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Chroniques
Quand deux prédateurs politiques se rencontrent...
18/08/2013 | 1
min
Quand deux prédateurs politiques se rencontrent...
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Par Sofien Ben Hamida
Deux grandes raisons poussent à être sceptique et perplexe envers la rencontre entre le leader d’Ennahdha, Rached  Ghannouchi et le président de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, qui a eu lieu à Paris le 15 août 2013.

D’un point de vue strictement objectif, le fait que deux dirigeants des deux formations politiques les plus influentes se rencontrent est un bon point marqué pour le pays en ces temps de crise. Le président du Nidaa n’a d’ailleurs jamais cessé de dire qu’il tendait la main à ses adversaires.
Le fait que le leader islamiste accepte, enfin, d’entrer en pourparlers avec son principal rival est une bonne nouvelle.

Seulement, ils auraient dû tous les deux annoncer cette rencontre comme des braves, avant qu’elle ne s’ébruite et qu’ils ne soient contraints de l’avouer. C’est que dans cette rencontre parisienne, trop de points étaient inavouables.

A deux reprises au moins, cette rencontre aurait pu se dérouler à Tunis au cours des deux dernières semaines. Mais à chaque fois, les interférences négatives des deux camps, celui de Béji Caid Essebsi comme celui de Rached Ghannouchi, l’ont rendue impossible. Dommage, parce qu’elle aurait été une initiative nationale pure et par conséquent acceptable, louable même. Mais face à ces ratés répétés, il a fallu l’insistance de l’ambassadeur américain et du ministre des Affaires étrangères allemand, entre autres « observateurs » étrangers de la scène tunisienne, pour encourager les deux belligérants à contourner les réticences de leurs camps respectifs et se rencontrer loin des regards, dans une chambre à rideaux tirés, quelque part dans la ville des lumières.

Après l’accélération des événements en Egypte, beaucoup ont mis en garde contre le risque d’une internationalisation de la crise tunisienne si les acteurs politiques nationaux montrent une incapacité à aller vers un consensus national.  Cette ingérence ne peut servir que les intérêts de ceux à qui on a offert la possibilité de s’immiscer dans nos affaires au détriment des intérêts de notre pays. L’accord d’Ettaief n’a pas rétabli une paix réelle au Liban.  La déclaration d’Alger n’a pas rendu la Palestine plus indépendante. De même, un accord parisien ne construira pas une démocratie en Tunisie. Ne dit-on pas que l’avenir des pays se bâtit uniquement sur place, grâce à la volonté et à la sueur de leurs peuples ?

La seconde perplexité concerne le contenu même de la rencontre. Que Béji Caid Essebsi soit nommé président provisoire de la République jusqu’aux prochaines élections  n’est pas une mauvaise idée en soi. C’est un grand homme d’Etat capable de donner plus d’équilibre entre les pouvoirs et refléter une meilleure image de la Tunisie. Sur le plan personnel, c’est même le couronnement mérité d’une très longue et riche carrière politique.  Mais ce scénario qui existait avant le 23 octobre 2011 avait échoué du fait de l’alliance entre Ennahdha et le CPR. Revenir vingt mois après vers ce même scénario est plus un regard au rétroviseur qu’un pas vers l’avenir.

Que l’actuel chef du gouvernement soit flanqué de deux vice- premiers ministres limitera à coup sûr ses prérogatives. Mais Ennahdha aurait réussi intégralement son coup en faisant respecter par tout le monde les lignes rouges qu’elle avait tracées dès le début de la crise : ne pas toucher à l’ANC et garder Ali Laârayedh à son poste.

Dans cette perspective, Ennahdha aurait préservé son statut de parti au pouvoir, Béji Caïd Essebsi aurait exhaussé son vœu, l’opposition aura des portefeuilles ministériels en remplacement des ministres du CPR qui ne sont plus utiles aux islamistes et qui n’ont montré aucune compétence, loin s’en faut. Enfin, comme à son habitude, Mustapha Ben Jaâfar aurait réussi à tirer son épingle du jeu.

Hélas, d’un autre côté, dans cette perspective, nous sommes en plein dans la logique des quotas politiques et très loin de l’idée d’un gouvernement de salut national composé de compétences qui ne se représenteraient pas aux prochaines élections. Dans cette perspective, les assassinats politiques et les militaires égorgés auraient été des incidents de parcours. Dans cette perspective aussi, les centaines de milliers de Tunisiens qui ont bravé la chaleur et la peur, et qui se sont cassé la voix au Bardo depuis le 25 juillet dernier auraient été les dindons de la farce.

 

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18/08/2013 | 1
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