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Scandales de la STEG : on siffle la fin de la récré ?
31/07/2014 | 11:30
5 min
Scandales de la STEG : on siffle la fin de la récré ?

Par Kabil Daoud*

Aujourd'hui en Tunisie, il est difficile de rencontrer un citoyen qui n'a rien à reprocher à la STEG.

Il est important de se demander aujourd'hui, pourquoi la STEG est-elle l'objet d'une si grande controverse ?

Le gouvernement tunisien a toujours considéré l'électricité comme un produit stratégique à grande portée économique, sociale et politique. Pour l’Etat, l’électricité, en tant que service social, doit répondre aux exigences de la disponibilité et de l’équité.

En un demi-siècle, la STEG a réussi à faire passer le taux d'électrification global de 21% à 99,5% et le taux d'électrification rural de 6% à 99%, soit le taux le plus élevé en Afrique. C'est une performance qui fait honneur à notre pays, mais qui malheureusement est aujourd'hui entachée par de très nombreux dépassements et abus.

Dans la pratique, il existe aujourd'hui trois paliers de tarification, inférieur à
50 KWh (T1), entre 51 et 300 KWh (T3-1) et supérieur à 300 KWh (T3- 2). C'est un système dépassé.

Seuls les abonnés branchés en monophasé 5A à 10A, très limité aujourd’hui car insuffisant eu égard aux équipements électroménagers (réfrigérateur, télévision, etc…), payent la tranche de 0 à 50kWh coûtant 75 millimes/kWh. Les clients branchés en monophasé de 20A et plus payent la totalité de leur consommation au prix le plus élevé du palier. Cela pénalise très clairement les petits consommateurs.

A cette tarification progressive s'ajoutent une redevance fixe en fonction de la puissance, une taxe municipale de 5 millimes par KWh, la TVA et une taxe de la radio et télévision. La redevance fixe et la taxe municipale forfaitaire pèsent proportionnellement plus sur les petits consommateurs.

Il en est de même pour la redevance TV. Elle est perçue sur le nombre de compteurs électriques existants et non pas sur le nombre réel de récepteurs TV. Étrange, surtout quand on sait que la TV publique gagne beaucoup d'argent via la publicité. Résultat : Tous les citoyens (qu'ils regardent ou non la TV), les entreprises publiques et privées, les petites et moyennes entreprises, les locaux à vocation commerciale et de multiples espaces éclairés par la STEG paient la redevance TV sans avoir la télé. C'est un scandale, limite anticonstitutionnel, mais personne n'en parle.


On peut nous rétorquer que les prix de la STEG sont subventionnés, et que celle-ci couvre les besoins des Tunisiens en énergie à perte. Il n'en est rien, la subvention n'est pas faite par la STEG, mais par l’État. En effet, aux termes du contrat État-STEG, l’État s'engage à compenser l'écart existant entre le prix de revient et le prix de vente (justifié par le maintien d’un tarif social) par des subventions d'exploitation. Malgré cet apport, la STEG a connu des déficits récurrents, déficits qui ne peuvent pas être imputés aux coûts mondiaux du gaz. La vrai raison de ce déficit est la hausse des coûts et des nouvelles charges au sein de la STEG.

Sous prétexte de lutter contre le chômage, nos gouvernements de transition sans imagination ni vision, se sont contentés d'assigner aux entreprises la mission d'intégrer de nouveaux diplômés. Conséquence : les coûts de personnel ont explosé.

Les pressions menées par les syndicats se sont traduits par des embauches massives à la pertinence douteuse. Jugez par vous même : en septembre 2011, 700 recrutements ont été effectués. Ce mouvement s'est poursuivit en 2012 et a concerné au total 1200 emplois administratifs et de jeunes diplômés (maîtrise et cadre), 2000 gardiens et 3000 femmes de ménages, soit un nouvel effectif à terme d'environ 15000 personnes.

Nous somme passés d'une politique d'embauche raisonnable et stable durant toute la période 2000-2010 (Avec environs 9200 employés), à une gabegie d'embauche totalement anarchique et suicidaire : +6700 emplois en 2 ans soit 73 % d'employés en plus !!!

Cela met la STEG aujourd'hui dans une situation délicate, où elle doit assumer la charge de plus de 15000 employés. En réalité, c'est le citoyen qui devra assumer la charge de ces emplois, qui se répercuteront sur sa facture, et cela malgré un service de plus en plus médiocre.

Car il faut bien savoir que de telles mesures, faciles et démagogiques, sont purement nocives et irresponsables. Elles n'ont aucun effet dans la lutte contre le chômage (qui concerne aujourd'hui 800.000 personnes), mais elles mettent en péril nos entreprises publiques ainsi que le pouvoir d'achat des citoyens.

Cette situation devrait conduire la STEG à rechercher d'autres sources d'approvisionnement énergétique plus stables et prévisibles, en particulier le développement des énergies renouvelables, déjà en cours. Malheureusement, on constate que le secteur des énergies renouvelables en Tunisie est en train d’être tué dans l’œuf par la STEG, et cela pour des raisons qui demeurent encore obscures.

Souvenons nous que le 15 juillet, les agents de la STEG (au nombre pléthorique) ont protesté contre la production d'énergies nouvelles et renouvelables, menaçant même d'une grève. Tout cela ayant pour conséquence de cadenasser la diversification des ressources et d’empêcher ainsi un allègement du coût de production de l’énergie susceptible de baisser le montant de la facture au profit du citoyen. Pourquoi un tel comportement irresponsable et antipatriotique ? C'est une question à laquelle il est nécessaire de répondre au plus tôt.

En effet, le gouvernement a concédé depuis 1994, une part de la production à la société Carthage Power Company (CPC). La part de cette unité s’élève aujourd’hui à 25% de la production électrique commercialisable. Les termes du contrat passé entre la STEG et le CPC sont largement en faveur de cette dernière, dans la mesure où la STEG s’engage à fournir à l’entreprise productrice le gaz nécessaire et à acheter la totalité de l’électricité produite. Selon le rapport de la cour des comptes de 2010, l’énergie produite par la CPC était inférieure à ce que stipule le contrat. 

Pour répondre à la demande croissante, la STEG a dû faire fonctionner des unités gazières à cycle simple, très peu efficientes, ce qui a fait perdre à la STEG plus de 38 MD. En même temps, la CPC n’a pas réglé les indemnités de non respect de ses engagements de production estimées à 14 MD. Il s'agit donc d'une perte totale de 52 MD que les citoyens tunisiens auront à assumer et dont personne ne parle.

Alors pourquoi la STEG s'évertue-t-elle à étouffer le secteur stratégique et porteur d’emplois de l’énergie renouvelable en Tunisie ? C'est une question sur laquelle il faut se pencher d'urgence, car la plupart des entreprises qui se sont lancées sur ce secteur, sont aujourd'hui au bord de la faillite. Mettant en péril des emplois, ainsi que l'avenir du secteur énergétique en Tunisie.

Devant une telle situation il devient nécessaire et urgent qu'une commission d’enquête parlementaire soit chargée d'ouvrir, en toute transparence, le dossier de la STEG, de relever ses dysfonctionnements et d'en reformer la gouvernance.

*Membre du Bureau Politique de Afek Tounes. Cette Tribune d'opinion ne reflète toutefois pas la position officielle du parti. 
31/07/2014 | 11:30
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