le problème avec les enseignants de l’école de base. Il aura surtout à ouvrir sérieusement le dossier de la réforme de notre système d’enseignement. Le ministère de l’Enseignement supérieur doit de son côté trouver les solutions à la crise qui bloque les universités depuis des mois et qui risque de conduire vers l’année blanche. Quant au gouvernement, les réformes des caisses sociales, la restructuration des entreprises publiques, la refonte de notre système fiscal et autres sont autant de dossiers urgents qu’il faudrait gérer en mêlant l’efficacité à la célérité.