Ridha Charfeddine, homme d’affaires reconnu dans l’industrie pharmaceutique, député du parti au pouvoir et président de l’Etoile sportive du Sahel a été la cible d’une tentative d’assassinat qui l’a visé ce jeudi 8 octobre 2015, alors qu’il se rendait à son lieu de travail à Akouda, dans la ville de Sousse. Alors qu’il ne faisait partie ni des personnes visées ni de celles protégées par le ministère de l’Intérieur, la fusillade qui a touché ce matin cet homme aux multiples casquettes a suscité nombreuses théories quant aux motivations se cachant derrière.
« Je ne comprends pas, qui est Ridha Charfeddine pour être visé avec 30 cartouches […] je ne me sentais pas menacé, je n’ai pas d’ennemis ». C’est ce qu’a déclaré le principal intéressé aujourd’hui, jeudi 8 octobre 2015, suite à la tentative d’assassinat qui l’a visé ce matin alors qu’il se dirigeait vers son lieu de travail. Selon la version donnée par l’homme d’affaires, une voiture l’a suivi alors qu’il se dirigeait vers son bureau, sis à Akouda dans la ville de Sousse. Aux environs de 9h50 minutes, une voiture a commencé à tirer des coups de feu en direction de son véhicule et il ne s’en est rendu compte que lorsque les vitres se sont brisées. C’est à ce moment-là qu’il a compris qu’il était visé et qu’il a accéléré en se réfugiant dans son usine où il a contacté le ministère de l’Intérieur. 9 à 10 impacts de balles auraient été trouvés sur son véhicule, dit-il, et près de 30 coups de feu ont été recensés au total selon la version que lui aurait donné le ministère de l’Intérieur. Mais qui est au juste Ridha Charfeddine ?
Ce député de Nidaa Tounes, élu en 2014, n’est pas l’un des plus médiatisés de l’hémicycle. On ne lui connait pas d’interventions polémiques ni de prises de position qui a alarmé l’opinion publique. Ridha Charfeddine est surtout connu pour sa casquette d’hommes d’affaires et de président de l’Etoile Sportive du Sahel (ESS) l’un des principaux clubs sportifs du pays. Il est également à la tête d’une industrie pharmaceutique florissante dans la ville de Sousse où il est plutôt reconnu et apprécié.
C’est d’ailleurs alors qu’il se dirigeait vers son usine qu’il a été visé ce matin à bord de son Audi Q7 de couleur blanche dont les photos ont fait le tour de la toile et des médias ce matin. On évoquerait un règlement de comptes entre concurrents de l’industrie pharmaceutique. En effet, l’activité de Ridha Charfeddine ferait des jaloux qui en auraient après sa réussite. Il ne s’agirait donc, selon certaines sources, que d’une simple intimidation et non une réelle tentative d’assassinat digne de la mafia marseillaise. Une tentative d’intimidation qui cherche à « envoyer un message à des parties précises », selon l’ancien porte-parole officiel du ministère de la Défense, Mokhtar Ben Nasr, qui a soutenu dans une déclaration aux médias ce matin que le nombre de balles tirées prouvait incontestablement qu’il ne s’agit pas d’une tentative d’homicide mais d’une volonté d’envoyer un message aux parties auxquelles Ridha Charfeddine appartenait.
Quoi qu’il en soit, un cap a été franchi ce matin. Cette fusillade arrive, en effet, à point nommé dans un contexte plus que délicat. Le parti au pouvoir Nidaa Tounes [NDLR : auquel appartient Ridha Charfeddine] traverse une énième crise et le ministre Lazhar Akremi vient de présenter sa démission protestant contre une corruption qu’il n’arrive plus à combattre et un gouvernement qui ne tient plus qu’à un fil. Ajouter à cela la dernière vidéo diffusée par le journaliste et producteur TV Moez Ben Gharbia dans laquelle il se dit lui-même menacé et affirme détenir des informations « capitales » ayant trait aux assassinats de Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi, Tarek El Mekki et Faouzi Ben Mrad.
Plusieurs informations ont circulé depuis ce matin faisant état d’une participation importante de Ridha Charfeddine dans le capital de la chaîne de Moez Ben Gharbia, Attassia dans laquelle il serait un important actionnaire. Selon cette information, la tentative d’assassinat de Ridha Charfeddine serait donc fortement liée aux menaces pesant contre Moez Ben Ghabia et donnerait plus de crédit à la version soutenue par ce dernier quant à l’existence de mafias dans le pays. Mais cette approche a rapidement été démentie par Ridha Charfeddine qui a nié toute participation dans ladite chaîne malgré ce que soutiennent de nombreuses sources.
Du côté de Nidaa Tounes, on privilégie tout de suite la thèse terroriste. Le secrétaire général du parti, Mohsen Marzouk, s’est exprimé aujourd’hui sur Mosaïque Fm affirmant que «Les terroristes, qui ont tenté d’assassiner le député de Nidaa Tounes Ridha Charfeddine, ne réussiront pas à faire peur ni à Nidaa Tounes et ni au peuple tunisien » soulignant que les réseaux de terrorisme et ceux de la corruption sont liés. En effet, les experts sécuritaires ne cessent de le clamer : la ville de Sousse est la cible d’attentats terroristes compte tenu de sa position stratégique et de sa grande portée touristique. Des experts affirment, par ailleurs, que les terroristes sont pour la plupart originaires de la ville de Sousse et, plus particulièrement, de la localité de la Kalâa Kebira. Il se trouve que l’homme d’affaires est aussi originaire de cette même localité.
Une thèse qui rejoint celle de sa consœur Zohra Driss, cette autre députée de Nidaa Tounes et femme d’affaires notoire de la ville, dont l’hôtel a été la cible d’un attentat terroriste le 26 juin dernier. Mme Driss affirme en effet qu’il existerait un lien entre l’attentat de l’Impérial Marhaba et la fusillade de ce matin. « Une tentative de frapper Nidaa Tounes mais aussi la ville de Sousse », soutient-elle dans des propos rapportés par le journal Akher Khabar ce matin.
Il est en effet important de rappeler que Ridha Charfeddine est avant tout et surtout une personnalité éminente du monde des affaires à Sousse. Son usine emploie des centaines de personnes et son assassinat pourrait non seulement frapper le patronat tunisien mais aussi toucher la région du Sahel. On notera au passage que la ville de Sousse a également été le théâtre d’une fusillade qui a touché un lieutenant de police le 25 juillet dernier, ainsi que d’une explosion terroriste sur une plage touristique le 30 octobre 2013.
Personnage public de premier plan, Ridha Charfeddine est très aimé dans son milieu ainsi que dans la région du Sahel. Il est également à la tête de l’un des clubs sportifs les plus populaires du pays comptant des milliers de supporters. Portant une triple casquette à la fois politique, économique et sportive, tout ce qui pourrait lui nuire est donc de nature à créer un climat d’instabilité et de tensions dans le pays. Force est de reconnaitre que cette tentative d’assassinat, peu importe son dessein, vise à envoyer un message pour lequel Ridha Charfeddine semble être la cible idéale.
Synda TAJINE
