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Chroniques
Si on est cons, ce n'est pas la faute de la démocratie
03/09/2014 | 16:10
3 min
Par Marouen Achouri

"Franchement, c'était mieux sous Ben Ali!", "Comme si on avait fait une révolution!", "Cette révolution, c'est une catastrophe!". Voilà un extrait de ce qui se dit de plus en plus ces derniers temps. Certains n'hésitent pas à dire que seule une dictature peut maîtriser le peuple tunisien et l'amener vers le droit chemin. Il est temps que la question d'un retour à la dictature soit posée.

Il est une mauvaise habitude purement tunisienne : Au lieu de nous remettre en cause, on remet en cause le principe ! Certains journalistes et certains médias écrivent des choses fausses? Maudite liberté d'expression! Kassas et Ben Toumia à l'assemblée? La démocratie, ce n’est pas pour nous! Des travailleurs en grève? Il faut les remettre au travail à coups de bâton!

C'est comme ça, les Tunisiens sont adeptes du "ce n’est pas de ma faute, c'est la faute aux autres!". Pourtant, c'est le propre de la démocratie, surtout en construction, que d'avoir tant de remous et de dissensions au sein d'une société. Apprendre à vivre ensemble dans le respect mutuel des besoins et des attentes de chacun est un apprentissage qui nécessite un certain temps. Il est vrai aussi que cela est beaucoup plus difficile à dire qu'à faire.

D'un autre côté, il est inconcevable de tomber dans les discours revanchards et vindicatifs portés par des partis comme le CPR ou Wafa. Les discours destructeurs, haineux et ancrés dans le passé ne pourront apporter aucune réponse à la Tunisie d'aujourd'hui. C'est pourtant un formidable vivier électoral, quoi de plus simple que de jouer sur la fibre haineuse ? En fait, cela consiste à dire "Vous avez raison Tunisiens, ce n'est pas de votre faute! C'est celle de l'ancien régime!". Ensuite, s'adonner à toutes les formes possibles et imaginables de vindicte aussi bien dans les discours que dans certains actes.

D'autres partis jouent sur l'inverse. Leur vivier à eux est celui de la nostalgie de cette époque "bénie" de la dictature Ben Ali. A l'instar de Nidaa Tounes, on garde cette idée en filigrane, ni avouée ni niée. C'est un discours qui nous dit "Nous, on est capables de ramener le bonheur et la quiétude dans lesquels vous viviez avant la révolution".

En fait, ce sont ces deux visions qui s'affrontent en Tunisie. Au milieu, une majorité de Tunisiens indécis, qui ne se reconnaissent ni dans un discours ni dans l'autre. Des Tunisiens qui ne ressentent pas de haine particulière envers les membres de l'ancien régime mais qui ne veulent pas, non plus, vivre sous un régime comparable à celui de Ben Ali.

Démocratie, liberté de pensée et de parole, liberté de religion sont autant de principes qui se construisent dans le temps. Ce sont des lignes directrices que chaque société s'approprie pour concevoir son propre modèle tout en respectant lesdits principes.

Le choix de retour à la dictature est le choix de la facilité, de l'abandon et du renoncement. Il est vrai que la situation actuelle est loin d'être confortable et qu'une génération ou deux en paieront le prix. Mais faut-il pour autant renoncer au principe, à l'idéal? La France a imposé son protectorat sur la Tunisie en 1881 et on n'a conquis notre indépendance qu'en 1956, soit 75 ans plus tard. Que serait-il arrivé si tous ceux qui se sont battus pour la liberté avaient renoncé en chemin? S'ils s'étaient battus pendant juste trois ans avant de se dire : "Le protectorat ce n’est peut-être pas si mal", que serait-il arrivé? Heureusement, on ne le saura jamais car ces hommes-là ont fait le choix de se battre jusqu'au bout.

Pour ce qui est de la révolution du 14-Janvier, d'autres hommes sont morts. Ce ne sont pas des pillards, des voleurs ou des repris de justice. Pas tous, du moins. Revenir à une dictature aujourd'hui, reviendrait à dire que leur mort n'aura servi à rien. Certains diront que ce ne sont que des moins-que-rien qui ne manqueront à personne et ce sont les mêmes qui vont s'extasier de voir leurs familles malmener un Khalil Zaouia.

Il est important de prendre un recul "historique" par rapport à notre révolution et réaliser que ce grand bouleversement a seulement trois ans et demi. Le chemin qui nous sépare de l'idéal que l'on souhaite atteindre est encore long et ardu. La question qui se pose aujourd'hui est la suivante : Est-ce qu'on veut y aller et nous battre ou bien baisser les bras et laisser le pays aux mains d'un dictateur, même éclairé?
03/09/2014 | 16:10
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