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Chroniques
Nagdh, Ben Sedrine, Chahed : La justice n'est pas pour demain !
20/11/2016 | 15:59
5 min

Par Sofiene Ben Hamida

 

Une semaine difficile pour la Tunisie et sa justice dans toutes ses déclinaisons. Elle avait débuté avec le verdict prononcé par le tribunal de première instance de Sousse dans l’affaire Lotfi Nagdh qui, après quatre ans d’attente, n’a pu ni rendre justice, ni apporter des réponses. En gros, ce verdict a été l’expression de la déroute de la justice « conventionnelle ». Elle s’est poursuivie avec l’ouverture des séances plénières d’écoute des témoignages des victimes, organisées par la présidente de l’IVD et ses alliés dans un esprit et avec une démarche qui nous éloignent plutôt qu’ils nous rapprochent de la justice transitionnelle. Dommage, mais n’est pas Mandela qui veut.

Au même moment, sous l’hémicycle, le gouvernement tentait de faire passer son projet de loi des finances pour l’année prochaine. La principale qualité de ce projet étant de contenter tout le monde sauf les ayants droit. Les instances financières mondiales et les bailleurs de fonds auront des motifs pour faire confiance au gouvernement en place. Les escrocs et les fraudeurs pourront continuer à compter sur leurs alliés au sein de l’Etat. Seules les classes moyennes, c'est-à-dire la majorité du peuple, auront le sentiment de continuer à payer pour les autres et verront leur rêve de justice sociale s’éloigner davantage.

 

Commençons par Lotfi Nagdh, pour affirmer que le grand perdant dans cette affaire est la justice. En effet, la justice n’a pas été rendue par le verdict du tribunal de première instance de Sousse dans la mesure où les coupables n’ont pas été dénoncés et la victime n’a pas recouvert ses droits, même à titre posthume. Des cris se sont élevés pour appeler à respecter la magistrature et ses décisions. Nous le ferons le jour où la magistrature sera réellement la garante de la justice et de l’égalité de tous devant la loi.

Pour le moment, nous savons tous que la magistrature a été sous les ordres du népotisme et de la dictature. Après la révolution, elle a été inféodée par les comportements les plus abjects allant jusqu’à entretenir des relations intimes avec une terroriste. Le juge en question se trouve actuellement en liberté alors que celui qui l’a dénoncé croupit en prison. Pour ceux qui ont la mémoire courte, rappelons que le juge Ahmed Rahmouni , alors président de l’association des magistrats tunisiens, avait annoncé tout juste après la révolution, qu’il publiera la liste des magistrats crapuleux. On attend toujours.

Dire que la magistrature est corrompue n’est pas une insulte, une offense ou une hérésie aujourd’hui. C’est ce qui justifie les batailles qui ont été menées durant les dernières années en faveur de l’indépendance du pouvoir judiciaire et qui ont abouti dernièrement à l’élection du conseil supérieur de la magistrature pour la première fois dans l’histoire de notre pays. C’est à lui que revient désormais la lourde tâche de redorer le blason de la justice de toutes ses souillures anciennes et récentes.

 

Quant à la justice transitionnelle, ce qui s’est passé à l’occasion des séances de témoignage des victimes, la scénarisation outrancière des séances et la manipulation évidente des témoignages,  est loin de l’esprit de la justice transitionnelle.

Mais tout d’abord, arrêtons-nous sur les critiques qui fusent ces derniers jours contre ceux qui ont critiqué la présidente de l’IVD et le déroulement des séances d’écoute. Ces critiques sont purement et simplement des pressions et les prémices d’une volonté de retour à une pensée unique. Ceux qui ont été des victimes des régimes policiers de Bourguiba puis de Ben Ali avant de devenir les victimes visées des islamistes et de leurs alliés n’ont pas à taire leurs positions. Ceux qui ont noirci des centaines de communiqués de soutien aux victimes au moment même des exactions, qui ont signé des milliers de pétitions de dénonciation des pratiques inhumaines des pouvoirs en place et leurs sbires, qui sont sortis dans la rue bradant les matraques et les gaz pour crier leur colère, n’ont pas à se plier aujourd’hui à la volonté de ceux qui ont longtemps choisi, d’avoir une attitude  de carpette et se conformer au moule du politiquement correct.

Chaque exaction commise par les pouvoirs successifs est inacceptable. Chaque victime de torture ou de mauvais traitements est une victime de trop. Chaque manquement aux libertés publiques et privées mérite dénonciation. Mais la lutte contre l’injustice sociale, économique et politique, la défense de la démocratie, les libertés et les droits de l’Homme est un acte militant, individuel et réfléchi. L’un des objectifs de la justice transitionnelle est d’ailleurs d’honorer la bravoure et le courage de ces militants qui ont survécu et rendre hommage à la mémoire de ceux qui sont partis. En aucun cas, la justice transitionnelle ne doit être perçue comme une revanche personnelle, une rançon ou une monnaie d’échange.

Cela, ni Sihem Ben Sedrine, ni ses alliés ne le comprendront parce qu’ils sont obnubilés par une haine noire qui a couvé en eux durant des décennies. Parce qu’il est revanchard et haineux, l’esprit qui a guidé tout le processus dès son démarrage est pipé et ne peut garantir la justice transitionnelle.

 

Reste la question de la justice sociale dont tout le monde parle sans rien faire pour la concrétiser. Le drame dans cette conception de la justice sociale, c’est qu’elle est utilisée à toutes les sauces, surtout pour spolier encore plus les plus démunis de leurs maigres ressources.

Pour le moment, l’UGTT  semble tenir bon, ce qui lui vaut les foudres d’une horde de postulants lécheurs de bottes qui oublient qu’ils sont eux aussi concernés par les mesures injustes du gouvernement. Mais quelle que soit l’issue de ce nouveau round de bras de fer entre le syndicat et le gouvernement, il serait difficile de donner du crédit au discours du gouvernement. Ce dernier doit trancher sans ambages entre les corrompus, les escrocs, les fraudeurs et la justice sociale.               

 

20/11/2016 | 15:59
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Commentaires (20)

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EL OUAFY avec Y à la fin
| 24-11-2016 13:44
Il me semble que L'organe de l'IVD est devenu en haut des autres institutions de la justice si je me trompe pas certains n'ont pas de confiance à ces institutions chez tous les pays la justice est libre est dépendante elle décide selon la logique de la lois en vigueur comme elle ne pourra pas prononcer des jugements non argumentés et surtout lorcequ'il s'agit d'un cas d'un assassinat car l'hauteur de cet acte est difficilement à identifier et par mes respects à ce pays pour ne peut pas dire que la Tunisie est un pays de l'impossible comme le cas d'un vielle qui demandait à Ben Ali de transformer en jeune sur la chaîne El Djazira (( Harimna ; Harimna ) et un autre citoyen qui avait construit sa maison dans un Oued et quand son demeure est emportée par la pluie terrible il manifeste auprès de l'actuel président B C E et la liste est large ce qui est tonnant que depuis le déclenchement de la dite révolution toujours il y a des surprises .

Tunisienne
| 24-11-2016 12:23

Chère amie,

Que tous vos travaux soient couronnés de succès et que tous vos défis soient brillamment relevés ! Bon courage et bonne continuation !


A très bientôt !

tounsia2
| 23-11-2016 21:50
Bonsoir chère amie,

Pour répondre à votre interrogation concernant mon absence sur ce forum, je vous dirai que ce n'est que momentané, le temps de finir un travail important que j'ai entrepris depuis quelques temps et qui exige une grande disponibilité de ma part et beaucoup de concentration, d'où le silence que je m'impose (à contre coeur) afin de mieux avancer dans mon travail et pouvoir ainsi finir dans les délais impartis, ce qui semble difficile à réaliser pour l'instant mais pas impossible! En attendant, je me contente de suivre l'actualité sur ce site et d'apprécier (en silence) certaines chroniques et certains commentaires.

Bonne fin de soirée et bonne continuation

Ilyes
| 23-11-2016 17:18
Bravo vous avez tout dit, yen a marre de ces médias de la honte qui ne save qu'insulter.D'ailleurs de quoi vive les médias, de la pub MDR une étude a prouvé qu'aucun médias en tunisie ne s'auto finance grâce a la publicité mais plutôt de se système corrompu qui paie allègrement pour se débarrasser de tout ce qui nuit a ses intérêt. Je vous suis BN depuis de longues annees et je sais très bien dans quel camp vous etes et prend plaisir a aller dans une direction opposé a la votre pour le bien de notre revolution.

Tunisienne
| 22-11-2016 18:46
Bonsoir chère tounsia2,

Pas plus tard qu'hier, je me suis demandée pourquoi vous vous faisiez rare ! Votre commentaire me fait donc (comme d'habitude !) énormément plaisir !

Oui, je vous l'accorde, certaines contributions ne peuvent que réchauffer le coeur à force de recul, de profondeur, de clairvoyance et de justesse du ton... Et ces contributions revêtent une force encore plus singulière dans le climat de médiocrité journalistique dans lequel nous vivons actuellement... Médiocrité observable dans la plupart des supports et qui est malheureusement le fait, aussi bien des «gens du métier» que des charlatans qui se sont auto-improvisés «journalistes». Ce qui se passe sur les plateaux TV en est l'exemple le plus édifiant...


Bonne continuation chère amie et à bientôt !

Babamimes
| 22-11-2016 03:13
Laissez S.V.P. L'IVD faire son travail et s' acharner sur son bilan juste apres

tounsia2
| 21-11-2016 21:53
Bonsoir chère amie,
Permettez-moi tout d'abord de vous saluer chaleureusement puis de vous dire que je souscris entièrement à votre point de vue quant à la qualité de cette chronique que j'ai lu avec autant de plaisir que vous. Cela pourrait sembler paradoxal, mais en finissant la lecture de cet article qui démontre pourtant que la justice va mal dans notre pays, j'ai ressenti de l'espoir, l'espoir que tout n'est peut être pas perdu, tant qu'il y a des journalistes qui n'ont pas peur de dire la vérité et tant que nous sommes encore capables d'apprécier la valeur de ceux qui font correctement et honnêtement leur travail !

Bonne fin de soirée et au plaisir de vous lire.

DHEJ
| 21-11-2016 17:53
Elle n'est pas juste notre JUSTICE, elle ne l'était pas sous Bourguiba non plus suis ZABA et elle ne le sera jamais à moins que ...


Mais comment mesurer les paramètres de la JUSTICE pour prouver qu'elle est JUSTE transversalement et longitudinalement? Quels sont ces paramètres?


Il faut être FRAUDEUR ou DIVIN pour répondre!

bahr
| 21-11-2016 17:22
Le droit de dénoncer l'injustice est au fait, tout ce que les tunisiens ont gagné du printemps arabe.
Il se trouve que chez nous, la justice conventionnelle a toujours été omniprésente, si ce n est un outil de violation de droit tout comme le stipule notre vieux proverbe tunisien "les lois c'est de l élastique, tu l étire dans le sens qui te saille".
Quant à la transitionnelle elle a été placée entre les mains de quelques personnes à compétences douteuses. Un doute confirmé par la série de démissions de lIVD.
Et en fin, la fameuse justice sociale.
par quel chemin arrivera-t-elle ? certainement pas des mains de ces élus impatients d'arracher leur part de la chaire du tunisien démuni. certainement pas des mains de ses gents qui s'acharnent à dérober aux yeux des pauvres leurs biens douteusement gagnés. certainement pas d un gouvernement venu préserver leurs places au pouvoir et les intérêts personnels qui en découlent !
La justice, au sens large du terme, en Tunisie est reportée à une date ultérieure, et se fera même attendre pour encore longtemps. Seule l'injustice est déclarée dès aujourd'hui.
DÉNONCER, est tout ce que nous avons gagné du printemps arabe et tout ce qui nous reste à faire dans l attente dune vraie et réelle révolution sociale.

Tunisienne
| 21-11-2016 12:11
Avec votre sobriété habituelle, vous avez excellemment fait le tour de la question !


Moralité de l'histoire :

N'est pas militant droitdel'hommiste qui veut...
N'est pas «Justicier» qui veut...
N'est pas homme politique d'envergure qui veut...

Et... N'est pas journaliste qui veut !