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Chroniques
Nous sommes le 7 novembre, l'optimisme est de mise
07/11/2016 | 15:59
7 min

 

A l’actualité cette semaine, l’assassinat de Saïd Ghozlani par les mains du groupe terroriste dit « Jond el Khilafa » (soldats du califat). Paix à l’âme de ce caporal-martyr de l’armée tunisienne sauvagement tué chez lui devant sa mère ligotée. La lutte contre le terrorisme se poursuit et nous le vaincrons !

L’autre actualité cette semaine, les débats autour de la Loi de finances qui pullulent partout. Tout le monde met la main à la pâte, chacun y va de son analyse, de ses suggestions, de son opinion sur ce que doit être cette loi. Ça va dans tous les sens, avec des idées qui feront jalouser libéraux aguerris et communistes perdus. Du côté des avocats, une réunion s’est tenue avec l’administration des Finances et il semblerait qu’il y ait une solution en vue. Leur bâtonnier a donné le mot d’ordre : on calme le jeu. Que faut-il comprendre ?

Ce sera le véritable examen pour le gouvernement. S’il se rétracte et légifère dans le sens d’une discrimination fiscale entre les avocats et le reste des contribuables, c’en est fini pour le développement du pays, la lutte contre l’informel et l’illégalité. Il est impératif que le gouvernement use de fermeté envers les corporations récalcitrantes pour une égalité parfaite entre les citoyens. Si quelques corporations méritent des avantages particuliers liés à leur profession (et c’est le cas des avocats dont certaines revendications sont raisonnables) que cela soit établi en toute transparence et a posteriori. En clair, payez vos impôts comme tout le monde d’abord, exigez vos légitimes privilèges ensuite !

 

En attendant que Youssef Chahed tranche sur ce dossier, la lutte contre la contrebande continue. Ici et là, on entend ces temps-ci parler de descentes dans des dépôts de marchandises entrées illicitement dans le pays. Pas si illicitement que cela, car il faut bien quelques complicités dans l’appareil de l’Etat pour que ces contrebandiers puissent importer puis écouler impunément leurs produits qui vont du carburant aux cigarettes en passant par les stupéfiants et les armes. Il a été dit que la lutte contre la corruption sera plus dure que la lutte contre le terrorisme. Rien n’est plus vrai quand on voit l’application sur terrain des décisions de fermetures et/ou de démolitions de constructions anarchiques et commerces illégaux ou des décisions d’attaques de dépôts ou points de vente de produits de contrebande. Comment expliquer ainsi que les descentes se multiplient et l’ordre revient dans certains gouvernorats comme Kébili ou Tunis et que l’on ne voit absolument rien de concret dans d’autres gouvernorats comme celui de l’Ariana, en dépit des sommations et des deadlines fixés ?

« Parce qu’il y a toujours un coup de fil d’un député, d’un ministre ou d’un secrétaire d’Etat au gouverneur pour ménager tel ou tel commerçant. Parce qu’il y a toujours un coup de fil d’une personnalité politique pour intimider un haut cadre de l’administration afin d’obtenir un passe-droit. Sans parler de ces milliardaires qui allongent des sommes importantes pour que l’administration ferme les yeux… La lutte contre la corruption commence par là. Il faudrait arrêter avec ces intimidations des hauts fonctionnaires qui veulent appliquer la loi. Il faudrait regarder de près ces hauts fonctionnaires et ces personnalités politiques dont les richesses et le train de vie dépassent largement leurs revenus officiels. C’est pour ça que l’on dit que la lutte contre la corruption est plus dure que la lutte contre le terrorisme. Quand on veut arrêter un terroriste, tout le monde vous soutient. Quand on veut en finir avec un corrompu/corrupteur, il y a toujours quelqu’un qui s’interpose ! », observe un avocat bien au fait du fonctionnement de l’administration tunisienne.

 

Nous sommes le 7 novembre 2016. Il y a 29 ans, le Premier ministre Zine El Abidine Ben Ali opère un coup d’Etat sans une goutte de sang contre le leader suprême et président à vie Habib Bourguiba. La crise politique de l’époque et la menace d’une prise du pouvoir imminente des islamistes (c’était prévu le 8 novembre et dans le sang) ont justifié pendant un bon bout de temps ce coup d’Etat en velours.

S’en est suivi un long texte des résolutions prises ce jour-là intitulé « Pacte du 7-Novembre ». Le pays a échappé au pire, parait-il, et il promettait le meilleur. Deux ans après, en 1989, des élections étaient organisées, à l’issue desquelles le candidat unique Zine El Abidine Ben Ali sortait grand vainqueur. Grâce à sa main tendue aux islamistes, mais aussi grâce au soutien de tout ce que l’opposition comptait comme personnalités. Cela va de Moncef Marzouki à Rached Ghannouchi en passant par Mohamed Harmel et Néjib Chebbi. C’était le début de la fin du printemps du 7-Novembre dont les résolutions ressemblent à celles que l’on formule le 1er janvier de chaque année. Le 7 novembre 1987, nous avons échappé au pire, certes, mais nous n’avons pas eu le meilleur, comme on nous le promettait. Mais s’il est vrai que nous n’avons pas eu le meilleur durant les 23 ans d’exercice de Ben Ali, nous n’avons pas eu le pire non plus.

Nous avons attendu la période de la troïka pour vivre pire que ses 23 ans. Paix à l’âme de Lotfi Nagdh, Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi, Socrate Cherni et tous ces soldats assassinés pour la patrie. On aimerait bien effacer de nos mémoires ces pages noires de Moncef Marzouki à qui un émir qatari apprenait comment se tenir, cette escalade de la « monguela » des salafistes radicaux, ce « 6ème califat qui prend la route » de Hamadi Jebali ou ce caricaturiste que l’on mettait en prison pour sa sécurité

 

Mais on aimerait également effacer de nos mémoires le despotisme de Ben Ali, le zèle dictatorial de plusieurs de ses subordonnés et la corruption d’une partie de sa famille. En ce 7 novembre 2016, comment ne pas se rappeler que les médias étaient bâillonnés et se devaient, pour survivre, d’énumérer les « réalisations » du 7-Novembre, voire de les encenser. A chaque anniversaire du 7 novembre, il fallait « subir » la couleur mauve du régime dans toutes les villes, les chansons dédiées dans toutes les radios et télés et les discours langue de bois sans fin des RCDistes.

Pour les autres jours de l’année, il fallait se taire dans les cafés, dans les salons et même au téléphone. Il fallait fermer les yeux sur les détentions arbitraires, les procès fallacieux et l’enrichissement frauduleux. Il ne fallait pas entendre les douleurs des islamistes que l’on torturait et les cris des femmes à qui l’on arrachait le voile.

Les historiens détermineront quelle période a été la plus noire pour la Tunisie, celle des 23 ans de Ben Ali ou celle des 3 ans de la troïka. Il ne faudrait cependant pas attendre l’instance Vérité et Dignité (un des derniers vestiges de la troïka) pour nous dire la vérité, avec toutes les casseroles trainées par sa présidente…

 

En ce 7 novembre 2016, au vu de ce qui précède et au vu de ce que l’on vit aujourd’hui, l’espoir est de mise. Peu importe quelle période a été la plus noire, la Tunisie de 2016 n’a rien à voir avec ces deux périodes noires. Nous avons voté librement et nous sommes en train d’élever ce fœtus de démocratie. Jamais dans l’Histoire de la Tunisie, le pouvoir n’a été autant critiqué avec cette virulence. Il est donné à n’importe quel citoyen de parler de ce qu’il veut (ou presque) sans risquer d’être interpellé par la police politique. Les gouvernants réfléchissent désormais à deux fois avant toute prise de décision, car ils se savent épiés par la société civile et les médias. Les pratiques frauduleuses ne sont plus passées sous silence. Même si la justice ne rattrape pas (encore) les politiciens véreux et lobbys mafieux, il y a une force citoyenne et médiatique qui dénonce publiquement les abus constatés voire même supposés. Grâce à nos nouvelles lois, les interrogatoires de police se font désormais en présence d’un avocat et les magistrats ne craignent plus de décision supérieure de limogeage ou de mutation…

Certes, tout n’est pas encore rose et certains vieux réflexes perdurent. Le corporatisme n’est pas encore éradiqué, la corruption a enflé, la liberté d’expression s’est transformée en liberté d’injurier et de racketter et le népotisme demeure encore en nous. Le sexe et la religion demeurent encore des sujets tabous et s’en prendre à l’armée équivaut à une interpellation immédiate.

Mais il y a un état d’esprit général et une telle prise de conscience citoyenne de ce qu’est la démocratie, le droit et la liberté d’expression qu’il sera impossible de retourner en arrière. Impossible que le Tunisien revive de nouveau le 7-Novembre que ce soit sous sa forme despotique ou flagorneuse. Jamais !

« Impossible n’est pas français et il ne faut jamais dire jamais. Regardez ce qui se passe en Turquie pour constater que le retour en arrière est possible », me diront les sceptiques. Oui, mais je préfère être optimiste et la Tunisie n’est pas (encore) gouvernée par les islamistes pour que l’on puisse craindre le retour du… pire ! 

07/11/2016 | 15:59
7 min
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Commentaires (18)

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Maryem
| 10-11-2016 20:59
Il y a des intervenants professionnels des intervenants emportes par les vagues des intervenants qui parlent du fond de leurs entrailles,d autres qui dissertent au bon vouloir des autres,ceux qui agissent pour tater le pouls des autres et les ombres qui analysent le tout pour deduire les hypothese sur le climat qui reigne dans une societe donnee.Leurs champs d action sont le net et surtout les medias electroniques pour manipuler les opinions.Les specialistes de l ombre
peuvent avec exactitude programmer leurs actions subversives,ou repondre leurs rumeurs destabilisatrices.......Mefions nous et soyons vigilents,l argent coule a flot et tout est possible dans les temps qui courent.

Ataturk
| 08-11-2016 11:37
Sous quel régime vit la Tunisie?
Un régime démocratique?, un nouveau régime appelé "régime consensuel"?, un régime anarchique que la mafia de la contrebande et des religieux dirige dans les coulisses? On ne sait plus!
Au nom de la démocratie, autorisons Ben Ali à revenir dans son pays, rendre quelques milliards à l'état et qu'il se présente aux élections de 2019.
Je suis sûr qu'une majorité de tunisiens voterait pour lui, vues les catastrophes que vit le pays depuis cette pseudo-révolution de 2011.
Moi personnellement je ne voterai pas pour lui, mais j'accepterai volontiers le résultat au nom de la démocratie.

Ranjeet Singh
| 08-11-2016 11:23
peut on dire que nous sommes désormais en démocratie? il y a certes un régime parlementaire, des élections , mais surtout des intérêts et des jeux de partis; le plus préoccupant est l'incapacité à exécuter les jugements administratifs , en particulier contre l'administration publique; la route est encore longue

lario
| 08-11-2016 10:51
De l'embléme :- la liberté,-l' ordre,-la justice, on doit passer à celui de :- l'intégrité,- la compétence,- la solidarité

mounir
| 08-11-2016 10:49
A trois reprises , la Tunisie aurait pu prendre un chemin diametralement opposé: 1:Si le conflit Bourguiba-Salah Ben Youssef ne s'est pas terminé au profit de Bourguiba, il n'y aurait pas eu d'enseignement et de la santé à large échelle, ni d'émancipation de la femme ni de politique étrangère telle que nous l'avons eue ni (et à mon avis c'est le point le plus important) de laicité. Nous serions ( sans pétrole) un pays pauvre et sous-développé comparable au Yemen ou à la Mauritanie. 2: 1987 si Ben Ali n'avait pas pris le pouvoir le 7 novembre, les islamistes l'auraient pris le 8 et avec la fougue de la jeunesse des Ghannouchi, Laarayedh, Jebali et les autres et dans le sillage de la révolution iranienne, ils auraient détruit ce qu'a fait Bourguiba pour plonger la Tunisie dans une ère d'obscurantisme. 3: Les élections de 2014 Si l'expression vote utile n'avait pas circulé sur facebook, Nahdha aurait été majoritaire, certains partis dits modernistes n'auraient pas hésité à s'allier à Nahdha ( un peu comme Ettakatol et le CPR en 2011) et nous aurions eu une Troika 2 pour 5 ans. Que nous réserve l'avenir ?

Léon
| 08-11-2016 10:11
Propos fallacieux et faits sortis de leur contexte. La Tunisie se devait d'être très stricte lorsque la guerre civile menée par les islamistes algériens était à sa frontière. Le moindre signe de faiblesse et l'on était foutu.
Vous récoltez les choses positives d'une certaine politique qui a permis à la Tunisie d'avoir autant de réalisations et de diplômés et vous jugez sans réfléchir.
Vous me rappelez tous quelque chose: Ces grands mangeurs de viande qui trouvent que l'égorgeur de bétail est un bien mauvais ^personnage. La viande ils en bouffent; mais ils médisent des bouchers. Ils sont les seuls à encourager la boucherie en bouffant de la viande mais l'ignorent. Bref! de la bêtise humaine. D'ailleurs tes propos quand tu dis que le pire est les islamistes au pouvoir, n'est pas une manière indirecte d'appeler à les mettre hors de la scène politique. Et tu en veux à Ben Ali qui les a combattu pour des choses précises et non pas par délit d'opinion; dans un contexte de guerre civile en Algérie, qui peut facilement se propager chez nous; car, comme tu as eu tout le loisir de le vérifier après la révolution, c'est bien sur les islamistes que s'appuient les occidentaux et les sionistes lorsqu'ils veulent faire la peau d'un pays.
Les pires ne sont pas les islamistes; les pires sont les merdolutionnaires de tout bord. Les islamistes ont après tout fait preuve d'une certaine sagesse chez nous, contrairement à ceux d'autres pays.
Les 23 années de Ben Ali ont été la page la plus magnifique en terme d'avancement et de prospérité dans l'histoire de la Tunisie, et ce, pendant des siècles.
LA corruption? Tout tunisien la colle sur le dos de l'autre tout en la pratiquant mieux que quiconque lorsqu'il s'agit d'en bénéficier.
L'hypocrisie tunisienne veut que toute personne qui n'a pas été proche de Ben Ali lui en veuille. Toute personne qui a eu une carotte ou un radis sous son mandat devient son meilleur défenseur. Désolé mais il ne peut pas fréquenter 12 millions de personnes. Il peut les aimer comme il l'a toujours fait; mais ne peut pas être, comme il l'a si bien dit, le soleil qui les surplombe. Il ne se prend pas pour un Dieu et d'ailleurs n'a jamais mis son nom sur une rue, ni son effigie sur un dinar.
Comme dictateur, on a fait beaucoup mieux dans le monde arabe; et même si Bourguiba n'était pas un dictateur à mes yeux, il l'était mille fois plus que Ben Ali.
Moi je le défends pour une raison simple: Pour choquer et réveiller les consciences qui croient qu'ils n'y sont pour rien dans la débandade actuelle. Un électrochoc qui dit l'inverse de ce que dis le peuple qui se croit pas responsable. Souviens-toi comment ils réagissaient à mes propos quand la révolution était toute fraiche. Aujourd'hui ils se font petits et n'eut été leur égo, ils auraient demandé pardon pour ne pas avoir écouté les Léon, JW, G&G, Salahtataouine, Mezri Haddad, Borhane Bsaïes et quelques autres (pas très nombreux).
Tu fermes les yeux complètement sur le fait que du temps de ben Ali le pays était souverain. Aujourd'hui, il est sous protectorat économique. Et ce n'est pas la faute à Ben Ali mais à ceux qui se sont fait prendre au piège des occidentaux qui leur avaient promis monts et merveilles et dons et prêts à ne plus en finir, sous l'unique et la seule condition: Qu'ils continuent à mentir au peuple de gueux instruits mais non cultivés.

VIVE BEN ALI et BONNE FÊTE POUR LES 7-NOVEMBRISTES

Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
Résistant Souverainiste et anti-traitres.

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.

Givago
| 08-11-2016 07:27
Plus jamais de jbali, plus jamais de marzouki,plus jamais de laâraiedh,et plus jamais de ghannouchi.

CHDOULA
| 08-11-2016 06:29
L'optimiste est un imbécile heureux et le pessimiste est un imbécile malheureux ! Sinon excellent article !

Elsa ben Amor
| 07-11-2016 23:09
Je préfère de loin l'époque de Ben Ali malgré tout ce qu'on lui reprochait à celle où nous vivons aujourd'hui . Comment ne pas être nostalgique d'une époque ou le pays ne connaissait ni terrorisme ni une telle inflation ni saleté ni autant de corruption ? Qu'avons nous gagné de ce que tout le monde appelle à tort " révolution " ? La liberté d'expression dites vous ? Dites plutot arrogance et insolence sans limites . Nous sommes un peuple fondamentalement arrogant, fainéant , prétentieux et qui ne connait pas ses limites . On espèrait que la démocratie nous apporterait paix et prospérité or ce qu'on constate est tout à fait le contraire de nos espoirs : hausse vertigineuse des prix, dévaluation du dinar....bref trop de déceptions et trop de misère qui laissent plus d'un maudire le jour du 14 Janvier 2011 sauf les nouveaux opportunistes de toute part bien entendu .

NEAPOLIS
| 07-11-2016 21:31
ah oui j'ai oublie' le 07 NOV 1987