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Quand la religion menace l’école de la République
02/06/2019 | 16:59
5 min
Quand la religion menace l’école de la République

 

L’enseignement et le système éducatif ont constitué, durant des années, la fierté de la Tunisie moderne. Sauf qu’aujourd’hui l’école de la République, acquis précieux de l’Etat tunisien, se retrouve menacée. Ecoles coraniques, écoles juives, séparation entre garçons et filles, suscitent ces derniers temps la polémique et semblent compromettre les bases de l'école républicaine. 

 

Le débat autour la réforme du système éducatif en Tunisie n’a jamais cessé, tout autant que la préservation de l’école publique face aux multiples menaces qui la guettent. Et c’est au plein milieu de ce débat que survient l’inauguration d’une école juive pour filles à Djerba, en marge des festivités du pèlerinage de la Ghriba qui se sont déroulées les 22 et 23 mai 2019.

S’étalant sur une superficie de 1300 m², cet établissement baptisé Kanfé Yona, dispose d’une capacité d’accueil de 120 filles.

« Ce projet a pu voir le jour par la contribution du grand-rabbin de Tunisie, Haïm Bittan, du président du Consistoire de la région française Alpes-Provence, natif de Djerba, Zvi Ammar ainsi que d’autres donateurs dont la Conférence des Rabbins Européens. Inaugurer une école juive de 1300 m² en terre d’Islam est exceptionnel », indique le conseiller spécial du grand-rabbin de France, Moché Lewin, en parlant de cette école.

Dans un pays qui se targue de la laïcité et de l’égalité entre les sexes, voire l’inauguration d’une école religieuse interdisant la mixité est le comble. Cela n’est en rien différent de l’affaire de l’école dite coranique de Regueb. On se rappelle du tollé général ayant suivi cette affaire. Une école inculquant des préceptes religieux à des garçons dans un lieu confiné, sans se conformer aux programmes éducatifs officiels. L’affaire de l’école de Regueb a fait couler beaucoup d’encre. Le directeur de l’école a été traduit devant la justice, et les enfants ont réintégré l’école publique bénéficiant d’un suivi psychologique particulier.

 

Ainsi, l’inauguration de cette école aurait créé un véritable scandale médiatique, sauf que le timing de l’annonce coïncide avec la fin du mois de Ramadan et la fin de la semaine, où la majorité des familles tunisiennes sont prises par les préparatifs de l’aïd, et les télés sont occupées par la gestion des concurrences et la diffusion des productions ramadanesques.

 

Cependant, les réactions à cette affaire n’ont pas tardé. Dans ce contexte, le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Sami Tahri a indiqué que « l’enseignement en Tunisie est public, unifié et civil. L’école juive des filles est hors la loi et son inauguration par un ministre du gouvernement Chahed est une violation de la loi et de la Constitution ».

L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) a, également réagi à cette polémique par le biais d’un communiqué affirmant son choc après l’inauguration de l’école juive pour filles à Djerba, ainsi que les déclarations du lobbyiste islamiste, Radwan Masmoudi ayant refusé la fermeture des écoles coraniques et appelé à la séparation entre les deux sexes dans les établissements publics. De par son attachement aux valeurs laïques et de l’égalité absolue entre les deux sexes, l’ATFD a appelé les autorités à assumer leurs responsabilités et prendre les mesures nécessaires pour défendre et préserver les écoles publiques mixtes de la République ; considérant qu’elles constituent la garantie contre les tendances extrémistes, radicales et religieuses.

L’association a appelé toutes les forces nationales à faire face aux pratiques ségrégationnistes et discriminatoires, rappelant que la mixité dans les écoles et dans l’espace public d’une manière générale constitue un acquis fondamental pour la vie commune basée sur le respect de la différence, de la tolérance dans le cadre de l’égalité.

Ce communiqué a fait réagir le lobbyiste islamiste, Radwan Masmoudi qui a démenti l’association affirmant « Je n’ai jamais appelé à la séparation entre les filles et les garçons dans les établissements éducatifs. Je n’ai jamais appelé à la fermeture des écoles mixtes, j’ai juste remis sur le tapis la question de l’ouverture d’écoles privées pour filles ou garçons ». Voilà, une manière déguisée pour relancer son appel à l’ouverture d’école séparant les deux sexes.

D’autres pages islamistes ont crié au scandale face à l’inauguration de l’école juive pour filles, critiquant l’approche des deux poids, deux mesures. Elles ont, également considéré, que s’il s’agissait d’une école islamique ou coranique, cela ne serait jamais passé sans que la société civile ne crie au scandale et affiche son indignation.

 

Il est toutefois important de mentionner que ce n'est pas René Trablesi qui a inauguré cette école. Le ministre n'était, en effet, même pas présent le jour de l'inauguration. D'ailleurs son département souligne bien dans un communiqué rendu public aujourd'hui qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle école mais d’un établissement neuf qui comportera un nombre de vieilles écoles privées impropres à l’exploitation et qui existent déjà dans le quartier juif ajoutant que l'espace n’est pas une école publique ou religieuse où des cours de sciences expérimentales, de mathématiques, de langues, d’histoire-géographie et d’éducation physique sont également assurés.

  

Il est clair que dès que la religion se mêle à un sujet ou un secteur, les complications et les problématiques font systématiquement surface. La place de la religion ne peut être que dans les lieux de cultes. Vouloir impliquer la religion dans la vie publique et politique ne peut que créer des situations d’amalgame et remettre en cause les acquis et les valeurs républicains.

 

Sarra HLAOUI

02/06/2019 | 16:59
5 min
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Commentaires (13)

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Abdelkader
| 03-06-2019 20:08
là où le bât blesse , c'est la remise en cause de la mixité !
Il ne s'agit pas de contester le droit des tunisiens de confession juive d'avoir leurs écoles , il s'agit de combattre la ségrégation hommes-femmes pratiquée " allègrement " par les orthodoxes .
Il est faux d'affirmer que ces écoles sont autorisées en Europe , vous confondez avec les écoles mixtes , certes religieuses mais mixtes , qui sont en effet autorisées .
Je pense que vous avez répondu à une question qui n'était pas posée .
Cordialement .

BORHAN
| 03-06-2019 16:46
Posons les bonnes questions :
- Pourquoi on ouvre une école coranique, juive ou chrétienne ?
- Que dit la législation nationale et universelle ?
De prime abord, je rappelle que dans notre pays, il y a eu toujours (et encore ) des écoles des soeurs. Aussi, assurer des cours de religion dans les mosquées, les synagogues est connu de tous surtout dans les petites villes et les villages où l'état à failli à sa mission de services publics.
Dautre part, je ne comprends pas tout cet acharnement envers la religion alors que dans les vieilles démocrates, l'enseignement religieux est autorisé.
En France, il existe des écoles religieuses, des collèges et lycées voire des universités agréés par les pouvoirs publics.
Alors, de grâce arrêtons d'interdire par mépris et par rejet,...arrêtons d'imposer le choix de ne pas choisir.
C'est tout simplement anti democatique et contraire à l'esprit de la DUDDH et à notre constitution qui garantit les droit les plus élémentaires de notre vie privée au quotidien.

Abdelkader
| 03-06-2019 12:32
Dans une école juive orthodoxe où la bible est considérée comme une vérité historique ?
Au nom de quel liberté de conscience dévoyée , devrions-nous nous accommoder d'un anachronisme , d'une ségrégation hommes-femmes , tant décriée en Israël même ?
En cautionnant ce genre d'écoles , nous ne rendons pas service à nos concitoyens juifs , encore moins à ces jeunes filles qui aspiraient certainement à autre chose .
N'adaptons pas notre discours pour ne pas heurter nos amis juifs , soyons cohérents !

Neutre.
| 03-06-2019 10:47
L'Islam n'a aucune objection à ce genre d'écoles ni même de réserve. S'il y a des malfaiteurs, ils seront jugés.

Abder
| 03-06-2019 08:51
J'aurais aimé lire l'avis de l'Association de la Défense des Minorités! Car la communauté juive en est une. Une minorité quelle qu'elle soit se sent toujours menacée dans son existence et il faut admettre que c'est dans son droit de chercher à se défendre ... et de la manière la plus pacifique, sans en rien troubler l'ordre public. En préservant son identité, son authenticité, son patrimoine culturel et civilisationnel, voire sa religion. Et c'est par la fille, la femme de demain qui en est le vecteur le plus approprié. En cela on est à mille années-lumière de la triste "école" de Regueb

Gg
| 02-06-2019 21:25
Vous avez raison, donc si on se fie aux articles de la Constitution qui, en principe, garantissent la liberté de conscience, tous les enfants, filles et garçons, de toute religion, doivent être accueillis par les écoles publiques. Et par conséquent l'enseignement d'une seule religion doit être proscrit, ou facultatif.
Oh je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, simplement je ne vois pas comment ce serait possible dans la Tunisie actuelle. Restent les écoles privées, mixtes, sous contrat avec l'état.

Maxula
| 02-06-2019 21:10
Comparer la nouvelle école juive de jeunes filles AVEC l'école coranique de Regueb, c'est au moins se payer de mots à bon compte !
Ne voir les deux "affaires" qu'à travers le prisme (biaisé en l'occurrence) de la religion, c'est pour le moins, un abus de langage si ce n'est un défaut de compréhension !
Si les différences "flagrantes" entre les deux écoles ne sont pas assez "criantes", je vais de ce pas vous les HURLER !
Si l'école de Regueb a beaucoup fait parler d'elle c'est que les élèves (et ce fut prouvé !), sous couvert de religion, ont été abusés sexuellement et que la finalité de l'enseignement dispensé n'était pas l'éducation ou la culture mais l'endoctrinement à des fins facilement imaginables !
Ce qui est loin d'être le cas de l'école juive pour filles, qui vont recevoir un enseignement normal et général, dans un cadre confessionnel tout à fait légal et autorisé par la législation actuelle !
De plus, on imagine mal ces filles juives se soumettant à un entrainement de type militaire ou recevant les rudiments de la confection des IDE et autres engins létaux !
Ces "différences" ne semblent pas convaincre les "laïcards" qui s'engouffrent dans la surenchère du plus royaliste que le roi !
Dans quel but ?
Faire le buzz ou souffler sur les braises de l'antisémitisme ?
S.H. devra-t-elle repasser par l'école.. .. ..de journalisme ?
Poser la question c'est y répondre !
Maxula.

angel
| 02-06-2019 20:45
Une école coranique pour garçon c'est tout comme une école juive pour fille. Pourquoi crier au scandale pour l'une et être tolérant pour l'autre? Je vous accordent que la Tunisie n'est pas un pays laïc comme on en rêve. mais en ouvrant la porte pour ce genre d'écoles, on se retrouvera submergé par des centaines de casernes d embrigadement pour les enfants. Et comme dit l adage tunisien lé t7el 3ine lé tou7el fi saden'ha.

Maxula
| 02-06-2019 20:23
"La meilleure constipation du monde est devenu une usine à gaz"

La constipation (meilleure du monde ou pas) ne peut donner que "des gaz" malodorants !
Mais c'est vrai que la "constitution" actuelle ne peut que donner des aigreurs d'estomac aux plus compréhensifs d'entre nous !
Maxula.

Maxula
| 02-06-2019 20:21
Je ne vois pas pourquoi BN choisit, pour illustrer son article, une photo d'école "française" de France, si j'en juge par les "couleurs" du drapeau français et le "bonnet phrygien" pour illustrer la laïcité ?
Sans parler des élèves, filles et garçons, pour illustrer "la mixité".. ..des écoles françaises !
C'est aussi vrai qu'on n'a rien d'équivalent en Tunisie pour illustrer "la laïcité" ou "la république", mais la mixité, si, à part bien sûr dans les écoles coraniques !
Maxula.