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Portrait : Maya Jeribi, figure d'endurance et d'espérance
05/12/2011 | 1
min
Portrait : Maya Jeribi, figure d'endurance et d'espérance
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Nous entamons une série de portraits, dans le but de présenter quelques unes des élues de la Constituante.
Nos 217 élus à la Constituante ressemblent pour la plupart aux communs des Tunisiens, c’est-à-dire «monsieur ou madame tout le monde». Les compétences, et les parcours diffèrent d’une personne à une autre. Les campagnes électorales ont plus porté sur les programmes des partis, les principes des indépendants ou les projets de constitution. Sur les 217 élus, 49 uniquement sont des femmes, dont on ne connait pas grand-chose. Alors, chères mesdames, membres de la Constituante, dévoilez-vous !

Une de ces femmes ardentes qui ont milité à l’époque où nous étions muselés, qui ont crié haut et fort leur droit à la liberté dans un pays où le cri de la liberté était étranglé. Maya Jeribi figure emblématique du Parti démocrate progressiste, a été le symbole de la femme tunisienne battante, courageuse et dévouée qui a osé défier le régime de Ben Ali.

Devenue aujourd’hui membre élue dans la Constituante, incarnant l’opposition tenace mais également l’opposition constructive, elle a, d’entrée, annoncé la couleur en présentant sa candidature pour la présidence de l’Assemblée nationale constituante même si elle partait «perdante». Un geste symbolique pour consacrer l’esprit démocratique et éviter la candidature unique.

Maya Jeribi, née en 1960 à Bou Arada, d’un père originaire de Tataouine et d’une mère algérienne, est biologiste de formation mais n’a jamais exercé en tant que telle. Faisant partie d’une génération de révolutionnaires et vivant dans un univers politisé avec un père Yousséfiste, Maya avait déjà, toute jeune, cette graine de militantisme en elle, qui se manifestait par son engagement dans la vie associative. Ayant poursuivi ses études supérieures à Sfax, elle a intégré la section sfaxienne de la Ligue tunisiennes des droits de l’Homme au début des années 80, tout en étant une fervente militante féministe.

Sa rigueur et son sérieux, elle les tient de ses parents mais également de ses enseignants et instituteurs, qui lui ont inculqué la discipline lors de son parcours académique.

Professionnellement parlant, elle a collaboré avec Hassib Ben Ammar en tant que journaliste dans son hebdomadaire indépendant, « Erray », connu pour être orienté vers l’opposition. Elle sentait en elle une énergie et une faim que ni la vie associative ni le journalisme n’ont pu assouvir. Il lui fallait un engagement politique et c’est là qu’elle croise le chemin du PDP. «Le PDP me ressemble, je m’y suis retrouvée», a-t-elle déclaré avec les yeux brillants d’enthousiasme et un sourire radieux. Elle a ajouté : «Il s’agit d’un parti qui incarne l’ouverture, un parti anticonformiste, qui dispose d’un franc-parler et d’une clarté qui lui donnaient une position d’opposant face à Ben Ali ».

Maya Jeribi s’est engagée avec le PDP et a pris part dans sa formation. Elle intègre le parti pour faire équipe notamment avec Ahmed Néjib Chebbi et en est devenue, par la suite, la secrétaire générale. «Ahmed Néjib Chebbi était charismatique et déjà connu dans la vie politique et le parti pouvait s’appuyer sur ses atouts. Nous sommes différents et complémentaires. Lui, il est la référence, le modérateur, alors que moi je suis tranchante». « J’ai du caractère, j’ai tendance à être rigide et catégorique dans mes décisions, alors que M. Chebbi est plus souple et plus diplomate, ce qui a créé parfois des tensions, mais sans gravité » a-t-elle ajouté. Elle avoue par ailleurs être assez sensible aux évènements qui l’ont touchée mais a déclaré pouvoir rapidement tourner la page.

« J’ai vécu l’avant révolution, la révolution et l’après révolution avec mes tripes! Après avoir été un mouvement de protestation, la révolution s’est radicalisée après le 14 janvier avec le sit-in de la Kasbah». Maya ne prétend pas avoir vu venir la Révolution, ni prédit le départ de Ben Ali, mais pressentait l’imminence d’un grand changement.

«Une fois l’euphorie liée à la Révolution dissipée, la réalité a frappé de plein fouet le Tunisien. Il était inévitable de passer par des moments de turbulences, une justice transitionnelle et une transition démocratique.» Selon Mme Jeribi, le gouvernement n’a pas eu la possibilité de mettre à l’ordre du jour la nouvelle démocratie, car la culture démocratique est un processus qui met du temps à se réaliser. Elle a ajouté : «On devait déconstruire les legs de la dictature, ensuite reconstruire, et, heureusement, qu’on a sur quoi bâtir, à savoir la bonté du Tunisien, le fond du Tunisien, tout un monde à mettre en place, au-delà du politique».

Venant aux élections, Maya a affirmé : « Nous avons bien vécu la campagne électorale, mais cette campagne était entachée d’une dynamique diffamatoire, avec la publication sur les réseaux sociaux de fausses informations et des manœuvres contraires à l’éthique politique».
Les résultats réalisés par le PDP, plutôt modestes par rapport à l’aspiration de ses sympathisants, reflètent selon Maya Jeribi qu’une catégorie devait être sanctionnée. «Ces résultats m’ont conduite à un vrai questionnement en tant que dirigeante : Où est la faille ? Comment pallier les lacunes de la stratégie du parti ? ». La prochaine étape pour le PDP en tant qu’opposant devra se baser sur une meilleure communication avec la masse populaire. « Il faut user d’un discours basé sur la rupture totale avec le passé. Il faut savoir parler au peuple, savoir l’écouter et répondre à ses attentes».

Regardant les horizons et l’avenir du pays, Maya Jeribi se déclare confiante. «J’ai confiance en ce peuple. On ne peut rayer deux siècles de réformisme et se cloîtrer dans les limites d’une idéologie rétrograde». Cependant, Maya avoue être inquiète pour les acquis démocratiques, qu’il faudra défendre, selon elle, sans se lasser.

Maya a clôturé en lançant un appel : «Il faut s’ouvrir vers toutes les directions pour servir l’intérêt national. Le pays regorge de compétences et à ces compétences de s’unir et de faire don de soi en faveur de la patrie».
05/12/2011 | 1
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