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Ramadan, la galère des non-jeûneurs !
16/06/2016 | 16:59
6 min
Ramadan, la galère des non-jeûneurs !

 

Ramadan est, du moins dans les préceptes, le mois de la piété, de la retenue et de la spiritualité. Dans nos contrées, ce mois est le théâtre de tous les excès, de toutes les incivilités et le paroxysme de toute l’hypocrisie qu’il est possible d’observer.


Comme à chaque mois de Ramadan, la Tunisie change de rythme et de visage. Nous n’allons pas dans ce papier nous attarder sur le manque de productivité qu’engendre ce mois saint, ni sur le lâchage de nerfs sur les voies publiques. Des phénomènes justifiés aux yeux de ceux qui profitent de cette aubaine pour exprimer toute leur violence et leur frustration.

Dans ce papier nous allons aborder un autre fait, récurrent, de plus en plus perceptible depuis l’avènement de la révolution, qu’est le calvaire des non-jeûneurs, ces « pêcheurs » qui doivent se cacher afin de ne pas offusquer ceux dont la foi vacille à la moindre vue d’une cigarette ou d’une tasse de café ou de ceux qui s’érigent en gardiens de la religion et du sacré.

 

Déjà l’année dernière, des agressions et des fermetures de cafés ouverts ont fait la Une des journaux. Nombreuses questions ont été soulevées sur le caractère légal ou illégal de ces fermetures, alors que le nombre de cafés et de restaurants ouverts pendant le ramadan, baisse considérablement.

Le ministère de l’Intérieur avait alors expliqué qu’aucun café ne peut rester ouvert pendant la période de ramadan en dehors des zones touristiques et commerciales identifiées par le ministère dans une circulaire transmise aux mairies. « Nous respectons la liberté de jeûner ou de ne pas le faire, mais il y a des mesures spécifiques durant le ramadan qui sont prises pour respecter nos concitoyens», avait-il souligné. Des mesures spécifiques qui ont aussi été appliquées cette année, notamment dans un café au Lac, qui a omis de couvrir ses vitrines « et ses clients ».

Ces fermetures forcées ont souvent pour argument la garantie de la sécurité pour les clients et les restaurateurs contre d’éventuelles « interventions » des « gardiens des bonnes mœurs et de la moralité », ils restent néanmoins, aux yeux de ceux qui les subissent, une atteinte aux libertés personnelles pourtant garanties par la constitution tunisienne.

 

En effet, dès son article 1er, reprenant celui de la Constitution de 1959, il est stipulé que «l’islam est (la) religion» de l’Etat et que «l’arabe sa langue». Il est toutefois affirmé dans l’article suivant que «la Tunisie est un Etat à caractère civil». Et que l’article 6 «garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes».

L’article 21 sur les droits et les libertés précise que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L’État garantit aux citoyens les libertés et les droits individuels et collectifs », et pourtant, il ne fait pas beau être non-jeûneur en Tunisie et les pouvoirs publics, fébriles, semblent avoir du mal à trancher sur la question et sur la définition de ce qui est « sacré ».

Il est vrai que la virulence des « gardiens de la moralité » peut faire peur aux restaurateurs, et d’ailleurs rares sont ceux qui ouvrent leurs locaux, aux Tunisiens de surcroit. Ceux-là s’exposent à des réactions de la part de fanatiques saisonniers, à l’instar du restaurant « Le palais » à Tozeur dont l’ouverture a suscité la colère de certains riverains qui ont exprimé leur mécontentement en brûlant des pneus et ont appelé les autorités à fermer l’endroit.

 

Le président du parti radical « Zaytouna », Adel Almi, mène de son côté, une campagne contre les établissements ouverts au mois de Ramadan. Il s’est rendu, il y a de cela quelques jours, accompagné d’un caméraman, au centre commercial Zéphyr à La Marsa, pour vérifier si le café du centre sert ou non des Tunisiens.

 

Contacté par Business News, Adel Almi, détient un discours aussi radical qu’à l’accoutumée. Il persiste et signe qu'« ouvrir les restaurants et les cafés au mois de Ramadan est une atteinte au sacré et encourage les jeunes à ne pas pratiquer le jeûne. Ces jeunes qui bravent l’interdit sont une proie facile aux satanistes qui menacent le pays » nous a-t-il affirmé !

« Tous ceux à qui nous avons parlé, nous ont affirmé qu’ils sont musulmans et que le manque de conseils et d’encadrement les a amenés à ne pas pratiquer le jeûne » a précisé Adel Almi, « l’Etat ne doit pas protéger la débauche et le pêché au risque de devenir un Etat foncièrement corrompu. Nos enfants sont menacés par l’endoctrinement des terroristes et l’argument d’un Etat mécréant serait un argument infaillible pour ceux qui veulent faire de nos enfants des bombes humaines » a-t-il souligné tentant toutefois, tant bien que mal, d’esquiver la question de la légitimité d’attaquer un pays « mécréant ».

Adel Almi nous a, en outre, fièrement confié qu’il s’est rendu aujourd’hui même dans un restaurant à Sidi Daoued pour constater que nombreux Tunisiens s’y sont rendus pour déjeuner. Tunisiens qui, interpellés, ont affirmé avoir voulu ne pas être là, mais que le manque d’encadrement les a entrainés sur le chemin du pêché promettant dans la foulée de se retenir à l’avenir. A la question de savoir « que faire des autres ? Ceux qui ne sont pas musulmans et qui l’assument ».  Il a estimé que « cette poignée de personnes devrait se terrer chez elles pour manger » !

 

Contre cette campagne, d’autres voient le jour, des groupes et des applications dédiés aux non-jeûneurs foisonnent sur le web, à l’instar de « Fater » ou de « Azguinou ». Ces groupes ont pour vocation d’informer les adhérents des lieux ouverts où ils pourront boire un café ou déjeuner. Souvent à des prix qui flambent, parce que le risque encouru en ouvrant ses portes au mois de Ramadan se paye.

Ainsi, la plupart des restaurants proposent leurs produits à des prix exorbitants et avec une qualité qui laisse souvent à désirer. Souvent les employés même des restaurants sabotent cette ouverture, rechignent à livrer ou à servir les clients ou encore leur préparent un met immangeable en guise de « punition ».  Pour un café ou un sandwich, les non-jeûneurs sont obligés de parcourir des kilomètres à la recherche d’un repas et de se cacher pour l’avaler.  

 

La Tunisie, démocratie naissante, prix Nobel de la paix, sur laquelle les regards du monde sont braqués, en est encore à réfléchir s’il faut ou non autoriser des cafés à ouvrir au mois de ramadan. La Tunisie dont l’économie est au plus bas, se permet le luxe de baisser les rideaux, une journée entière et un mois durant, pour « ne pas encourager au pêché et ne pas donner des prétextes aux terroristes », alors que la liberté des croyances est protégée par la constitution et que le pays compte dans sa population des musulmans, des musulmans non pratiquants, des juifs, des chrétiens et des athées qui n’en ont que faire de la question et qui ont un rêve commun, celui d’un pays uni et prospère.

 


Myriam Ben Zineb



Crédit photo : #Fater 


16/06/2016 | 16:59
6 min
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Commentaires (38)

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Mansour Lahyani
| 21-06-2016 18:57
Peu importe, Gg : pas de contrition ! La sagesse populaire tunisienne le dit très clairement : waqt iji elkhyr, yssed ! Me hasarderai-je à traduire : le Bien (i-e le positif, l'aide, etc) est toujours le bienvenu, quel que soit le moment où il se manifeste !
Bonne soirée !

Gg
| 21-06-2016 17:07
J'arrive 4 jours après la bataille!
Merci de votre amitié, les gestes et les mots d'amitié sont tellement précieux...

Mansour Lahyani
| 20-06-2016 10:26
Vous avez fait fort, cette fois : deux commentaires sabrés d'un coup, c'est encore plus fort que le tailleur qui a tué sept mouches d'un coup, d'un seul ! Au cas où vous ne vous en souviendriez pas, les voici :
***

Vous l'avez probablement décidé pour ne plus donner court à tant d'agressivité, mais il se trouve que cet immonde "Abel Chater" a déjà vu son post publié : pourquoi devrais-je être le sul censuré, d'autant plus que - vous l'avez lu - je n'ai pas l'intention de poursuivre cette polémique ! Alors, soyez "fair" et publiez ma réponse, SVP!

B.N : Le commentaire en question a été publié par erreur, le service de modération a fait le nécessaire dans les plus brefs délais, veuillez nous excuser pour les désagréments occasionnés. Merci pour votre compréhension.

Mohamed
| 19-06-2016 16:12
Qui pourrait me dire qui est ce monsieur qui conseille de se terrer chez soit? Mais de quel droit? Que nos députés aient l'odieuse erreur de l'article 1, ne donne pas le droit aux Tunisiens d'etre sots tels des anes! Nous sommes libres. Libres de nos actes, libre de pensées. Ras le bol de ces cortèges de bien pensants( lol) au nom de leur secte. OUVRONS LES YEUX. Bourguiba réveille toi!!!! Notre liberté va ) l'encontre de l'islam. Nous devons bruler tout ce qui va avec cette secte ou ils finiront de nous bruler le cerveau.

Skywalker
| 19-06-2016 12:53
Je ne veux pas rentrer ds le debat religieux je considere que chacun est libre en ayant qd meme un reproche aux jeuneurs. Si leur foi est tellement puissante pqoi se sentent ils dérangés si des cafes et restos sont ouverts? Par contre ce qui me sidere c'est que ds ce pays la gelere est tjrs reservé aux plus mal lotis...Si tu veyx casser la croute pendant ramadan t'est obligé ds 99% des cas d'aller ds des endroits ciblés situés ds les endroits chics! Donc tu paie le prux fort genre un sandwich chaud à 7 ou 9dt! Ce foutu pays favorise tjrs une classe et la mm d'ailleurs mm dans le "péché"..
Constat economique (je fais fi du religieux) les plus aisés travaillent et produisent car ont les moyens d'etre fattaras alors que les plus demunis touchent le fond physiquement et financierement, et creusent mm ds la vase....comment trouver un equilibre avec toys ce beau monde c aux intellos du forum de proposer des solutions...commencer par reamenager les horaires du ramadan est deja un bon pas...

Mansour Lahyani
| 19-06-2016 11:56
Je suis sûr que vous connaissez ce sentiment encore mieux que moi : il y a une véritable volupté à franchir les lignes rouges : elles ne sont là que pour être violées !
Malheureusement, celle-là ne donne que des sentiments qui manquent de, disons de piment, parce qu'on n'a pas forcément la jubilation de forcer un verrou : la ikraha feddin signifie qu'il n' y a pas de contrainte en matière de religion, et c'est le Coran lui-même qui l'affirme. D'autre part, Mohamed a reçu un avertissement sans frais : lasta alayhom bi mousayter signifie à peu près que nul ne t'a chargé de la mission de dictateur : ce n'est pas à toi de juger ceux qui enfreignent la règle. Et c'est adressé à Mohame !! Que dire alors de Almi et de ses nombreux émules ???
Quant aux hôtels qui ne servent pas à manger, m'est avis que vous ne vous êtes pas suffisamment fait entendre : on peut très normalement se faire servir à boire et à manger, même si le maître d'hôtel fait grise mine...
Excusez-moi, mais je ne suis pas du tout content de votre conclusion : « Vous me direz : n'y va pas! C'est ce que nous faisons :-) ! Non : :-( !!!

toto
| 19-06-2016 11:31
Dis moi petit morveux,toi tu as le droit d'epouser une gawria Allemande,et gg n'a pas le droit d'epouser une musulmane.Tu ridiculises encore une fois ta religion,vas te cacher.

Albatros
| 19-06-2016 10:44
message reçu ... hahaha ... bye bye

toto
| 19-06-2016 10:14
Quel que soit les religions:Judaisme, ou le Christianisme chacun est libre de pratiquer ou ne pas pratiquer,ce sont deux religions democratiques.Par contre si tu es musulman,tu es oblige de jeuner ou faire croire que tu jeunes sinon gare a ta tronche .Vous ne pourrez pas d'oter de ma tete que l'islam est anti democratique car il ne laisse pas a ses adeptes le libre arbitre.

Abel Chater
| 18-06-2016 23:44
Jouez avec le feu comme bon vous semble.
La colère du peuple vous poursuivra le long de toute votre vie et sur l'ensemble du territoire de cette terre sainte de la Tunisie.
Si tous ceux qui réclament le respect de leur religion musulmane étaient des "islamistes", donc sachez que tout le peuple tunisien est "islamiste" comme moi.