alexametrics
jeudi 25 avril 2024
Heure de Tunis : 02:20
A la Une
Tout sur l’escroquerie de l’affaire du terrain d'El Sijoumi
19/08/2018 | 15:59
8 min
Tout sur l’escroquerie de l’affaire du terrain d'El Sijoumi

L’affaire est digne d’un film sur l’arnaque (avortée) du siècle. Un terrain de 11 ha en plein cœur de Tunis, légalement disparu dans la nature. Une coopérative française des années 40 qu’on a « oublié » de nationaliser, une bande d’escrocs et un plan machiavélique pour mettre la main sur la poule aux œufs d’or, seraient d’excellents ingrédients pour une telle fiction. C’est pourtant bien ce qui semble s’être produit. Au cœur d’une polémique habilement fomentée, le ministère des Domaines de l’Etat a tout révélé à Business News de l’affaire d’El Sijoumi, ou l’affaire du terrain de toutes les convoitises….

 

L’affaire a été révélée par un courrier adressé à l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), présidée par Chawki Tabib. Une personne a dénoncé dans une longue lettre les agissements frauduleux d’un groupe de personnes qui ont usé de tous les moyens possibles, vraisemblablement conseillés par des avocats chevronnés pour agir en toute discrétion, afin de faire main basse sur un terrain de 11 ha, situé en plein cœur de la capitale et ayant appartenu dans les années 60 à une coopérative française. Il s’agit d’un terrain agricole situé à la Cité Ezzouhour, Sijoumi (juste près de la voie rapide qui mène à l’autoroute de Béjà et du RFR en cours de construction).

L’Inlucc a transféré la lettre au ministère des Domaines de l’Etat, pour enquêter sur l’affaire. Une investigation a alors été menée et à la surprise du ministère, tous les indices ont convergé vers une grande arnaque montée par des fraudeurs dans le but d’acquérir la propriété de ce terrain, qui vaut désormais la bagatelle de 100 millions de dinars.

Les recherches ont conduit à deux constats très étranges. D’abord la dernière société qui a affirmé être propriétaire du terrain avait à la tête de son conseil d’administration Seif Allah Trabelsi, le neveu de l’ancienne Première dame, Leila Trabelsi et aurait dû donc être confisquée en 2011, ce qui n’a pas été fait. Ensuite, la coopérative qui en est originellement la propriétaire, aurait dû être nationalisée en vertu de la loi de 1964 sur la nationalisation des terrains agricoles ayant appartenu à des étrangers sauf qu'aucun document ne fait état de cette procédure. Le terrain s’étant évanoui dans la nature depuis 1962…

 

 

Pour comprendre les tenants et les aboutissants d’une telle arnaque, un bref retour en arrière s’impose. Au début des années 60, existait la Société coopérative oléicole du Nord de la Tunisie (Scont), qui exploitait, entre autres, un terrain de 11 ha à Tunis. En 1962, la Scont est scindée en trois coopératives : la Société coopérative oléicole de Tunis (Scot), la coopérative oléicole de Djeradou et la coopérative oléicole de Tekelsa, ces deux dernières ayant été nationalisées en 1964.

En 1962, la Scont, propriétaire du terrain d’El Sijoumi, avait donc juridiquement cessé d’exister. Jusqu’à très récemment, personne ne savait rien de ce qu’il était advenu de la Scot ou encore du terrain de la Scont, jusqu’à ce qu’un jour, un particulier du nom de A.M se présente au Tribunal immobilier pour mettre à jour le titre foncier du terrain inconnu.

A.M tend alors un contrat d’achat conclu avec la Société coopérative oléicole du Nord de la Tunisie (Scont), représentée par deux signataires. Contrat daté du 28 août 1980 et enregistré en 2009, soit 29 ans plus tard. Sauf que la Scont a cessé d’exister en 1962 et que les deux signataires, bien qu’ils existent vraiment, ne faisaient plus partie du conseil d’administration depuis septembre 1961. L’un ayant été expulsé et l’autre ayant démissionné.

Le chargé du contentieux de l’Etat a donc demandé au procureur de la République près du Tribunal de première instance de Tunis d’ouvrir une enquête et de traduire A.M et toutes les personnes impliquées dont les noms seront révélés par l’enquête, devant la justice pour faux et usage de faux.

Qu’à cela ne tienne ! Si la Scont n’existe plus, la Scot, elle, existe bel et bien et d’autres personnes lorgnant le bien ont pris leur temps pour échafauder un plan presque parfait. En 1999, est créée une nouvelle société dénommée Scot, faisant renaître de ses cendres celle « disparue » depuis près de 30 ans. Il s’agirait là peut-être d’un pur hasard. La suite démontrera que non.

 

En 2004, la nouvelle Scot décide le changement de sa raison sociale devenant la Scont. Il s’agit là d’une tentative de se mettre en conformité avec le titre foncier, mais rien n’y fait. L’enregistrement du terrain n’a pas pu se faire. En 2008, et suite à la loi 2005 sur les coopératives, la nouvelle Scont a dû se conformer et changer en mutuelle pour devenir la Smont. En 2010, la Smont nomme Seif Allah Trabelsi en tant que président du conseil d’administration et en 2011 éclate la révolution enchainant les mains de ce dernier. Commence alors en 2014 une pluie de demandes de mise à jour des titres fonciers, toutes vouées à l’échec car aucun des demandeurs ne possédait le titre bleu du bien. Tout porte donc à croire qu’il y’a anguille sous roche. Ne voulant pas se compromettre, surtout après avoir été longuement permissif sur la question, le Tribunal immobilier a mis les freins dès que des soupçons de fraude ont été flairés.

Deux parties, une personne physique du nom de A.M et une personne morale qui est la « Smont » ont ainsi manœuvré, chacune de son côté, pour s’approprier le terrain d’El Sijoumi. Une guerre dont triomphera l’Etat, tout à fait par hasard !

Si la Smont a pu vendre quelques parcelles de terrain à des promoteurs peu avisés ou un peu trop avides, n’ayant pu fournir aucun document enregistré prouvant que le terrain lui appartient, toutes ses tentatives pour qu’il en devienne légalement propriétaire ont été vaines.

 

Dans ce contexte particulier où se mêlent fourberie et opacité, l’Etat, se basant sur la loi, a tranché. Le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Mabrouk Korchid a pris la décision de nationaliser le terrain en mars 2018. Il a également été décidé de déposer une plainte pour falsification et de soumettre le dossier à la commission de confiscation pour qu’elle saisisse la « Smont » et gèle ses avoirs bancaires pour récupérer l’argent des ventes issues de transactions, in fine, illégales.

Le ministère soupçonne un lobby de promoteurs immobiliers d’être derrière cette affaire. « Leur objectif est de faire main basse sur ce lot constructible en R16 et R17. Plusieurs politiciens, dont notamment des députés des deux partis au pouvoir ont essayé d’intervenir dans ce dossier pour arrêter la procédure de nationalisation, mais la machine de l’Etat s’était déjà mise en route » nous a confié notre source au ministère, affirmant que le ministre Mabrouk Korchid vendra cet objet du litige au dinar symbolique au ministère de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire pour en faire des logements sociaux.

Le terrain, maraicher, devait être soumis à la «loi de l'évacuation agricole» du 12 mai 1964, nationalisant tous les terrains agricoles propriétés d’étrangers, sauf les coopératives soumises à la loi du 27 mai 1963. Or, la Smont n’a pas pu prouver qu’elle a eu l’approbation de l’Etat en 1963 pour figurer parmi ces coopératives. Le ministère de l’Agriculture, sollicité durant l’enquête, n’a pas pu trouver le moindre document le suggérant. Ainsi et de ce fait, les 11 hectares sont propriétés de l’Etat.  Ils auraient dû être nationalisés en 1964, mais un manque de suivi les a relégués, durant de longues années, aux oubliettes.

 

Cette restitution, a évidemment beaucoup dérangé les parties prenantes dans l’affaire. Certaines ont sollicité le Tribunal administratif pour arrêter la procédure, d’autres sont allées jusqu’à porter plainte contre le ministre pour fraude. Une accusation qui amuse nos sources au ministère. « Pourquoi une personne falsifierai-t-elle des documents non pas à son bénéfice mais au bénéfice de l’Etat ? Cela n’a aucun sens. Celui qui fraude le fait pour soi pas pour l’Etat, et puis la justice prendra son cours. Si les plaignants sont dans leur plein droit et peuvent le prouver, ils récupèreront leur bien, sinon l’Etat a repris son droit sur sa propriété et le terrain, idéalement situé en plein cœur de la capitale, sera utilisé à bon escient » nous ont-elles affirmé.

Plusieurs années sont passées depuis la révolution, mais beaucoup de choses n’ont pas vraiment changé. S’inscrivant dans une logique de continuité, des lobbies puissants œuvrent toujours dans l’ombre et essayent de subtiliser les biens publics. Il n’y a jamais eu de très grosses affaires de corruption sans la complicité de l’administration ou des politiciens, c’est un fait. C’est d’ailleurs de cette complicité que les lobbies, « bons » ou mauvais, tirent leur puissance. Dans l’affaire d’El Sijoumi, il aura suffit d’une lettre, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, pour enrayer un plan qui fonctionnait à merveille. Un complice mécontent ? Peut-être. Cette personne a néanmoins ouvert une boite de pandore et au vu des documents que détient Business News sur l’affaire, il y a très peu à parier sur sa bonne foi ….

 

Imen Nouira & Myriam Ben Zineb

19/08/2018 | 15:59
8 min
Suivez-nous

Commentaires (2)

Commenter

sambook
| 14-02-2019 15:48
Bonjour,
Père décédé en Tunisie, cousin cousine se sont approprié le bien de mon père villa en Tunisie la loue sans bail et perçoive les loyers illégalement, si proteste nous menace c'est pas normal de se faire déposséder de ses biens la Tunisie que fait elle ne vérifie t-elle pas les personnes décédés et si succession il y a ouverture de succession, c'est du vol, 22 ans que cela dure on nous a pris notre maison de notre père que faire dénoncer les faits alerter l'état rétablir la justice et que ces personnes soient condamner pour complicité de vol d'encaissement de loyer maison située à l'Ariane.

Rached Napolitano Bacchus Lion14 Mouama Valery M.Z james-tk Ck Citoyen_H DHEJ
| 23-08-2018 13:00
Un petit coup d'oeil du côté de la gestion locative des biens de Smadja pourrait révéler bien d'autres affaires similaires à monsieur Khorchid. Dernièrement un particulier a expulsé les agents du M I du poste de police sise à l'angle Avenue Bourguiba rue de Bizerte à Ben-Arous et a construit un immeuble. Ce local appartient à la police depuis les années 50 et à cette époque aucun tunisien n'était propriétaire!Cet article prouve que du temp de ZABA
l administration fonctionne très bien
Puisque les trabelsi n ont pas pu transformer le terrain a leur nom

Alors que maintenant les députés essaient d arrêter la procédure de nationalisation du terrain
En tant que personnages publics, les hommes/femmes politiques qui ont soutenu ce montage ne devraient-ils pas être cités ? Un journal de votre qualité doit informer ces lecteurs de l'ensemble des éléments.

Voulez-vous préserver la présomption d'innocence de ces députés ? Cela est le rôle de la justice pas celui d'un journaliste indépendant.

Le flou journalistique et l'ambiguïté éditoriale nourrissent les informations erronées et la diffamation, maux majeurs de notre démocratie naissante.
Une prime substantielle devrait être décernée à toute personne qui dénonce de tels agissements criminels. La délation doit avoir un prix afin que les langues se délient. Cet article , je l'ai dévoré des yeux et j'attends la suite SVP ! "Pourquoi une personne falsifierai-t-elle des documents non pas à son bénéfice mais au bénéfice de l'Etat ? Cela n'a aucun sens."
Au vu du nombre des documents que vous détenez, vous devez le savoir/deviner vous-même. Après une opération de confiscation ou de nationalisation d'un bien ou d'une propriété, celle-ci devient par la force de la loi la propriété de l'Etat. Ce dernier peut en effet gérer, vendre, céder ses biens ou déléguer leur exploitation comme bon lui semble. Alors devinez la suite, je compte sur votre imagination. Si ils n'avaient pas des complices au sein de l'Etat, ils n'auraient jamais osé commettre une fraude pareille. En Tunisie, dans l'état actuel il nous manque des des personne de la trempe de Mabrouk Korchid, et Chawki Tabib, deux vrais guerriers contre la corruption, il me rappelle la célèbre série des années soixante « Les Incorruptibles » avec Robert Stack, qui raconte la guerre sans merci d'une brigade pendant la période de la prohibition aux '?tats-Unis des années 20/30, contre la fabrication et la vente d'alcools !Ce n'est ni la premiere ni la derniete affaire denoncée et avec des preuves ..
A entendre les declarations de Chawki tbib sur certains dossiers dont il detient entre ses mains on aurait vu au moins une centaines d'affaires fracassantes avec au moins un millier de personnes sous les barreaux ! Mais rien depuis ne fu !!!!
Donc encore une affaire qui restera sans suite serieuse puisque tt s'achete et chaque affaire son prix malheureusement '?'BROUETTISTES AFFAMéS IMPOSTEURS TRAITRES

"Plusieurs politiciens, dont notamment des députés des deux partis au pouvoir ont essayé d'intervenir dans ce dossier pour arrêter la procédure de nationalisation"

Cela ressemble fortement à la signature nauséabonde apposée sans relâche par les véreux charognards députés chameliers et de ceux d'attayar, as des as des entourloupes et des coups bas.




du déjà vu l'affaire de la société pétrolière...