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Tribunes
Majorité et opposition en démocratie
05/03/2012 | 1
min
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Par Taïeb HOUIDI*

Le retrait de 65 membres de la Constituante, le jeudi 1er mars 2012, est significatif à plus d’un titre de l’ambiance délétère qui s’est installée entre majorité et opposition au sein de l’Assemblée Constituante. Le président de l’ANC accuse le «bloc démocratique» (tiens, je croyais qu’en tant que démocrate, il en faisait partie!) de perturber les travaux. De son côté, celui-ci reproche à celui-là d'appliquer les règles qui lui conviennent : non-respect de la forme pour l’intervention des ministres (article 117 du règlement intérieur), non-respect de l'organisation des questions-réponses, de l'heure de démarrage de la séance, du temps de pause… La question ici n’est pas de dire qui a tort ou qui a raison. Elle est de préciser l’idée que l’on devrait se faire des rapports entre majorité et opposition dans une démocratie digne de ce nom.

En effet, la démocratie, ce n’est pas seulement l’expression des droits de la majorité, c’est aussi le respect des groupes minoritaires. A ce titre, le rôle de l’opposition est essentiel en démocratie.
Elle constitue un contre-pouvoir, permettant d’éviter que la majorité ne soit tentée de mener des politiques portant atteinte aux acquis en matière de droits et de libertés.
Elle représente aussi la possibilité d’une alternance, en contribuant à la permanence du pluralisme politique, qui est une des bases de la démocratie
Elle permet, également, de renouveler le personnel politique : lorsque la majorité perd le pouvoir, une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques peut assurer la continuité de l’Etat.
Certains pays ont même attribué et organisé un statut avéré à l’opposition. En Grande Bretagne, la fonction de chef de l’opposition est érigée en fonction officielle. En France, une meilleure reconnaissance des droits de l’opposition au Parlement est préconisée, notamment pour son temps de parole, sa représentation dans les présidences et rapporteurs des commissions d’enquêtes. La loi constitutionnelle (juillet 2008) aménage un jour de séance par mois, réservé à un ordre du jour fixé par les groupes d’opposition. La présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale est confiée de facto à un parlementaire de l’opposition.

Dans de nombreux parlements étrangers, une procédure de «temps législatif programmé», fixe des délais pour l’examen des textes en séance, afin de permettre une organisation efficace, productive et équitable des débats. La mise en œuvre de cette vision repose sur des modalités qui garantissent le droit d’expression des groupes d’opposition et des groupes minoritaires.

Toujours en France, ces garanties sont les suivantes :
- Le temps minimum attribué doit être supérieur pour les groupes d’opposition. En outre, le temps supplémentaire est attribué à 60% aux groupes d’opposition et réparti entre eux en proportion de leur importance numérique.
- En séance, les interventions des présidents de groupes échappent au décompte du temps préalablement fixé, dans la limite d’une heure par président de groupe et par session. Lorsque le temps réparti entre les groupes est supérieur à quarante heures, cette limite est portée à deux heures.
- Les présidents de groupes peuvent obtenir de droit, un «temps législatif programmé allongé», égal à une durée fixée par la Conférence des présidents de groupes.
- Chaque président de groupe peut, une fois par session, se voir attribuer de droit, un «temps législatif programmé exceptionnel».
- Dans certains cas précis de délais de dépôt de texte, un président de groupe peut s’opposer au temps législatif programmé.
Nos élus ont intérêt à adopter ce type de procédures pour conforter la démocratie en Tunisie. Autant pour aujourd’hui que pour les situations futures d’alternance (à moins que nos gouvernants actuels s’imaginent qu’ils sont là «pour mille ans»).
En définitive, dans un régime véritablement démocratique, la notion de minorité devrait s’éclipser, pour laisser place à celle de reconnaissance et de respect des droits de l’autre. Toutes les autres questions devraient découler de ce principe.
Mais dans ce domaine, nous avons encore du chemin à faire: l’expérience actuelle de notre Constituante montre que malgré ses belles déclarations d’intention, la majorité applique sournoisement ses décisions prises à l’avance, sans tenir compte des avis de l’opposition.

*Taïeb HOUIDI, membre du bureau exécutif du PDP
05/03/2012 | 1
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