C’est tout naturellement avec son « bébé » dans les bras que Zied Remadi nous a reçus pour nous parler de son parcours. Le bébé en question est « Business Is Business », un jeu de stratégie qu’il a lui-même créé et que nous avons pu, tout au long de notre entretien, découvrir avec lui. En ces temps où les jeux vidéo inondent les marchés jusqu’à devenir bientôt qualifiés de « sport », nous avons été curieux de rencontrer ce Tunisien qui, dans un contexte économique fort délicat et muni de son unique passion, s’est lancé dans l’aventure improbable de créer un jeu qui rivaliserait avec l’iconique Monopoly….
Son jeu il l’a lancé le 16 mars 2018. Après des années de réflexion et de tests, le rêve de Zied Remadi voit enfin le jour ! Le jeune directeur commercial, marié et père de deux enfants, nous a confié avoir toujours ambitionné de créer un jeu de société 100% tunisien « qui soit meilleur que Monopoly ». C’est ainsi d’ailleurs qu’il nous présentera « Business Is Business », le jeu de stratégie et de gestion qu’il a élaboré et qui, comme son nom l’indique, entraine les joueurs dans l’environnement impitoyable des affaires.
Curiosité oblige, mais aussi la nostalgie de jeter des dés et de faire avancer des pions avouons-le, nous avons plongé illico dans le tapis de jeu de Business Is Business avec l’entrain d’un affamé devant un steak. De question en question, nous nous sommes surpris à nous rêver milliardaires, à craindre le crash boursier et à songer honteusement à des alliances avec des gangsters.
C’est que « Business Is Business » est un jeu réellement prenant et comporte, en effet, des plus par rapport au Monopoly. « Ce jeu est la création de ma vie. J’y pense depuis déjà près de 15 ans et je m’y consacre depuis trois ans maintenant. J’ai fait la maquette puis j’ai commencé à y introduire les composantes. Le point fort de ma création est la Bourse, qui procure au jeu des tournures fort sympathiques. La bourse procure deux types de revenus, des dividendes et des intérêts statutaires. Les dividendes sont récoltées à la fin de chaque année, et une année est un tour de jeu. Le joueur a aussi le choix de prendre un chemin court ou un chemin long et peut aussi choisir d’acquérir des actions réparties en quatre secteurs d’activité » a commencé à nous expliquer Zied.
Il est vrai que d’emblée on est attiré par la diversité des « activités » procurées par le jeu. Restauration, grande distribution, industrie, médias, sport, banques, tout est là pour que le jeu soit au plus près de la réalité et permette aux grands comme aux petits de s’amuser tout en en apprenant plus sur le monde des affaires.
« Ce qu'il y a de bien dans Business Is Business, c’est qu’on n’a pas besoin d’avoir des connaissances en gestion pour y jouer mais qu’au fur et à mesure qu’on y joue on acquiert des connaissances utiles. C’est quelque part un jeu d’initiation à la gestion, où la composante chance est peu présente et où la stratégie prime. C’est là une grande première dans le monde arabe et en Afrique qu’un tel jeu soit créé par un Tunisien de surcroit » a poursuivi le créateur de Business Is Business.
Business Is Business est un jeu où l’objectif ultime est de générer le plus d’argent. A la fin de la partie, c’est donc le cash, mais aussi les valeurs des propriétés et la valeur liquidative des actions qui sont comptabilisées. Ce qui nous a également marqué dans ce jeu, c’est les cartes et les options qui influencent le cours du déroulement de la partie. Ainsi, les cartes environnement économique déterminent le cours de la bourse, trois gangsters peuvent vous aider à descendre vos concurrents moyennant des sommes grassouillettes, une tombola peut vous faire gagner de l’argent etc. « Dans ce jeu, tout est fait pour que les joueurs passent un moment agréable et puissent s’amuser. Dans toutes les parties que nous jouons, cela se transforme toujours en fous rires et les gens s’y croient vraiment ! » a précisé Zied Remadi, nous expliquant comment, des nuits durant, il n’a eu de cesse de tester seul puis avec ses amis son jeu, pour le perfectionner.
« Le choix des montants, de l’emplacement des cases, celui des fluctuations boursières, sont calculés selon un algorithme bien déterminé. Quand on créée un jeu, rien n’est laissé au hasard et maintenant qu’il est finalisé, je suis fier et heureux de voir des gens s’amuser avec le fruit d’un dur labeur » a-t-il confié.
Business Is Business a aussi cette autre particularité, celle qui d’ailleurs a beaucoup retenu notre attention. Dans chaque secteur choisi, l’activité est quasi complète. Dans l’industrie par exemple, la production, coûts et profits sont prévus et le circuit est d’un réalisme surprenant. Un autre point positif pour ce jeu, rappelons-le, 100% tunisien. Nous ne manquons d’ailleurs pas de le rappeler, car si Business Is Business est un jeu tout récent, son succès se trouve aussi dans sa naissance. D’abord parce qu’il est le fruit d’une passion, ensuite parce qu’il a été financé par les économies d’un homme à la poursuite d’un rêve. Enfin, parce que cet homme a eu l’espoir d’estimer qu’il y avait dans son pays un marché pour des jeux tunisiens alors que les boutiques sont inondées de contrefaçons chinoises.
Oui, le marché des jeux de société ne connait pas vraiment la crise dans le monde. Des milliers sont créées chaque année aux USA et des centaines en Europe. En France, ils représentaient un chiffre d’affaires de 325 millions d’euros en 2016, soit 10.4% d’un marché du jouet estimé à 3.4 milliards d’euros, selon une étude menée par Businesscoot. Avec l’émergence des jeux vidéo, on pourrait penser qu’ils soient en difficulté mais non, les jeux de société résistent et c’est tant mieux !
« J’ai toujours adoré jouer aux jeux de société. Avant, nous passions en famille et avec nos amis du temps à jouer, à nous amuser, à discuter autour d’un tapis de jeu de dames ou de scrabble. Aujourd’hui cette bonne habitude tend à se raréfier. A travers mon jeu, je veux la remettre au goût du jour. J’ai réalisé mon rêve et j’offre un très bon jeu de société aux Tunisiens pour accompagner leurs soirées. Je serai heureux de savoir qu’un étudiant tunisien au Canada a joué à Business Is Business avec ses amis, fier de leur dire que c’est un jeu élaboré dans son pays. 90% des jeux que nous achetons dans les magasins tunisiens sont étrangers… 90% vous imaginez un peu le marché à côté duquel nous passons ? » a relevé, à juste titre, M. Remadi.
Nous avons fini notre entrevue, avec une question plus personnelle. Quid de sa vie de famille? « Il est difficile pour un compagnon de voir son partenaire investir son temps et son argent dans un projet qui soit seulement le fruit d’une passion. Comment votre compagne a vécu cela ? » lui avons-nous demandé. Vraisemblablement conscient de sa chance, M. Remadi nous a répondu, large sourire aux lèvres, que sa femme a été pour lui un soutien indéfectible. « Elle m’a aidé tout au long du processus. Jamais elle ne m’a freiné ou empêché de poursuivre mon rêve, bien au contraire. Encore aujourd’hui, elle fait partie intégrante de cette aventure » nous a-t-il précisé. Un détail qui nous a encore plus encouragés à rédiger ces lignes.
Business Is Business a été lancé il y a trois semaines et son créateur ne lésine pas sur l’effort pour que son projet devienne le compagnon des soirées de jeu des familles tunisiennes et qui sait, un jour peut-être, étrangères. Zied Remadi frappe à toutes les portes, présente son jeu, organise des soirées, des évènements et distribue autour de lui la bonne humeur et l’ambiance bon enfant. Un courage et une ténacité mais aussi le dessein d’un jeune homme qui croit en lui et qui porte en son for intérieur l’espoir et le patriotisme de toute une génération, c’est aussi l’histoire que nous avons voulu vous raconter ce dimanche.
« Mon jeu peut rivaliser avec Monopoly. Il n’existe pas en Tunisie de sociétés d’édition de jeux et j’ai tout fait tout seul ! J’ai contacté des boites étrangères, un jour peut-être, ils distribueront Business Is Business… Business Is Business est un très bon jeu digne des meilleurs jeux de sociétés européens et c’est un jeu tunisien ! Je ferai tout ce qu’il faut faire pour qu’il ait ses chances » dit Zied, songeur…
La passion, l’espoir, l’optimisme, la peur, la fatigue, la volonté, le courage, la persévérance, la crainte, le doute, la fierté sont autant de sentiments que nous avons pu observer lors de notre entretien avec le créateur de Business Is Business. C’est donc tout naturellement que nous avons décidé d’ajouter notre pierre à son édifice comme nous le faisons avec chaque entrepreneur qui met son cœur à l’ouvrage et participe à faire avancer ce pays. Aussi car le succès c’est aussi de concrétiser ses rêves et de continuer surtout à en avoir par les temps qui courent…
Myriam Ben Zineb
