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Chroniques
Moncef Marzouki en a rêvé, Abdelfattah Sissi l'a fait
18/05/2015 | 15:59
7 min

 

Deux grosses polémiques ont occupé les médias la semaine dernière, le discours de Moncef Marzouki à Doha, à l’occasion d’une conférence organisée par la chaîne « moozesque » Al Jazeera, et le montage-vidéo relatif à cette même conférence, diffusé par la chaîne tunisienne Al Hiwar Ettounsi.
Le gouvernement de Habib Essid a cent jours d’existence et mérite des analyses, des critiques et des recommandations, mais nous préférons, nous autres médias, nous occuper des frasques de Marzouki. Les futilités de l’ancien président rapportent plus, en audience, que n’importe quelle analyse sur Essid. Et que vous le vouliez ou pas, chers téléspectateurs/auditeurs/lecteurs, tant que les médias vivent de pub, c’est l’audience qui commande.

 

Moncef Marzouki a donc fait un discours polémique, comme à son habitude. Business News a été parmi les tous premiers à le relayer avec la vidéo entière et un texte synthétisant l’essentiel de son contenu (voir notre article à ce sujet).
Moncef Marzouki est un homme politique présent dans une conférence politique organisée par une chaîne télévisée des plus politisées, financée à fonds perdus par un pouvoir despotique assis sur un puits de gaz et de pétrole. Partant, toute analyse du discours de Marzouki ne peut être autre que politique. Et en matière d’analyse politique, les analystes décortiquent les mots prononcés, mais aussi les messages enfouis entre les lignes. Il s’agit là du b.a.-ba de l’analyse politique et c’est comme cela que ça se passe dans n’importe quel pays au monde, qu’il soit démocratique, dictatorial, religieux ou monarchique. Un discours politique, quel qu’il soit, n’est pas accessible au commun des mortels et ne saurait jamais être lu au premier degré.
Le fait même que Marzouki parle de potences, sachant qu’il a déjà déclenché une polémique en usant du même mot par le passé, a un sens. Le fait qu’il parle des révolutionnaires syriens qui vont brûler leur pays, cela a un sens, cela porte un message. A moins de se considérer lui-même comme un « tartour », Moncef Marzouki ne peut pas prétendre qu’il ne transmettait pas de messages bien déterminés à ses fans en parlant de potences et de terres brûlées. Dans ce discours, Marzouki a traité ses opposants d’idiots (plus d’une fois), il a insulté les médias (plus d’une fois) et a parlé de potences et de terres brûlées. Il parle de la Syrie ? Certes ! Mais Marzouki parle de la Syrie un peu comme Imed Deghij parle du Mozambique, quand il a envie de dénigrer les appareils sécuritaires et judiciaires tunisiens, sans se faire épingler par le procureur.
Quand Marzouki parle de potences et de terre brûlée, puis se défend en disant qu’il ne parle pas de lui-même et de la Tunisie, c’est qu’il nous prend pour des idiots. D’ailleurs, nous n’avons même pas besoin de comprendre qu’il nous prend pour des idiots, puisqu’il nous le dit clairement et sans ambiguïtés. Tu n’es pas avec moi ? C’est que tu es un idiot !
Quand il dit que si la dictature revient, il va y avoir d’autres révolutionnaires qui vont venir dresser des potences, Marzouki ne parle pas de martiens qui vont débarquer dans le pays, mais de ses propres fans, les mêmes qui nous promettent, matin, midi et soir, ces potences sur les réseaux sociaux.

 

Dans une véritable parodie judiciaire, le président islamiste déchu Mohamed Morsi a été condamné à mort. Plusieurs membres de son équipe ont déjà été exécutés. Voilà donc comment le pouvoir égyptien d’Abdelfattah Sissi traite ses adversaires politiques. Par la potence ! Partant de la devise bien connue qu’un « bon islamiste est un islamiste mort », Sissi n’y va pas de main morte.
Quelle différence y a-t-il entre un Sissi qui dresse les potences et un Marzouki qui promet d’en dresser ? Quelle différence y a-t-il entre un Sissi qui divise le pays en « Egyptiens » et « Ikhwen » et un Marzouki qui divise le pays en « peuple des citoyens » et « azlem » ? Entre les « honnêtes » et les « bourgeois » ? La seule différence : le passage à l’acte !
Avec la polémique déclenchée, on constate que l’ancien président n’a même pas le courage d’assumer ses propos. Il joue aux vierges effarouchées et jure ses grands dieux qu’il est l’élève de Gandhi et de Mandela.
Désolé, monsieur le président, mais Gandhi et Mandela n’ont jamais parlé de potences, n’ont jamais traité leurs adversaires politiques de « bourgeois » et « d’idiots » et n’ont jamais justifié la détention abusive d’un athée en déclarant qu’il est là pour sa sécurité. S’ils étaient vivants, Mandela et Gandhi n’auraient jamais foulé le sol du Qatar, un pays où l’on pratique encore l’esclavage et où il faut un tuteur pour travailler.
En se cachant derrière Gandhi et Mandela, non seulement Marzouki n’assume pas ses propos, mais il se croit plus intelligent que les autres.
Et il le prouve davantage après la diffusion du montage-vidéo d’Al Hiwar Ettounsi en dénigrant les journalistes et les médias, les taxant de manipulation et d’orientation préméditée du public. Il a déjà jugé et condamné l’équipe de Hamza Belloumi, sans même leur donner le bénéfice du doute et le droit à l’erreur. Ses équipes ont fait le reste avec une campagne odieuse et virulente d’insultes et d’insanités. Pour avoir été trois ans au pouvoir, Marzouki et ses sbires savent parfaitement comment les productions et les rédactions travaillent et avec quels moyens (très limités) elles fonctionnent. Ils connaissent Hamza Belloumi, son équipe et son degré de probité. Ils savent parfaitement qu’il y avait erreur (grossière certes, mais erreur quand même) et non manipulation. La réaction disproportionnée de Marzouki and co ne reflète pas de mauvaise foi, mais de la malhonnêteté intellectuelle. C’est ça les élèves de Gandhi et Mandela ?

 

Dans son discours, Marzouki n’a pas de mots assez durs contre ses adversaires politiques. Il dit que la transition démocratique est menacée et que les libertés sont menacées, en nous miroitant, sans cesse, le passé de Béji Caïd Essebsi ou, plutôt, le passé de l’ancien régime dans lequel il veut impliquer, par tous les moyens, son successeur, alors que M. Caïd Essebsi a quitté la politique dès 1991.
Concrètement, et sans paraphraser Adnène Mansar lorsqu’il a parlé des opposants qui n’atteignent pas la semelle des chaussures de Moncef Marzouk, que retenons-nous de l’exercice de Marzouki et celui de BCE ? A Doha, l’ancien président parle du retour de l’ancien régime et du despotisme, est-ce vraiment le cas ?
Marzouki a été le président divisant les Tunisiens en « séfirat » et « mounaqabet », en « bourgeois » et « pauvres », en « eux » et « nous ». Béji Caïd Essebsi, par son discours officiel du moins, est le président de tous les Tunisiens.
Marzouki a été celui qui a trainé les médias devant les tribunaux et traite ceux qui ont une ligne éditoriale qui lui déplait de « médias de la honte » et de « médias corrompus ». Caïd Essebsi a été celui qui a promis de ne jamais porter plainte contre les journalistes. Et nous serons là le jour où il ne respectera pas sa parole.
Marzouki parle de valeurs et de morale, mais dénigre et insulte ses adversaires politiques à l’étranger. BCE n’a même pas besoin de parler de valeurs, il ne dénigre personne, ni en Tunisie ni à l’étranger.
Marzouki a été celui qui a dépassé de deux ans son mandat initial et refuse la transition démocratique et le résultat des urnes. BCE a respecté son mandat de 2011, a laissé le pouvoir et y est revenu par les urnes.
Marzouki a supplié les islamistes pour occuper le palais de Carthage, après avoir récolté 17.000 voix aux élections. BCE a défié les islamistes et a occupé le palais de Carthage avec 55% des votes et 1,7 million de voix.
Aussi bien en matière de démocratie, qu’en matière de respect des valeurs et des droits, la différence entre les deux est nette et ne profite pas à celui qui a un meilleur historique « droit-de-l’hommiste ».

 

Moncef Marzouki a occupé un poste sans passer par les urnes, il croit avoir raison envers et contre tous et ses discours parlent de potences et de terres brûlées. Il dénigre ses adversaires et lâche ses « chiens de garde » (le mot appartient à l’un de ses flagorneurs) contre les médias et ceux qui s’opposent à lui.
Il a beau nous traiter d’idiots, il a beau ne parler que du montage-vidéo dans lequel s’est embourbé l’équipe de Belloumi, il a beau chercher à nous faire oublier le reste de son discours de Doha, il a beau évoquer Gandhi et Mandela, nous ne sommes pas dupes et encore moins idiots pour le croire.
La Tunisie n’est ni l’Egypte, ni la Syrie. Elle ne sera jamais brûlée et ne dressera pas de potences pour ses enfants, même si la Constitution (signée et applaudie par le « droit-de-l’hommiste » Marzouki) n’a pas aboli la peine de mort.

18/05/2015 | 15:59
7 min
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Commentaires (38) Commenter
AAA dit...
Gg
| 20-05-2015 18:46
... à Nizar Bahloul : "tu ne distingue pas entre Daech et les frères musulmans".
D'où ma question : il y a une différence entre les frères musulmans et daech? Si oui, laquelle?

En tous cas je trouve cet article formidable. C'est du journalisme d'opinion, engagé, qui ne pratique pas la langue de bois. En plus, son analyse est très intelligente...
Enorme différence: du tout au rien.
Mohamed A DRBMN
| 20-05-2015 13:27
Marzouki a été nommé par une assemblée élue mais ils pouvaient nommer n'importe qui d'autre à sa place, sans aucune possibilité de contestation officielle de sa part.
Même BCE était en lice.
Ca reste une nomination qui ne lui va pas de droit automatiquement.
Le Président élu aux suffrages universels ne peut être concurrencé par personne et ce poste lui va de droit automatiquement sans aucune possibilité de contestation ou de négociation.
l'avenir est mazouki
d rbmn
| 20-05-2015 12:52
monsieur marzouki a passé par les urnes puisqu'il était élu par l'assemblée nationales dont ses membres sont choisis par le peuple. donc soyez un peu médiatique et éviter d'être toujours en guêt apens
Amnésique?
Ataturk
| 19-05-2015 18:50
Marzouki est-il amnésique pour avoir oublié le lynchage de Lotfi Naguedh par les LPR et des membres de son parti (CPR), l'assassinat de Chokri Balaïd et Med Brahmi par Ansar Chariya avec la complicité de tout un appareil sécuritaire appartenant à son mentor (Ennahdha).
Donner un discours sur la démocratie dans un pays féodal et esclavagite (Le Qatar) est en soit antidémocratique!
el ouafi
nazou
| 19-05-2015 17:11
J'ai bien dit "celui qui me ressemble le plus ".

Je n'ai pas dit mon double.

Apparemment vous n'avez pas compris le fonctionnement de BN

Et si vous étiez attentif, je ne commente que les journalistes que j'apprécie, même si je ne partage pas toujours leurs opinions.
@ Nazou :Pour Rigoler un petit "chouwaya"
EL-OUAFI
| 19-05-2015 15:59
Vous écrivez ceci: Moi je ne commente que dans un journal qui me ressemble le plus ! Nazou, êtes-vous sure de ce que vous dites ? ? ? N'y a-t-il un petit cache-cache derrière tout ce là ? Allez soyez franche ! hier ou avant-hier , j'ai failli pleurer à votre place vos commentaires se sont évaporés devant ce coupeur de têtes : « les voyelles et les consonnes » ! ! ! (modérateur)ils se sont évaporés, il n'a ni guillotine ni sabre, juste un petit Bleu et un petit clic, tout disparaît comme par miracle! ! ! Nazou ne corsez pas le ton il n'aime que la douceur ce modérateur, (j'imagine son regarde braqué vers moi me disant hé toi fait gaffe grâce a mon patron qu'on t'as laissé passer cette fois ci ,attention à la prochaine tu payera double! Je ne bronche pas ! ! ! Je vais me faire procurer des calmants, et me tenir à carreau, compris Mr "el-ouafi ? Oui chef oui chef comme disait les anciens de première vague de non harraga, légitimement admis dans le marché du travail en Europe, du travail spécifique attention lequel ? Ha ah tu cherches à le savoir ? ?voilà je vais te le dire celui que les Français n'en veulent pas devine lequel ? ? ? Tu as l'embarras du choix, c'était autrefois Nazou ! ! ! Les temps ont bien changé et sont devenus durs, hélas, à bientôt Mademoiselle NAZOU (Manai)
Oublions-le!
Bob
| 19-05-2015 15:44
Que retiendra l'histoire de cet individu? Probablement rien ou si peu? Alors si on essayait déjà de l'ignorer et le laisser se débattre avec ses contradictions dans son fameux ''croisement des chemins'' qu'il n'a jamais quitté et qu'il ne quittera jamais tellement il est obnubilé par par son nombril?
@ Mr Nizar votre position de ne pas me censurer mérite le salut
EL-OUAFI
| 19-05-2015 15:24
constatant que mon commentaire n'a pas été censurer, c'est un étonnement pour moi que notre gentil-man Mr Bahloul a donner libre cours à ce que j'ai écrit me laissant assumer personnellement la responsabilité de mes écrits, pour ne pas ajouter une frange de commentateur à l'exclusion, et de cette façon rendre la chronique fade dénuée de toutes critiques, dépraver son contenu, le recours à l'idée unique, et à la voie unilatérale faire participer ceux qui sont d'avis contraire de celui de Mr Bahloul ,par l'occasion je prends acte, d'ailleurs s'il n'y avait pas cette sorte d'ingrédients pour pimenter nos commentaires, aucune réaction ne peut apparaître et on serait traiter tous des béni oui oui et par l'occasion que la Charmante Nazou ne peut avoir l'occasion pour intervenir, et que j'ai eu à commenter avec elle différents thèmes .pour ne pas se faire traiter des godillots au solde de leur donneur d'ordres et qui se font débarqués aux abattoirs sans brochés, mes remerciements les chaleureux Mr Bahloul, « Quant à la pub source de revenus pour la survie de l'ensemble du personnels et la bonne marche de cette petite « PEM »elle est de nos jours le seule investisseur potentiel qui peut garantir l'existence même de « B N » cordialement à vous (manai)
Les faits désignent le vrai démocrate
Mohamed
| 19-05-2015 14:47
Quand il était opposant à Zaba, Marzouki était pour la liberté de la presse.
Nommé Président, la presse libre devenait horriblement honteuse.
Sans le courage des journalistes, la loyauté de l'armée et de la police à la révolution, l'appui de la société civile, la liberté de presse n'aurait pas survécu.
C'est l'exercice du pouvoir qui filtre les vrais démocrates des faux. Non les discours et les proclamations.
Le vrai politicien démocrate donne des assurances suivies d'effet à la presse. N'insulte pas la presse. Ne la menace pas. Et c'est même son intérêt car s'il s'en prend à la presse il est grillé. BCE l'a compris. Marzouki ne l'a pas encore compris. On ne se change pas.
Marzougui est toujours craint
observator
| 19-05-2015 14:09
Par les suppôts de la dictature et des privilèges malacquis.
Ils sont démocrates quand cela les arranges , soutient de de la dictature quand cela les arrange aussi.
Le PResident MArzougui n a jamais attaqué un journaliste devant la justice bien que l occasion s est présenté plus d une fois. Par contre il a été tiujours attaquer souvent injustement parle que justement il est porteur de valeurs démocratiques. La plupart des médias qui attaquent MArzougui ont bu le lait de la dictature. Regardez les quand MArzougui les critique à son tour, ils deviennent hystériques c est le propre de ces médias bercés dans le lit de la démocratie
Monsieur BAhloul met en cause la légitimité de MArzougui comme PResident ce faisant il doit le denier au PResident américain puisque ils étaient élus pratiquement sous le même mode. L un par l anc l autre par les grands électeurs. Quand on n est pas de bonne fois quand on est au service des privilèges malacquis on tombe dans son propre piège.