Par Houcine Ben Achour
Décidément, la communication gouvernementale ne semble pas faire de progrès. Elle est loin d’être efficace et convaincante. En revanche, elle est extrêmement fébrile, c’est le moins qu’on puisse dire. La gestion de la communication concernant le dernier ajustement des prix de l’énergie en est une nouvelle illustration. Certes, le gouvernement a bien choisi le moment pour introduire les augmentations des prix à la pompe, à la veille du match de la coupe du monde de l’équipe nationale contre la Belgique. La frustration née de cette augmentation serait vite oubliée devant l’énorme déception résultant de la débâcle footballistique du onze national en Russie.
Cependant, le gouvernement n’a fait que reporter la vague de mécontentement dans la mesure où il sera probablement amené à procéder à un nouvel ajustement du prix de l’énergie, au cours de l’été. Il ne serait pas étonnant que cela intervienne au cours du mois de juillet. C’est le ministère de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables qui le suggère ou plutôt le signifie. A cet égard, il convient de lire le communiqué du ministère publié sur sa page officielle Facebook et non pas dans le communiqué du même ministère publié à travers l’agence TAP. Dans le premier, il est indiqué en substance que, « afin de préserver les équilibres généraux du budget 2018, il a été décidé de limiter la subvention à l’énergie à 2,5% du PIB, soit environ 2 700 MD et cela nécessite un ajustement mensuel des prix de l’énergie ». Cette dernière nécessité a curieusement disparu du communiqué diffusé par l’Agence Tunis Afrique Presse. Or c’est cet escamotage de la vérité, cette autocensure, qui risque d’être politiquement préjudiciable pour un gouvernement ayant fait du principe de transparence et du parler-vrai ses chevaux de bataille.
Le principe de transparence et l’exigence du parler-vrai aurait dû amener le gouvernement à faire preuve de pédagogie pour convaincre l’opinion de la nécessité de réviser la politique de subvention à l’énergie car elle est devenue absurde parce que contreproductive. Que non seulement elle grevait dangereusement le budget de l’Etat mais qu’elle ne répondait plus à son objectif initial de développement industriel et d’amélioration des conditions de vie des plus démunis à partir du moment où le pays est devenu un importateur net d’énergie, en 2004, après avoir été durant des décennies un exportateur net d’énergie. On aurait dû, depuis, adapter la politique de subvention à l’énergie à cette nouvelle donne qu’est l’après pétrole. En 2008, Afif Chelbi, ministre de l’Industrie et de l’Energie à l’époque et actuellement président du Conseil d’analyse économique de la Présidence du gouvernement, avait introduit la fameuse formule de l’ajustement automatique des tarifs de l’énergie en fonction des variations des cours internationaux. Au cours de son mandat à la tête du ministère, plus d’une dizaine d’ajustements à la hausse ont été effectués, car il fallait satisfaire une triple contrainte : que la subvention à l’énergie ne dépasse pas 2,5% du PIB, qu’elle ne se situe pas au-delà de 33% du budget d’investissement de l’Etat et qu’elle se limite à 10% du budget général de l’Etat.
Le gouvernement n’aurait-il pas gagné à affirmer le retour à ces fondamentaux ? D’autant que les études effectuées en 2012 et 2013 sur les perspectives en matière de ressources énergétiques du pays et leur impact sur les subventions à l’énergie ont montré que ces ressources deviendraient de plus en plus rares et que l’objectif assigné aux subventions énergétiques a été totalement fourvoyé. C’est sur cette base que les pouvoirs publics ont élaboré une stratégie dite de transition énergétique à la suite d’un débat national sur l’énergie organisé en 2013 par Mehdi Jomaâ, alors ministre de l’Industrie et de l’Energie et qu’une véritable réflexion sur les subventions à l’énergie a été engagée.
La stratégie de transition énergétique a tôt fait d’être remisée dans les tiroirs du ministère de l’Energie et le montant de la subvention à l’énergie de battre des records historiques (3,7 milliards de dinars en 2013, l’équivalent de 85% du budget d’investissement ou 97% du déficit budgétaire et 2,4 milliards de dinars en 2014, l’équivalent de 50% du budget d’investissement ou 58% du déficit budgétaire). La dégringolade des cours mondiaux de l’énergie en 2016 et 2017 a reporté l’asphyxie budgétaire à 2018 avec la remontée depuis le début de l’année des prix du baril de pétrole et du gaz. En l’état, la subvention consacrée aux hydrocarbures sera de l’ordre de 4 milliards de dinars, un nouveau record historique, alors que le gouvernement n’y consacre qu’un montant de 1,5 milliard de dinars dans la loi de finances 2018. Quand bien même le gouvernement envisagerait de relever le budget de cette subvention à 2,7 milliards en 2018, cela rend inéluctable d’autres augmentations du prix public des hydrocarbures durant le second semestre de l’année. Peut-être même tous les mois, si un recul des cours de l’énergie n’est pas constaté, rendant péremptoire l’affirmation du ministre du Commerce à la radio Shems Fm selon laquelle le gouvernement n’a pas voulu dépasser les 75 millimes d’augmentation contrairement aux recommandations du Fonds monétaire international (FMI).
Cela étant, il ne fait aucun doute que tout ajustement de prix provoque une vague de mécontentement dans l’opinion. Cependant, il s’agit de savoir raison garder et, préalablement, se rappeler que la subvention à l’énergie tout comme la subvention aux produits de première nécessité ont été institué pour soutenir les ménages les plus démunis et non pas tous les ménages. Or que constate-t-on ? Selon une étude effectuée en 2013, plus des deux-tiers (67%) de la subvention à l’essence sont accaparés par les 20% des revenus les plus riches contre seulement 1% pour les 20% les plus pauvres. Près de 60% de la subvention au diesel est siphonnée par les 20% les plus riches contre 2% pour les plus pauvres. En ce qui concerne les subventions à l’électricité et au gaz, les ménages aux revenus les plus bas bénéficient de 13 % des subventions alors que les ménages aux revenus les plus élevés en bénéficient à hauteur de 29%. Enfin, et pour le GPL, 15% du total de cette subvention va aux revenus les plus bas, alors que les revenus les plus élevés en bénéficient à hauteur de 21%. Il est à noter que le diesel et l’électricité contribuent à la réalisation de bénéfices indirects par le biais d’autres produits consommés par les ménages, à savoir les biens dont la production nécessite l’énergie, comme la climatisation, le chauffage central, le congélateur, les multiples téléviseurs dans les maisons etc.
N’est-ce pas là un amer constat et un énorme gâchis qu’il convient de corriger ? N’est-ce pas cela que le gouvernement aurait gagné à mettre en avant au lieu et place d’user sempiternellement de l’argument budgétaire et de la variation des cours du pétrole ? D’autant que l’argument budgétaire peut être largement battu en brèche lorsqu’on constate le train de vie de l’Etat. Est-il encore possible aujourd’hui d’admettre qu’on puisse mettre à la disposition d’un ministre 3 voitures, l’une de fonction et les autres pour ses affaires personnelles, qu’un secrétaire d’Etat dispose de 2 voitures, l’une de fonction et l’autre administrative ; que le bénéfice des bons d’essence est octroyé à tout va et en litre d’essence ? Tout ceci suppose un accroissement de revenu à chaque ajustement de prix des carburants, etc.
Tout ajustement de prix à la hausse implique, tout en étant égal par ailleurs, à un ajustement de la consommation. En la matière, l’Etat ne devrait-il pas montrer l’exemple et faire œuvre de transparence et de vérité ?
Commentaires (7)
CommenterUn coup pour la question du coût!
La subvention de l'essence par l'Etat, c'est uniquement pour faire suer le burnous!
cout d'extraction ou d'acquisition de l'Equivalent pétrole du litre d'essence
+ cout du transport aux sites de traitement et du raffinage
+ Cout du rafiinage
+ Cout du transport aux sites de stockage et de distribution
+ Marge bénéficiaire de sociétés de distribution
+ Taxes
Quand on parle de subvention, c'est d'une intervention de l'Eat sur un des éléents de cette structure des prix
Si des détails de cout sont donnés on comprendra mieux de quoi il s'agit.
Comme le prix du pétrole a baissé depuis 2012, on est bien obligés de comprendre qu'en réalité il n'y a que deux hypothèses :
- soit que l'Etat subit un manque à gagner par rapport au volume initial des taxes sur l'essence
- soit que les finances publiques sont en déficit et que l'Etat utilise le secteur de l'énergie pour compenser nous
Dans les deux cas, c'est le citoyen qui paye et l'Etat ne fait pas mieux que les anciens colons : il fait suer le bur
NODDY LOSES SIXPENCE
Un prix et des coûts
si quelqu'un nous explique ceci
selon la loi de finance 2018 on a prix du baril 50$ et 1$ = 2.4 prix du litre 1800. par calcul 50 x 2.4 = 120.
le baril a baissé le prix du litre a augmenté et ils nous parlent toujours de subvention.
N.B 100milimes rapporte 1000 milliard / an
si quelqu'un nous explique ceci
précisions
Par ailleurs , nous avons une production ( elle est ce qu'elle est ) , je suppose que nous la revendons au prix du marché ! Pourquoi occulte-on ce détail ?