Pérégrinations estivales
Les mesures appelées de ses vœux par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, en faveur de l’égalité dans l’héritage et la légalisation du mariage entre une tunisienne et un non musulman, n’ont pas seulement suscité un vif débat qui a révélé des clivages inédits transcendant les clivages politiques traditionnels. Les positions divergent au sein des partis. Au sein d’Ennahdha, ce qui est curieux. Au sein des partis dits modernistes, aussi, encore plus curieux. Elles ont, malheureusement, occulté des mesures tout aussi importantes sinon plus car elles répondent aujourd’hui à des exigences du futur.
La population féminine croîtra plus rapidement que la gente masculine au cours des 10 prochaines années, selon une étude de l’Institut national de la statistique (INS) intitulée « Les projections de la population tunisienne 2014-2044 » d’où il ressort que le croît démographique des femmes entre 2017 et 2027 serait de 11,3% contre seulement 8% pour les hommes. Une situation qui signifie qu’en 2027 la population en âge de travailler sera largement dominée par les femmes. Tout comme aujourd’hui la population en âge de travailler est dominée par les jeunes pour lesquels, malheureusement, on n’a pas réussi encore à répondre efficacement à leurs attentes d’emploi, cette même problématique va se poser concernant l’emploi des femmes dans une décennie. Cela ne donne-t-il pas plus à réfléchir et débattre sur ce sujet que sur celui de l’égalité dans l’héritage ou le mariage. D’autant que cette égalité découlera d’elle-même si on s’attèle dès aujourd’hui à répondre aux défis, demain, de l’emploi des femmes.
Visiblement, le gouvernement Chahed a pris conscience de cette problématique qui s’imposera de plus en plus durant les années à venir. Mieux, il y répond. L’allongement de la durée du congé de maternité, ainsi que celui du droit à l’heure d’allaitement sont de nature à permettre à la tunisienne de demain de concilier plus avantageusement les contraintes familiales et les exigences professionnelles. Aujourd’hui, le taux de chômage féminin dépasse les 22%. Il risque d’afficher une proportion autrement plus importante et inquiétante à l’avenir alors même que cette catégorie de la population est de plus en plus instruite. Ce serait un véritable gâchis de ne pas chercher à offrir à lui offrir dès aujourd’hui de meilleurs perspectives d’emploi demain. Il ne faut pas s’en cacher, c’est cette population qui déterminera notre niveau et rythme de croissance économique à venir.
Croissance économique, le sujet fait aussi l’actualité estivale. Le rythme de croissance au cours du 2e trimestre ne réjouit, ni n’alarme. L’économie du pays demeure sur un trend qui ne lui permet ni de créer le volume d’emploi suffisant pour infléchir la courbe du chômage, ni de réduire significativement le taux d’endettement. Avec un taux de croissance au premier semestre de 1,9%, l’objectif d’afficher 2,5% en année pleine semble s’éloigner inexorablement. Maintenant, on prévoit un taux de croissance économique annuel de 2,3%. Les performances de croissance au cours du 2e trimestre 2017 ont été plus faibles que le premier trimestre de l’année. Et encore. Car, cette fois-ci et une fois de plus, l’INS a fait des siennes, en révisant à la baisse le taux de croissance du PIB du premier trimestre de 2,1% à 2%, en raison d’une mauvaise estimation de l’évolution de la valeur ajoutée du secteur agricole dont le taux de croissance au premier trimestre n’est plus de 4,9% mais de seulement 4,1%. Ce même secteur agricole affiche une croissance de 3,8% au second semestre alors que l’on pouvait s’attendre à beaucoup plus compte tenu des promesses de résultats de la campagne céréalière. Certes, on estime que l’évolution poussive de l’activité agricole va être compensée par une bonne reprise de l’activité touristique. Toutefois, cela serait-il suffisant alors que l’activité des industries non manufacturières affiche un recul préoccupant de -5,6% au 2e trimestre 2017 et de -2,6% sur le premier semestre ? Il faudra, cette fois, attendre les résultats de croissance du 3e trimestre et les profils d’évolution sectorielle pour être définitivement fixé. Ce sera également le cas pour les finances publiques dont les clignotants demeurent dans le rouge. A la lecture de l’état d’exécution du budget au 1er semestre 2017, le déficit budgétaire s’est creusé à un rythme qui ne laisse aucun doute sur le fait qu’il dépassera la limite fixée à 5,4% en fin d’année. Plus alarmant, les avoirs nets en devises sont en train de fondre comme boule de neige sous le soleil. Depuis le début de l’année, les réserves en devises du pays sont délestées de 100 MD chaque mois en dépit d’une dépréciation progressive du taux de change du dinar.
La rentrée sera vraiment incertaine.