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Chroniques
Renvoyé ou maintenu, Chahed a plus que jamais les mains libres
19/03/2018 | 16:00
5 min

Par Nizar Bahloul

 

La situation est des plus cocasses en Tunisie où l’on entre une nouvelle fois dans une période orageuse sans visibilité et cette incertitude sied parfaitement à plusieurs acteurs politiques.

L’incertitude du moment s’appelle Youssef Chahed et, au vu de ce qui s’est passé mardi dernier au palais de Carthage, on ne sait pas si le chef du gouvernement va être maintenu à son poste ou pas.

Le président de la République a décidé de nommer une commission pour fixer les priorités du gouvernement et c’est à la vue des décisions de cette commission que l’on saura si le gouvernement des 18 prochains mois sera conduit par Youssef Chahed ou un tartempion nommé par le palais et l’UGTT. En véritable loup politique, Béji Caïd Essebsi a réussi à « nous » faire avaler une belle pilule. Une commission composée de différents acteurs incapables de faire le ménage chez eux va « nous » dire ce dont le pays a besoin. Exit les expertises des plus grands analystes et économistes, exit les rapports de nos partenaires étrangers, exit les recommandations des institutions internationales, le rapport signé par l’UGTT, Nidaa et Ennahdha pèse plus lourd que toutes ces expertises réunies.

 

Face à ce véritable désaveu qui ne dit pas son nom, Youssef Chahed devrait se sentir fragilisé. D’un chef de gouvernement tout puissant, théoriquement numéro un de l’exécutif, il est devenu (depuis mardi dernier et théoriquement toujours) simple exécutant du Pacte de Carthage, dirigeant d’un gouvernement de gestion des affaires courantes. En pratique, il en est tout autre, paradoxalement.

Youssef Chahed depuis sa nomination, il y a 18 mois, n’a pas vraiment été ce chef tout puissant et numéro un de l’exécutif. Il était davantage un Premier ministre de BCE qu’un chef de gouvernement qui décide et assume seul ses choix. Étrangement, le désaveu qu’il a essuyé mardi ne l’a pas fragilisé et on dirait qu’il lui a plutôt donné de nouvelles ailes. N’ayant plus rien à perdre, il a du coup tout à gagner à passer en force.

Sur le plan de sa guerre contre la corruption, on remarque que les interpellations, les mises en examen, les convocations et les mandats de dépôt se poursuivent.  L’ancien ministre de l’Intérieur et ambassadeur Najem Gharsalli est convoqué par la justice et il est fort à craindre qu’elle le mette en examen. Le puissant syndicaliste UGTT Bouali Mbarki est convoqué dans une affaire dite d’espionnage. Chafik Jarraya, grand ami de Hafedh Caïd Essebsi et financeur de Nidaa est toujours en prison.

Bon à rappeler, les arrestations récentes d’un directeur puissant de la Douane, de deux conseillers de ministres à la Santé et aux Domaines de l’Etat, de hauts responsables de la BCT…

Sur le plan de la guerre contre l’informel, il a « osé » en fin de semaine frapper un superbe grand coup en signant le décret 236/2018 interdisant la cession des véhicules FCR avant un an de leur enregistrement en Tunisie. Cet avantage fiscal accordé aux Tunisiens de l’étranger est devenu un commerce à part entière dont profitent des contrebandiers au détriment des concessionnaires automobiles légaux.

De nouvelles amendes entrent en jeu pour lutter contre le stationnement et la construction anarchiques et la dégradation des biens publics grâce au décret 6/2018 qui entre en vigueur aujourd’hui.

Alors qu’il est « lâché » par plusieurs signataires du Pacte de Carthage, Youssef Chahed a multiplié cette semaine ses visites de terrain pour écouter les chefs d’entreprises et le peuple.

 

De tout cela, et depuis mardi, on peut dire que la réponse de Youssef Chahed a été celle du berger à la bergère. « Vous avez nommé une commission chargée de décider de mon sort ? Eh ben, je ne serai pas le « valet » des affaires courantes, je serai le chef qui décide et prends des mesures ! Vos avertissements depuis des mois et vos bâtons dans les roues ne m’intimident pas du tout, je continuerai à travailler jusqu’à la dernière minute ! »

Le message, à mon sens, est spécialement adressé à Hafedh Caïd Essebsi and co qui n’en peuvent plus de voir Youssef Chahed à la Kasbah. Il est celui qui a mis leur ami en prison, qui a empêché ses amis d’obtenir des postes de responsabilité, qui n’exécute pas les directives du parti, c’est un indiscipliné qui doit partir ! HCE a beau multiplier les manœuvres pour fragiliser Youssef Chahed (qui demeure le poulain de BCE jusqu’à preuve du contraire), il ne réussit pas à l’atteindre ! HCE a beau avoir accès direct et permanent au président de la République (grâce à son lien de filiation), il ne réussit pas à le convaincre. 

Il a beau essuyer du matin au soir les attaques frontales et sous la ceinture, il continue quand même à rester debout. N’ayant pas réussi à l’atteindre, ses adversaires s’en sont pris encore plus violement à son « gilet pare-balles » Mofdi Mseddi, mais sans plus de résultats. 

 

En 18 mois, Youssef Chahed a fini par obtenir une belle popularité en dépit des résultats mitigés et des chiffres qu’on présente (et qu’on peut habiller comme on veut d’ailleurs). Les Tunisiens savent que nul n’a de baguette magique et qu’il faut des réformes profondes pour s’en sortir. Ces réformes ont déjà été entamées et il y a des délais incompressibles pour obtenir leurs fruits, les Tunisiens le savent !

Plusieurs autres mesures nécessaires et impopulaires doivent être prises et le décret des FCR ne devrait pas déplaire à l’UTICA qui demande depuis longtemps ce type de décisions protégeant l’économie légale face à l’invasion et la sauvagerie de l’informel. Profitant du désaveu du Pacte de Carthage, Youssef Chahed devrait oser un nouveau coup dur à l’UGTT en décidant la fin de la séance unique estivale.

Supposé être sur un siège éjectable, sachant que l’UGTT et Nidaa veulent sa peau immédiatement, Youssef Chahed a paradoxalement les mains plus libres que jamais. C’est le moment d’enfoncer le clou en jouant à quitte ou double, tout en étant assuré qu’il sera gagnant à la fin. S’il reste, il aura réussi le formidable coup d’avoir résisté à la centrale syndicale et il pourra ainsi continuer son programme jusqu’aux élections de 2019. S’il part, il aura été celui qui a osé affronter la corruption et entamé les réformes profondes nécessaires au sauvetage du pays. Les Tunisiens sauront s’en rappeler lors des élections de 2019. Et même si les Tunisiens auront la mémoire courte d’ici là, les dividendes de ses réformes sauront la leur rafraîchir le moment venu.

 

19/03/2018 | 16:00
5 min
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Commentaires (20)

Commenter

Juste pour....(vous) dire
| 22-03-2018 13:19
Je tiens d'abord à vous remercier pour avoir publié tous mes commentaires dans leur intégralité, ensuite sachez que Bn est le journal que je parcours assidûment en premier et que jamais je ne pourrais en dire du mal, toutefois je tiens à vous signaler que l'interface, quoique intelligente, ne m'offre plus une lecture confortable (Des infos chronologiquement entremêlées, Images de calibres et de formes différents côte à côte, les infos du jours difficilement repérables, pages un peu trop lumineuses voire éblouissantes),

najibbik
| 21-03-2018 13:52
depuis un bon moment j'ai l'impression que monsieur le chef du gouvernement est entrain de faire mal quelque part !!!! peut que ce n'est qu 'une impression mais on remarquant les réactions de beaucoup de nos politiques je crois bien que c'est bien plus qu une impression et malgré que je ne souhaite pas etre a sa place je lui souhaite bon courage

TMT
| 20-03-2018 20:43
J'adhère largement à l'analyse de Mr Nizar et j'ajouterais que Mr Chahed a le grand mérite de faire bouger les dossiers les plus épineux que personne n'a osé ouvrir.
Seulement voilà,on a l'impression d'oublier les possibilités réelles de notre pays ,et cet excès de réclamations reste de loin sans commune mesure avec l'effort accompli.
En un mot,on a tendance à vouloir el khobza berda,c'est tout simplement triste....

TATA
| 20-03-2018 19:38
Je parie avec vous que BCE, RG et l'UGTT ne pourront jamais limoger Mr. Youssef Chehed même s'ils le voulaient! Pourquoi? la réponse est évidente!

Vous avez oublié plusieurs paramètres dans votre raisonnement!

observator
| 20-03-2018 13:22
-Normalement les pouvoirs du président et du chef de gouvernement sont définis par la Constitution..
-La faiblesse du dinar est essentiellement d'ordre structurel
et l'effet conjoncturel est très limité.

Dans l'Etat actuel des choses ou le pays est gangrené par le système mafieux, il est presque certain qu'un nouveau gouvernement pour les 18 prochains mois ne rapportera pas un plus, il y a même un risque qu'étant donné sa courte durée, ses membres seraient tentés à penser à leur arrières plutôt qu'à autre chose. Et donc coûtera plus cher aux Tunisiens d'où un risque d'alourdir la facture fiscale pour financer la prochaine loi des finances.
Ce sont presque les mêmes qui ont été à l'origine du gouvernement Chahed qui vont pondre le nouvel exécutif
On ne dit pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ?

Mabrouka
| 20-03-2018 09:32
L erreur de Youssef Chahed c est d avoir accepte de servir le couple infernal Caied Essebsi/Ghannouchi et de se soumettre a leurs desiratats au lieu d etablir un programme politique, economique et social de redressement tout en s entourant des meilleures competences Tunisiennes dans un gouvernement tres restreint en toute independance dans l exercice de leurs fonctions de redressement...Il a choisi et suivi la plus mauvaise des voies,prouvant sa totale incompetence et son manque d autorite a diriger un gouvernement.S il pense a 2019,plusieurs pensent qu il n aura aucune chance face des concurrents beaucoup plus aguerris et beaucoup plus competents que lui par leur experience nationale et internationales et leur savoir faire politique,economique et social,a moins que Ennahdha fasse le meme coup precedent en ne presentant aucun candidat en 2019 et appelle a le soutenir...le vote utile n aura pas lieu......:et comme l exprime Alain Berberian dans " La Cité de la peur ".
'On peut tromper une personne mille fois. On peut tromper mille personnes une fois. Mais on ne peut pas tromper mille personnes, mille fois.'?'

Elsa ben Amor
| 20-03-2018 06:55
Derrière tous les maux de la Tunisie on trouve toujours trois responsables : le destructeur du parti Nida HCE qui n'a pourtant aucune crédibilité auprès du peuple et aucun avenir politique et s'il existe maintenant sur la scène c'est uniquement grâce à son père , l'UGTT qui se trouve entre les mains de bandits qui ont détruit l'économie de part leurs milliers de grèves et l'ARP qui sont là uniquement pour servir leurs intérets personnels et s'en fichent épérdumment de tout le reste . Ces gens là ne cessent de mettre les bâtons dans les roues à chaque chef de gouvernement . Mais l'Historie retiendra que seul Chahed leur a tenu tête jusqu'à la fin et a bénéficié du respect de la majorité des citoyens tunisiens. Et s'il se présente aux éléctions de 2019 ? pourquoi pas ? Les candidats en lice ne seront pas plus compétents ou plus crédibles que lui .

Professeur de droit
| 20-03-2018 04:06
Un éditorialiste comme vous, se doit d'éduquer le nation, et de contribuer à forger l'esprit civique. vous ne devez pas encourager les citoyens dans leur penchant ancestral au désordre et à la confusion.
- Youssef Chahed est desavoué par ceux qui l'ont nommé, il devrait considérer que son mandat est fini. Il ne peut pas avoir les mains libres. il n'a plus des mains, point.
- Un premier Ministre n'a pas à etre libre( c'est le role du Président élu par le peuple). Le PM est en mission pour un parti ou une coalition de partis. Prétendre à la liberté (ça sonne bien) c'est en réalité se vautrer dans le désordre. s'il est en désaccord avec ce parti,c'est lui qui se retire, et s'il a raison, le peuple sanctionnera son parti aux élections. Le PM n'a pas à improviser des politiques personnelles.
Regardez, dans le désordre des commentaires, où conduit votre analyse (pour une fois totalement erronée).
- YC n'est pas Ben ali, il n'en a, ni les moyens, ni la légitimité (de l'époque).
- Il n'a pas à aller devant le parlement, ce qui serait une pure perte de temps pour le pays : il a été désigné à Carthage, il partira à Carthage, si on lui retire la confiance. C'est ça la dignité républicaine.
-des intervenants très brillants proposent meme qu'on le garde (sous-entendu meme s'il n'est pas bon) parce qu'il ne reste "que" 18 mois. Si c'est pour avoir le dinar à 5 euros dans 18 mois....
- Un bon gouvernement ramène la confiance dans les 100 jours. 18 mois, c'est 6 X 100 jours. Comme temps de récréation, ce serait un nouveau record mondial. C'est vrai qu'avec le yoyo du dinar, nous commençons à avoir du mal à compter...

SAMIA
| 19-03-2018 20:06
En économie, le dernier classement est B2, la Tunisie ne pourra plus s'endetter, c'est le début du naufrage,le gouvernement sera obligé de céder quelques biens de l'état pour couvrir les salaires des 60 000 voyous dont la majorité a été recrutée le temps de the troïka ..et les nahdhaoui s osent encore cretiquer ZABA et Bourguiba...malla rko3!
Les nahdhaoui s qui n'ont aucune compétence ..ils ont gouverné par une " forka w 3oud 7tab"!
Chahed ou no chahed ça changera rien ,en attendant le pire!

Mabrouka
| 19-03-2018 19:14
Mais il peut etre sur et certain qu il sera decu....les veritables capitaines de notre economie seront bientot sur le champs ou un grand chantier les attends,celui de sauver le pays de la situation desolante dans laquelle l a plonge la mauvaise gouvernance de Youssef Chahed.
Si Nizar Bahloul a interet de faire son travail de journaliste au lieu de faire la campagne de Youssef Chahed comme il l a fait par le passe pour Beji Caied Essebsi...un peu de neutralite vous grandira ya Si Nizar.