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Chroniques
Peut-on sauver le système de la sécurité sociale en Tunisie ?
20/03/2014 | 16:01
5 min
Par Mourad El Hattab*

Depuis l’indépendance, le système de la sécurité sociale dans notre pays a évolué de manière quantitative et qualitative et est devenu une base fondamentale dans la condition sociale. Actuellement, celui-ci connaît un contexte d’activité délicat au niveau du maintien de son équilibre financier et de sa pérennité. Essayons de voir dans quel environnement, il se positionne ? Quels sont les défis auxquels il fait face ? Et, par conséquent, quelles sont les réformes envisageables, dans ce sens ?

Les derniers résultats comptables publiés se rapportant aux activités des régimes de retraite de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), de la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) et de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) montrent un déficit global de 258 Millions de Dinars.

La CNRPS est la plus touchée en raison des charges de plus en plus accablantes aggravant son déficit devenu, absolument, structurel. L’appel aux avances de l’Etat est devenu incontournable pour le juguler et permettre ainsi à la caisse de s’acquitter de ses engagements.

Quant à la CNSS, les difficultés sont moins lourdes au moins à court terme à la faveur du volume, relativement, adéquat de ses réserves techniques. Cependant, sa solvabilité pourrait se trouver diminuée à moyen et à long terme et lesdites réserves pourraient être, probablement, consommées de façon conséquente d’ici 2015-2016.

Les menaces n’épargnent pas la CNAM mais avec moins d’intensité. Pour rappel, celle-ci gère le régime d’assurance maladie et fait face depuis son entrée en activité à des carences financières de moins en moins maîtrisables en raison d’un empressement alarmant de ses dépenses.

Vue globale
:

La sécurité sociale dans notre pays se base, strictement, sur la technique de répartition et elle est régie par trois caisses : la CNSS pour le secteur privé et qui gère la retraite, les allocations familiales et le capital décès, la CNRPS pour la fonction et le secteur publics et qui administre la retraite et le capital décès et la CNAM pour les secteurs privé et public et qui régit en plus de l’assurance maladie, l’indemnité de maladie, de couche et les accidents de travail et les maladies professionnelles.

La CNSS compte un effectif d’assurés sociaux en activité et des pensionnés avec un rapport démographique qui ne cesse de glisser d’année en année (3,9 en 2011). Celui-ci est réparti sur huit régimes, dont le plus important est le régime des salariés non agricole nommé régime général.

Pour sa part, la CNRPS présente un rapport démographique nettement plus faible et qui risque de diminuer encore plus au vu des résultats financiers négatifs du régime général de retraite qui présente une offre de prestations défaillante en pourcentage et en volume.

La situation difficile du système dans son ensemble est due au faible recrutement depuis deux décennies, au désengagement de l’Etat de son rôle de régulateur sur ce plan, à la privatisation de masse des entreprises publiques et enfin à la mise à la retraite d’un effectif pléthorique d’affiliés en vertu de programmes anarchiques de retraite anticipée.

S’ajoute aux facteurs précités, le faible flux des cotisations et du recouvrement constaté depuis des années pour plusieurs régimes. Par ailleurs, le déficit structurel de la CNSS s’aggravera pour atteindre 35 800 Millions de Dinars en 2050, il sera de 25 600 Millions de Dinars pour la CNRPS et ce, selon les données extrapolées d’études élaborées conjointement par L’UGTT et différents organismes internationaux spécialisés.

Perspectives envisageables de réforme:

Face à un désastre imminent prenant la forme d’une spirale infernale de pertes cumulées, plusieurs officiels ont proposé des solutions expéditives pour assurer la continuité de l’aspect liquide du système et ce, à travers deux propositions, soit l’allongement de l’âge de la retraite, soit l’élévation des taux de cotisations. A priori, l’effet de telles mesures ne sera que minime, même à court terme, vu l’ampleur et la continuité vertigineuse du rythme des déficits.

Pour mémoire, rappelons que les départements de la sécurité sociale et des études, le Bureau International du Travail et l’UGTT ont travaillé en parfaite collaboration, durant des années, pour préparer une étude prospectiviste traçant le devenir des systèmes de la sécurité sociale en Tunisie à l’horizon 2030 et qui est apparue en 2005.

Cette étude a illustré l’importance de préserver le système de la répartition et a montré les limites de la capitalisation des cotisations et des systèmes complémentaires pouvant offenser, gravement, le pouvoir d’épargne dans notre pays ce qui nuirait, certainement, à la cohésion sociale et menacerait l’équilibre et la stabilité de la société. La démarche globale s’est fondée sur une réforme purement paramétrique.

Par ailleurs et dans le contexte actuel et compte tenu des premiers éléments des analyses faites, sur ce plan, dynamiser le recouvrement des recettes, procéder à des redressements approfondis et réviser la position du système de sécurité et de prévoyance sociale des travailleurs dans le secteur forfaitaire voire même l’intégration de ceux du créneau de l’économie souterraine sont des remèdes qui allégeront les besoins pressants de liquidités.

Dans une étape ultérieure, préparer des notes et des rapports périodiques d’information sur l’évolution de la situation des caisses, la revue des textes législatifs relatifs à la sécurité sociale et aux régimes des accidents de travail et des maladies professionnelles et la collaboration avec les parties prenantes pour le suivi de la situation dans les différents secteurs sont des démarches incontournables de veille et d’ajustement des défaillances à moyen et à long terme.

Ces constats ont conduit plusieurs spécialistes à approfondir les analyses pour proposer des pistes de réformes distinctes. Certains demandent la fin des exonérations de charges accordées à certaines catégories entreprises, d’autres optent pour la mise en place d’un forfait social qui élargit les contributions sociales à des rémunérations directes ou indirectes exonérées de cotisations sociales classiques.

D'autres mesures ont été également abordées, comme le basculement du financement de la sécurité sociale des cotisations sociales vers une « Taxe sur la Valeur Ajoutée Sociale » afin d'asseoir le financement sur tous les échanges et non pas sur le seul travail salarié.

Il faut reconnaître que contrairement à ce qu’on avance, actuellement, en Tunisie, la résolution du problème passe, inéluctablement, par un consensus entre les partenaires sociaux. Le rôle de l’Etat pour assumer sa part dans le déséquilibre demeure prépondérant.


*Spécialiste en gestion des risques financiers
20/03/2014 | 16:01
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