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Chroniques
Pas de délai de grâce pour Marouen Abassi
01/03/2018 | 16:00
3 min

On a coutume de constater que tout vainqueur d’une élection bénéficie d’un certain délai de grâce, état de grâce lorsqu’il s’agit d’une joute électorale d’importance. Cela ne semblera pas être le cas pour Marouen Abassi, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Non point qu’il lui faille résoudre ce pourquoi l’ancien gouverneur dut être écarté ou poussé vers la démission, mais de remettre au goût de la rigueur la politique monétaire et de change conformément à sa politique de ciblage de l’inflation.

 

Lors de ses deux dernières réunions, le Conseil d’administration de la BCT avait décidé, non sans se faire violence, de maintenir inchangé son taux directeur alors même que les tensions inflationnistes étaient manifestes, compte tenu du déséquilibre entre l’offre et la demande dans la sphère réelle mais également de la hausse du volume des billets et monnaies en circulation d’une part et du volume de refinancement des banques par l’institut d’émission d’autre part, alors que le rythme d’évolution des dépôts auprès des banques enregistre une quasi-stagnation. La décision de l’autorité monétaire renvoyait probablement à une double nécessité : d’une part de ne pas freiner une fragile reprise de la croissance économique et d’autre part de ne pas bousculer dès sa naissance la nouvelle courbe des taux mise en place par la BCT, courbe censée fournir une meilleure visibilité aux opérateurs, en termes d’épargne ou d’investissement.

 

Marouen Abassi maintiendra-t-il ce cap ? Rien n’est moins sûr compte tenu de certains paramètres. A la fin février 2018, le volume global du refinancement des banques par la BCT affiche un nouveau record à plus de 12,2 milliards de dinars tandis que, dans le même temps, les disponibilités monétaires en circulation atteignent également les 12 milliards de dinars environ. Une situation qui n’a pas apaisé pour autant les tensions sur le taux du marché monétaire (TMM) qui affiche 5,60%, dépassant ainsi le plafond du corridor dans lequel il est censé évoluer, et attisant en conséquence les tensions inflationnistes d’origine monétaire. Après 6,9% en janvier, 6,3% en décembre 2017 et même 5,5% en septembre 2017, l’indice des prix à la consommation familiale (IPC) devrait enregistrer, en glissement annuel, une hausse de plus de 7% en février 2018 malgré les soldes qui ont caractérisé cette période. Or, ce dérapage n’est pas sans conséquence sur  le creusement du différentiel d’inflation avec les partenaires extérieurs du pays et partant sur le taux de change du dinar, indépendamment du gonflement du déficit commercial et de l’élargissement du déficit des paiements courants.

 

Ce n’est d’ailleurs pas là le seul dossier qui attend le nouveau gouverneur de la BCT. Un autre, tout aussi épineux est également inscrit dans l’agenda de Marouen Abassi : la prochaine sortie sur le marché international pour une levée d’emprunt de 1 milliard de dollars. Cette sortie constitue un véritable casse-tête. En tout cas, on l’appréhende fortement. Déjà que le FMI tarde encore à entériner la 3e revue-programme ouvrant la voie au décaissement d’une tranche supplémentaire du crédit mobilisé en faveur du pays, ce qui n’est pas sans peser sur les conditions d’emprunts, les épisodes de mise en ban du pays pour le laxisme de sa politique fiscale et l’incurie de sa politique de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme par son principal partenaire économique et financier risque de rendre encore plus hasardeuse cette sortie, pourtant inévitable.

Il ne manquerait, pour assombrir le tableau, que l’entrée dans la danse des agences de rating. Une équipe de l’agence Moody’s est actuellement en Tunisie pour actualiser la notation de la dette souveraine du pays. D’ores et déjà, elle a pointé du doigt les persistantes faiblesses des fondamentaux du secteur bancaire. Est-ce que les perspectives de croissance économique du pays, une campagne agricole qui s’annonce prometteuse, un secteur industriel manufacturier qui reprend progressivement ses parts perdues de marché extérieur et un secteur touristique qui affiche de nouvelles ambitions, constitueront un contre-argument efficace ? Il faut l’espérer. D’autant que c’est le seul atout qui pourrait séduire ceux qui sont encore intéressés à prêter à la Tunisie.

 

01/03/2018 | 16:00
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