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Reportage - Youssef Chahed dans le bourbier Tataouine
28/04/2017 | 19:59
6 min
Reportage - Youssef Chahed dans le bourbier Tataouine

Il est 5 heures du matin et nous sommes le 27 avril 2017. À l’aéroport militaire de l’Aouina les troupes s’activent, elles préparent l’avion militaire qui doit assurer la visite annoncée du chef du gouvernement, Youssef Chahed à Tataouine.  Une journée qui s’annonce chaude, très chaude même, vu la situation insurrectionnelle dans le gouvernorat. Reportage.



 

Sept heures tapantes, le C130 atterrit à l’aéroport civil de Djerba avec à bord, la délégation officielle composée de 7 ministres et 3 secrétaires d’Etat ainsi que d’un groupe de journalistes. Commence aussitôt la mission qui les portera jusqu’à, Tataouine, « source d’eau » en berbère.

La première étape du périple fut à Bni Mhira, un village pauvre à une quarantaine de kilomètres du centre-ville de Tataouine. Arrivé sur place, le chef du gouvernement se fraye un chemin parmi la foule et, micro en main, il annonce la création d’une délégation. Bni Mhira devient donc, la huitième délégation du gouvernorat. Le village aura accès à des fonds en plus pour se développer.

 

 

L’équipe gouvernementale se rassemble de nouveau direction Ksar Aoûn, dans la délégation de Smar, où ils inaugurèrent un projet pour la production d’un produit chimique à base de sel, abondant dans la région, avec à la clé de nombreux postes d’emploi. Le cortège reprend la route.

Dans le bus des journalistes, il commence à faire chaud et les fenêtres fermées n’empêchent pas le sable orange et extrêmement fin du désert d’entrer. Nous nous dirigeons vers le siège du gouvernorat où M. Chahed devrait retrouver des représentants des « insurgés » basés à « El Kamour », qui bloquent les routes du pétrole du sud depuis plus d’une semaine.

Sur place, les journalistes sont nombreux mais la délégation du chef du gouvernement n’arrive toujours pas. On apprend plus tard qu’elle est partie les rencontrer à l’ISET de Tataouine, à quelques kilomètres de là.

 

 

Parmi les journalistes qui se trouvaient sur place, l’équipe d’Express FM et d’Assabah nous expliquent que eux, ils sont là depuis deux jours et que lors de leur visite au sit-in permanent d’El Kamour, ils se sont rendus compte de l’ampleur de la contestation. Ils y ont vu des milliers d’hommes, des centaines de véhicules tous-terrains, des tentes flambants neuves et des provisions, « de quoi tenir un siège ».

« Sur place on nous a pris à partie » explique une journaliste et ajoute « pendant de longues minutes on nous a interrogés, on nous a même dit quoi écrire ! On a eu de la chance car on nous a pas tabassés, des collègues, n’ont pas eu cette chance ! Ils n’aiment pas les médias, ils disent qu’on les dénigre ! On a vraiment eu peur car ils étaient menaçants et ce qu’ils revendiquent encore plus. 20% des revenus pétroliers et l’assurance que chaque société pétrolière, se trouvant sur place, mette sous contrat un membre de leurs familles »…

 

A midi, le cortège de Chahed arrive au siège du gouvernorat au milieu d’une forte présence des forces de sécurité et d’une centaine de manifestants scandant des slogans « révolutionnaires ». Un des policiers qui accompagnaient le chef du gouvernement explique au téléphone que la situation n’est « pas normale ». La tension était palpable !  

 

A l’intérieur de la salle de conférence, Youssef Chahed, est de nouveau accueilli par un petit groupe, qui scandait : « Errakh la » [On ne lâchera pas, Ndlr.] ou encore « travail, liberté et dignité nationale ». La régie lance alors l’hymne national, tout le monde se lève, ils seront les derniers à le faire.

 

 

Commence ensuite le discours du chef du gouvernement durant lequel il a rappelé la grande histoire de la région en matière de résistance contre le colonialisme, les difficultés auxquelles fait face la population et les promesses non tenues des gouvernements passés.

Vinrent ensuite la longue série de mesures urgentes que l’Etat a décidé de prendre en faveur de Tataouine. 64 en tout. Des mesures qui engagent l’Etat dans plus de 1000 projets et dans le recrutement immédiat de milliers de jeunes chômeurs. Chahed conclut scandant à son tour « Erakh la » !

Mais… rien n’y fait, notre petit groupe de personnes, parmi lesquels certains se tenaient debout sur une chaise, ont repris leurs hurlements, hystériques et incompréhensibles. On arrive malgré tout à décerner qu’ils veulent prendre le contrôle de « leur » pétrole.

 

 

La gêne s’installe ! Quelques minutes plus tard, depuis l’intérieur de la salle, on apprend que l’ambiance à l’extérieur est explosive. Youssef Chahed quitte précipitamment la salle. On ne le reverra que quelques heures plus tard à l’hôtel Dakyanus, avec son équipe. Il y sera rejoint par des représentants de différents partis politiques et des représentants de la société civile.

 

 

En même temps que se tenait la réunion au Dakyanus, on nous informe que, Imed Hammami, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, s’est de nouveau rendu au gouvernorat pour parler à certains représentants de la « société civile ». A 16h, nous reprenions la route pour Djerba avec le cortège. En route, différents barrages de manifestants qui lançaient des « dégage ».

 

 

Sur le chemin du retour, on se met à repasser les événements d’une journée sous haute tension. On a constaté l’impuissance des autorités face à un groupe bien organisé de jeunes qui, prétextant une situation de chômage, ont pris en otage un pan entier de l’économie nationale. Le constat est en effet déstabilisant. Dans la Tunisie de 2017, il suffit donc de barrer une route pour voir venir le chef du gouvernement et pouvoir de surcroit lui hurler dessus.

Le deuxième constat qu’on pourrait faire après cette journée est : la faible capacité de négociation dont est en train de faire preuve l’actuelle équipe au pouvoir. Si l’on pense également à la précédente affaire « Petrofac ».  Si cette situation n’est pas vite contrôlée, nous pourrions tranquillement penser que demain, les habitants de chaque région qui détient quelques ressources, s’insurgent pour prétendre à des pourcentages sur les revenus de l’Etat.

 

A l’heure où cet article est rédigé, les « insurgés » ou « fils des Fallaga » comme ils aiment se faire appeler, sont entrés dans un site « privé » de production pétrolière, se sont emparés des locaux et ont demandé aux travailleurs sur place de quitter les lieux. A Gabès, l’entrée de l’usine du Groupe chimique a été bloquée et à Kairouan plusieurs zones de la ville sont hors de contrôle. Jamais l’impunité dans ce pays n’a pris une telle proportion.

 

 

Reportage de Sofiene Ahres

 

28/04/2017 | 19:59
6 min
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Commentaires (14)

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Nephentes
| 29-04-2017 19:42
Monsieur Mohsen Ben Ali était quelqu'un de déterminé et voulait faire bouger les choses.

Il était confronté à de véritables mafias locales.incluant des notables locaux.

Il faut bien comprendre cela.

Ces mafias sont très puissantes, et les délégués du gouvernorat sont TERRORISES.

Les patrouilles de l'armée ferment les yeux.

Des convois de deux ou trois camions se baladent en plein désert à 19h ou 20h , en pleine zone saharienne, sans autorisation bien sur, et au vu et au su de l'armée

Il y a des collusions effrayantes dans le gouvernorat de Tataouine

Seule Ennahdha est (partiellement) acteur dans cet étrange délitement du pays.

Il y un accroissement du pouvoir et du rôle de parties liés à des services étrangers, c'est une certitude, pas un fantasme.

takilas
| 29-04-2017 14:37
Toutefois, ils font pitié d'avoir léchés les bottes de nahdha, alors que ces derniers se sont moqués d'eux et les ont utilisés comme appâts et boucs émissaires pour leur donner des voix de traîtrise et de l'indignité lors des élections, leur promettant monts et merveilles et tout en les incitant à provoquer les débandades et des perturbations, surtout lorsque Nahdha a perdu quand-même les législatives, et continuent tout de même de les utiliser à ce jour.
Et, puisque bénéficiant des arnaques et des connivences de la part de nahdha,ils continuent à se soumettre comme des esclaves à leurs ordres.
Pauvres de ces gens qui ont perdu toute la dignité qui fut la leur au début du siècle dernier lorsqu'ils furent accueillis avec les honneurs et le respect à Tunis.
Mais, contre toute attente, leurs petits-fils commettent des trahisons pour ceux qui ont respectés et ceux qui étaient mêlés humainement à leurs grands-parents, et ce pour tomber dans le piège de malfrats mafieux qui sont pourtant, devant leurs regards, venus de Londres, en tant que traitres réfugiés politiques.
Où est passé l'honneur des sudistes pour devenir les serviteurs de ces arnaqueurs milliardaires ?

Najib
| 29-04-2017 11:12
On comprend par antagonistes , des parties d'idéologies et de tendances en opposition de phase . Leur seul facteur commun est l'avidité de pouvoir . Ils se guettent l'un et l'autre et cherchent l'occasion d'asséner à l'autre le coup fatal . Cette attitude a été camouflée par les rengaines " dialogues nationales " , " gouvernement d'union nationale " et " liberté d'expression et de mouvement " . Si on fait le bilan des forces qui tiennent le pouvoir , on trouve un léger avantage pour celles qui tirent vers le bon sens . Cet avantage n'est , malheureusement , pas investi comme il faut pour éliminer ou contrôler les forces du mal . Tant que ces forces coexistent , la Tunisie , dans les meilleurs cas , restera à jamais au point mort . Un Etat gouverné par un tel amalgame d'organismes incompatibles , ne survivra pas longtemps . Ce qui s'est passé à Benguerdane ou récemment à Tataouine n'a rien à voir avec le développement ou le chômage , c'est en fait une altercation entre ces organismes.

Rationnel
| 29-04-2017 10:45
Les Tataouinis vont regretter de s'être laissé manipuler par le Qatar, Al Jazeera, Ennahdha et les autres partis qui souhaitent détruire la Tunisie comme ils ont détruit la Libye, la Syrie, le Yémen, et l'Irak. La Libye n'existe plus comme entité politique et son économie va s'effondrer mais la Tunisie n'aura pas le même sort, comme l'Egypte et le Maroc la Tunisie est un état-civilisation et non un état-nation ou une fédération de tribus donc elle survivra même si le gouvernement perd son autorité.

Le gouvernement devrait se retrancher et se concentrer sur les régions loyales comme ce fut le cas à travers l'histoire ( période Carthaginoise, Romaine, ou après les invasions des Banu Hilal ) jusqu'à l'émergence d'un bon leader qui saura rétablir l'autorité de l'etat.

Le retard des régions périphériques n'est pas limité à la Tunisie mais c'est un phénomène universel qui a influencé les élections aux USA (élection de Trump), UK (la Brexit), en France (le succès de Le Pen), ce phénomène va s'accélérer avec l'accélération des progrès technologiques et la globalisation. Personne n'a pu trouver une solution à ce phénomène. Les technologies de l'intelligence, du smartphone a l'intelligence artificielle, favorisent les privilégiés. Tataouine comme le reste de l'Afrique saharienne, est l'une des premières régions qui va souffrir les effets du changement climatique.

El Chapo
| 29-04-2017 09:38
Voilà donc le résultat de 6 années de gestion merdolutionnaire du pays qui a vu défiler des clowns et des chacals ainsi que des hyènes de toutes sortes et de toutes couleurs...

Et oui! comme vous l'avez bien mentionné dans votre article, chaque région réclamera sa part du gateau des ressources qu'elle détient car plus personne ne croit à ce gouvernement centralisé qui ne représente que ceux qui le meublent ...en gros, un gouvernement virtuel ...à la somalienne ... En plus de représenter les intérêts des bajbouj'hyènes et les créanciers qui le soutiennent: FMI, BM, Europe ....

Moi
| 29-04-2017 09:20
Il n' y a pas d'autres solutions, les gens qui bloquent l'économie tunisienne ne sont pas les amis de la Tunisie, il faut les brûler avant qu'ils ne réussissent à brûler ce pauvre pays....C'est une question de survie, prenez l'exemple sur ce qu'a fait Sissi. Si ce dernier n'a pas agit de la sorte, l'Egypte aurait pris le même chemin que l'Irak, la Syrie....

DHEJ
| 29-04-2017 09:15
Le GAMIN Chahed mauvais Ingénieur ne saura pas ouvrir le dossier de l'ETAP une entreprise dite NATIONALE DE "RACKETTAGE"!!!


Une entreprise avec la complicité de la MAFIA constituée d'avocat et d'experts comptables n'ayant aucune responsabilité sociétale envers TATAOUINE...


Oui mes concitoyens de Tataouine doivent réclamer leur part non pas du GAMIN mais de l'ETAP cette Entreprise Tunisienne ... qui ignore une partie de la Tunisie!

Hadj
| 29-04-2017 08:29
Bien avant le 14 janvier l'etat tunisien était visé par certains courants politiques qui nourrissaient l'espoir d'édifier un état conforme à leurs idéologies .ils trouvèrent dans ce qui s'est passé le 14 janvier 201lune excellente opportunité. Ce fût la mise en place de la fameuse constituante qui devait servir de cadre légal pour tout détruire mais c'était sans tenir compte de la société civile tunisienne qui a résisté et a fait avorter leurs projet funeste.ce qui se passe actuellement à tatouine et ailleurs est à placer dans ce cadre là. Les fausseilleurs de la tunisie dont les rangs ont été renforcés par les opportunistes de tout bord risquent de le remporter cette fois-ci


face à un Etat lessivé affaibli qui continue à recevoir des coups sans reagir!

Mohsen
| 29-04-2017 06:07
ca fait mal au coeur ce qui se passe a notre pays; ils sont en train de detruire l Etat - appliquer la loi ferme sur tous et surtout les gents qui exager et donne des informations erronees sur le dossier de petrole pour aggraver la crise... huile sur le feux Tunisia n'as suffisament de reserves se sont des petits champs marginaux qui n'attirent pas les grandes societes d investir ....it faut garder ce qu on a aujourdhui...

Halim
| 28-04-2017 22:08
Il n'y avait pas de pétrole...