alexametrics
jeudi 25 avril 2024
Heure de Tunis : 16:35
Chroniques
Quand Papa part en voyage, les enfants se battent
30/05/2018 | 12:32
4 min

Par Marouen Achouri

 

Youssef Chahed s’est fendu, hier 29 mai, d’un discours incendiaire dont la partie prééminente était consacrée à une attaque en bonne et due forme du fils du président, Hafedh Caïd Essebsi. Le conflit larvé entre le fils spirituel et le fils biologique éclate au grand jour, le tout durant l’absence du père qui est actuellement à Paris.

Tout ou presque a déjà été dit sur le discours prononcé par le chef du gouvernement, Youssef Chahed. Un discours dans lequel il s’en est pris directement à Hafedh Caïd Essebsi l’accusant de tous les maux du parti Nidaa Tounes. « Nidaa Tounes ne ressemble plus au parti auquel j’avais adhéré en 2013 », c’est par cette phrase que Youssef Chahed a débuté son plaidoyer contre Hafedh Caïd Essebsi et « les leaders qui l’entourent », pour finir en disant : « Un courant réformiste est nécessaire au sein de Nidaa Tounes ».

 

Il est inutile de dire que Youssef Chahed, n’a fait qu’enfoncer des portes ouvertes en disant ouvertement ce que tout le monde sait déjà sur Hafedh Caïd Essebsi et son bilan catastrophique à la tête de Nidaa Tounes. Le plus intéressant est cette possibilité d’alternative évoquée par le chef du gouvernement quand il évoque un courant réformiste. La première question qui se pose dans ce cadre est la possibilité – ou pas- d’incarner lui-même cette alternative. Il est certain que plusieurs cadres historiques et fondateurs de Nidaa Tounes s’en sont éloignés depuis la prise de contrôle par HCE et ses acolytes. Ces cadres ne verraient pas d’un mauvais œil une reprise en main du parti par le fils spirituel de son fondateur, puisque le fils biologique l’a laminé.

Toutefois, se pose ici la question de la légitimité et du mécanisme. Par quelle légitimité Youssef Chahed parviendrait-il à prendre en main le parti ? Le fait qu’il soit chef du gouvernement ne suffit pas. Normalement ça aurait dû être l’inverse, de telle sorte que le chef du parti gagnant aux élections devienne chef du gouvernement. Mais le fameux « consensus » en a décidé autrement. D’un autre côté, il n’existe aucun mécanisme réel qui permettrait à Youssef Chahed de mettre la main sur le parti puisqu’il n’y a pas d’élection interne prévue.

Il était clair que l’évocation d’un courant réformiste et l’appel aux consciences sincères par le chef du gouvernement hier étaient une espèce d’appel du pied aux fondateurs et cadres de la première heure. C’était aussi un appel du pied à l’ensemble des déçus de Nidaa Tounes. Mais, le chef du gouvernement pêche par manque de précision et de contextualisation. Le cadre dans lequel une telle manœuvre s’opérerait n’est pas clair. Est-ce qu’on parle de l’actuel Nidaa Tounes ? Peut-on envisager la possibilité d’un nouveau parti qui serait fondé par Youssef Chahed ? Ou ce dernier pense à un genre de courant transversal à la Macron ? Autant de questions qui restent en suspens et dont les réponses doivent arriver assez rapidement pour pouvoir constituer le premier noyau d’une prochaine étape.

 

Quelle que soit la formule choisie, elle sera attendue par l’opinion publique et surtout largement soutenue par plusieurs personnalités politiques. Les premiers à soutenir un putsch qui viserait l’actuel leadership de Nidaa Tounes seront certainement ses fondateurs et ses cadres qui avaient refusé de travailler sous les ordres de Hafedh Caïd Essebsi, de Borhen Bsaïes ou de Samir Laâbidi. Une large partie de l’actuel bloc parlementaire de Nidaa Tounes verrait d’un bon œil l’éviction de leaders dont ils ont toujours contesté la légitimité. D’autres personnalités qui étaient impliquées dans le Nidaa Tounes d’avant 2014 pousseront également dans ce sens.

 

Youssef Chahed s’inscrit dans la ligne contestataire de Nidaa Tounes en critiquant sévèrement ses leaders actuels qui ont fait perdre au parti une grande part de son capital sympathie. Même s’il ne l’a dit qu’à demi-mot, Youssef Chahed se pose en alternative et invite les contestataires de Nidaa à faire front avec lui. Un appel parfaitement saisi notamment par Zohra Driss, qui a dit que Youssef Chahed a dit tout haut ce que tout le monde pensait, ou encore par Bochra Belhaj Hmida qui s’est interrogée ironiquement si « la bande de matérialistes comprendra sa place et partira ».

De l’autre côté, il est fort à parier que la riposte se prépare du côté de Hafedh Caïd Essebsi & Co. Ils seront dans leur élément puisqu’il s’agira de répondre dans le dénigrement et dans la petite phrase. Mais la grande inconnue dans tout cela est la position que pourrait adopter le président de la République. Béji Caïd Essebsi, valide-t-il tout cela ? A-t-il donné son feu vert pour qu’une telle guerre éclate ? Veut-il sauver Nidaa Tounes ou le laisser entre les mains de son fils ? Autant d’inconnues qui seraient pourtant déterminantes pour l’avenir de ce parti.

 

30/05/2018 | 12:32
4 min
Suivez-nous

Commentaires (4)

Commenter

Jasmine
| 30-05-2018 22:13
Ou plutôt "quand Papa est convoqué par la puissance tutélaire qui a décidé que le prochain président serait YC"... et qu'il faut arrêter de jouer avec les allumettes.

kameleon78
| 30-05-2018 19:18
HCE aurait dû être viré depuis son fameux coup foiré pour être député en Allemagne (Yassine Ayari), mais ce Parti n'est pas démocratique, impossible de virer le "petit" Sebsi. L'idéal serait que YC prenne en mains le parti Nidaa Tounès, mais comme Marouen Achouri l'a fait remarquer c'est l'inverse qu'on fait. Reste une solution, quitter le gouvernement et faire en sorte que Nidaa Tounès organise un Congrès électif par exemple l'été prochain et il serait le Président du Pari avec une candidature à la clé à l'élection présidentielle de 2019. Mais qu'en pense la famille Sebsi? That is the question.

DHEJ
| 30-05-2018 18:03
Mme HCE et mme Y.C!

DHEJ
| 30-05-2018 13:43
"Ardhal Al Omr"