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Tribunes
Soft Power
12/04/2014 | 1
min
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Par Neila Charchour Hachicha

Depuis la chute du mur de Berlin, les États-Unis, qui sont une démocratie des plus performantes sur le plan national, ont eu, par contre sur le plan international, tendance à se vouloir les gendarmes du monde. Aucun regroupement géopolitique n'a su s’organiser pour pouvoir leur faire face que ce soit sur le plan politique, militaire ou juridique.

Evaluant le monde à partir de leur unique angle de vue, tout en clamant leurs meilleures intentions, les américains ont eu, eux aussi, leur part d'erreurs et de dérapages. C'est par contre le coût financier de ces erreurs qui a fini par les faire évoluer vers de meilleurs sentiments envers le reste de l'humanité qu'ils ont eu tendance à prendre de très haut surtout après les attentats du 11 septembre.

"Soft Power" ou l'influence sans usage de la force, incarne leur nouvelle stratégie politique après leurs déboires militaires notamment en Irak et en Afghanistan. En effet les américains ont réalisé qu'ils ne comprennent pas les dédales du monde politique musulman, que leur image y est totalement ternie et que leurs intérêts en pleine ébullition révolutionnaire, n’y sont plus garantis.

Ils ont par conséquent changé d’approche et ont mis au point de nouvelles stratégies qui consistent à multiplier les moyens de communication et les connexions pour mieux saisir notre mode de fonctionnement, pour diffuser le leur qui a fait ses preuves, le tout afin de créer un meilleur environnement politique et économique qui leur permettra de mieux protéger leurs intérêts.

Pourquoi pas ! En gens cartésiens et planificateurs, c'est en soi une importante avancée qu'ils descendent de leur piédestal, qu’ils rangent leurs armes et qu'ils se donnent la peine d’établir des plans « gagnant-gagnant ».

Ayant une culture de l'engagement civil très ancrée, ils ont commencé à s'y investir aussi sur un plan international. Think-tanks et institutions civiles de tous genres se développent un peu partout, le dialogue s’intensifie et les échanges se multiplient. A qui imagine le meilleur programme conçu pour favoriser la communication, le partage de savoir faire et la bonne entente entre les peuples.

Le centre présidentiel George W Bush n'est pas en reste, bien au contraire. Une multitude de programmes nationaux et internationaux sont mis en place dont « l'Initiative Féminine » présidée par Mme Laura Bush. Autant elle que son époux ont la conviction qu'aucune évolution dans le monde ne se réalisera sans la participation active des femmes notamment dans les pays du printemps arabes qui sont en pleine transitions démocratiques. Tous deux considèrent que le leadership féminin doit être encouragé et renforcé afin que nos démocraties naissantes soient authentiques car on ne saurait parler de démocratie sans une significative participation des femmes.

Ce programme consiste en une formation au leadership qui dure cinq semaines, ainsi qu’à l’établissement de connexions avec les firmes et les institutions américaines. En contrepartie, on nous demande la diffusion dans notre pays du savoir-faire que nous aurons acquis.

Cent cinquante candidates se sont inscrites au programme. Nous avons été dix sept à être sélectionnées dans six secteurs d'activités différents notamment les médias, la santé, l’éducation, le droit, la politique et l’entreprenariat.

Une première sélection s'est faite suite à la présentation par écrit d'un projet de notre choix, à réaliser sur une période d'une année, et pour lequel nous souhaitons améliorer nos performances en leadership afin d’en assurer la réussite.

Puis une seconde sélection s'est faite par interview individuelle sur skype pour établir un contact direct, s’assurer de notre niveau d'anglais mais aussi de notre degré de motivation.

Le programme a commencé à la Southern Methodist University par des cours intensifs de communication, de négociation, de méthodes de résolution de conflits, de team-building et de méthodes de construction de réseaux professionnels et sociaux. Nous avons aussi pu avoir un aperçu sur les notions d’état de droit ainsi que de la mise en place d'institutions démocratiques et civiles.

Pour vivre concrètement tous ces cours théoriques, nous avons visité les plus grandes firmes américaines allant de l’industrie cosmétique jusqu’aux géants technologiques de Silicone Valley en passant par CNN, ABC et le New York Stock Exchange pour ne parler que des plus connus. Bien sûr aussi les institutions américaines dont le Congrès, la Cours suprême, le Département d’Etat, la Maison Blanche ainsi que l’IRI, le NDI, le CIPE et Freedom House qui sont déjà représentés en Tunisie. Très exceptionnelles furent aussi les réceptions offertes en notre honneur pour nous faire rencontrer les donateurs du Centre Présidentiel George W Bush, qui sont à l’origine entre autre du financement de notre programme.

Malheureusement une grande polémique s’est déclenchée sur les médias tunisiens uniquement parce qu'un aussi bon programme a été proposé par le Centre Présidentiel George W Bush. Un Président qui demeure haï dans le monde arabe pour la guerre qu’il a engagée contre l’Irak et parce qu’on continue de le juger à partir de prismes d'évaluation locaux qui font croire qu'un président américain peut décider tout seul de ce qu’il veut, surtout en politique étrangère, comme cela arrive malheureusement trop souvent chez nous.

Deux notions sont très importantes à comprendre avant de porter des jugements préétablis.

La première c'est que le système de gouvernance américain est si complexe que nul ne peut prétendre détenir le pouvoir à lui tout seul. Chaque décision prise est la résultante de diverses consultations à travers diverses institutions. A titre d’exemple : Le président américain est le chef des forces armées, c'est toutefois le Congrès américain qui signe une déclaration de guerre. Autrement dit, le président n'est pas le seul responsable d'une décision de déclaration de guerre. Le Congrès étant le représentant du peuple dans toutes ses diversités, c’est le peuple américain tout entier qui assume la responsabilité d’une telle déclaration. Et malgré tous les garde-fous pour assurer que nul ne puisse embarquer le pays dans une situation aventureuse, des erreurs d’évaluation sont et seront toujours commises.

La seconde c’est que quel que soit le parti au pouvoir, la politique étrangère des Etats-Unis n’est pas une politique de parti mais la politique d’un Etat. Elle ne change donc pas au gré des élections. On ne peut par conséquent dire que la politique des démocrates est meilleure que celle des républicains ou le contraire. Il s’agit tout simplement de la politique étrangère des Etats Unis.

Ces deux notions font que les choix américains sont des choix collectifs faits à travers des procédures démocratiques qui engagent la responsabilité de tous les américains.

Il est enfin nécessaire de rappeler que le Président Bush a été élu deux fois à travers les lois et les outils électoraux de son pays. Comme dans toute démocratie, si une bonne moitié n’apprécie pas sa politique, l’autre moitié l’apprécie et la soutient.

L’accuser d’être un criminel de guerre infréquentable, ne peut donc être établi que par un tribunal. Venant de messieurs tout le monde, ce n’est que la libre expression d’avis personnels. Donnez-vous les moyens juridiques de proférer de telles accusations et sévissez, sans quoi les accusations sans suite demeureront stériles. Il ne reviendra qu’à l'Histoire de juger le Président Bush et la politique américaine.

Or, il n’y a pas que du mauvais dans cette politique, il y a aussi du bon et du très bon. Dans le temps l’USAID avait nourri nos enfants et aujourd’hui leur nouvelle stratégie politique "Soft Power" fera surement son chemin et aura des effets exponentiels en cascade. Pour cela, je salue la volonté, le courage et l’ambition de toutes les participantes qui ne veulent que le meilleur pour notre pays.

Mon souhait serait par contre qu’à l’avenir ce soit de généreux donateurs tunisiens qui financent ce genre de programme afin d’améliorer les performances en leadership de leurs concitoyens. Il reviendrait à nos ambassades de prendre en charge l’organisation du programme selon nos besoins.

Devenons les propriétaires, les concepteurs et les bâtisseurs de notre propre avenir !

12/04/2014 | 1
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