La crise économique a fini par rattraper le secteur de la grande distribution. La baisse du pouvoir d’achat et le marché parallèle en plus d’une conjoncture économique difficile ont fortement impacté ce secteur, chose ressentie dans les chiffres communiqués par certaines entreprises du secteur. Malgré cette situation, Magasin Général a su tirer son épingle du jeu : non seulement, elle a dégagé un bénéfice et va distribuer à ses actionnaires, à compter du 18 juillet 2016, un dividende de 450 millimes par action (45% du nominal et en augmentation de 50% par rapport à 2014), mais surtout elle continue ses investissements et s’apprête à ouvrir son premier hypermarché Auchan à Radès.

Ainsi, l’Assemblée générale ordinaire s’est tenue, ce mardi 28 juin 2016 à la Maison de l’Entreprise, dans la convivialité, en présence du président de son Conseil d’administration, Tahar Bayahi et du directeur général adjoint, Hédi Baccour.

Magasin Général (MG) a enregistré un chiffre d’affaires (CA) HT en hausse de 10,53%, qui a évolué de 754,95 MD en 2014 à 834,67 MD en 2015. Ses charges d’exploitation ont évolué de 768,9 MD à 852,58 MD, pour cette même période. Son résultat net s’est situé à 7,38 MD en 2015 contre 7,08 en 2014, en hausse de 4,035%. Pour le groupe, le résultat passe de -4,01 MD en 2014 à -5,66 MD en 2015, et ceci après l’amortissement Goodwill (écart d’acquisition) pour un montant de 7,41 MD relatif à la différence de prix d’acquisition de BHM-Promogro en 2008 et les fonds propres.

D’un autre côté, le nombre de points de vente est passé de 82 en 2014 à 81 unités en 2015, et ce suite à l’ouverture de MG Médenine et Intileka et la fermeture de MG Charguia (non rentabilité), Batam Tej Marhaba (non rentabilité) et MG Bab El Falla (expropriation). On notera aussi le remodeling lourd de MG Proxi Jendouba. En outre, MG Bab El Falla a été indemnisé à hauteur 2,5 MD.

Autre point, M. Baccour a noté une amélioration du taux de rotation du stock de marchandises qui est passé de 38 jours en 2014 à 37 jours en 2015 outre la réduction du délai recouvrement client, qui passe de 11 jours à 10 jours, pour cette même période.

Concernant les faits marquant de 2016, le DGA évoque l’expansion de MG Maxi Ennasr et de MG Gafsa Cité Ennour ainsi que la fermeture suite aux évènements de janvier 2016 de MG Proxi Téjerouine. Pour l'enseigne Batam, suite à ces évènements susmentionné, 6 points (Bardo, Zahrouni, Avenue de Paris, Béja, Jendouba et Gafsa) ont été fermés pendant 7 jours alors que celui de Douar Hicher ont été fermés pendant 13 jours.

Pour les 5 premiers mois de cette année, Magasin Général a enregistré un chiffre d’affaire TTC en hausse de +2,01%, ayant évolué de 339,58 à 346,39 MD.

Concernant sa stratégie future, Magasin Général mise sur le développement de produits à marques propres autour de 2 positionnements majeurs avec 2 marques : les produits "Auchan", cœur de gamme à un prix accessible offrant une qualité équivalente ou supérieure aux grandes marques nationales ; et les produits "Pouce", des produits d'entrée de gamme (le moins cher de sa famille) qui respecte les mêmes critères de qualité que les autres marques de l'enseigne.

Ces marques seront produites en Tunisie, avec la possibilité de les exporter vers d’autres pays où le réseau Auchan d’hypers et supers marchés existe, avec 150 articles à fin 2016 et 400 articles à fin 2017.

En outre, l’enseigne lance de nouvelles offres, notamment le vrac libre service, le bio, l’épicerie fine et les produits du monde. Elle parie, également, sur la formation de ses employés, notamment en métiers de la bouche (boucherie, poissonnerie, pâtisserie, boulangerie, etc.) via Ecole PFT du groupe ainsi qu’en management des points de vente via son Institut de Formation à l’Excellence.

L’enseigne a, aussi, lancé le Projet rendu monnaie en juin 2016, qui permet de rembourser les petites pièces de 5, 10 et 20 millimes au prochain passage d’un client détenteur de carte de fidélité. L’objectif étant d’augmenter le nombre d’adhérents au programme de fidélité tout en instaurant un climat de confiance et un gage de bonne volonté de l’enseigne.

MG a, aussi, d’autres projets à l’intérieur du pays : deux projets à Sousse avec l’agrandissement du magasin Sahloul et la création d’un nouveau sur la ceinture (pour contrer l’émergence de deux nouveaux centres commerciaux de la concurrence), un projet à Sfax ainsi que des petits projets à Jendouba et à Djerba.

Autre point important, Magasin général a reçu une autorisation de principe pour l’implantation de son premier hypermarché sous la bannière Auchan, ce qui va permettre à d’exprimer tout leur savoir- faire mondialement reconnu. Les travaux de projet, d’un coût avoisinant les 200 MD, devront démarrer début 2017 pour une ouverture en 2019. Le projet s’étendra sur 10.000 m² et fera partie d’un ensemble de 80.000 à 100.000 m² couvert. Son chiffre d’affaires projeté est de l’ordre de 200 MD par an, soit 20% de l’activité actuelle sinon plus.

Pour leur part, les commissaires aux comptes ont indiqué, dans leur rapport général, que deux procès sont actuellement en cours contre IMG et que les montants des litiges ont été provisionnés. En outre, les sociétés BHM et CMG ont reçu chacune le 15 janvier 2016, un avis de vérification fiscale concernant la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1 janvier 2012 jusqu’au 30 novembre 2015. L’administration fiscale n’a pas encore notifié aux sociétés concernées les résultats de ces vérifications.

Ouvrant le débat, un actionnaire s’est interrogé sur ce que compte faire le conseil d’administration pour redresser la situation financière du groupe. Il s’est également interrogé sur l’impact de ces deux procès.

En réponse, Tahar Bayahi a estimé que le bilan gagnerait à être structuré différemment, en séparant ces deux activités : l’exploitation et l’immobilier. Le déséquilibre, provenant de toutes les acquisitions foncières et immobilières. Parmi les pistes étudiées, une augmentation du capital, avec une restructuration de l’activité et la scission des deux activités qui n’ont pas le même cycle de temps.

Cette mesure urgente avec l’installation d’un hypermarché à Radès et donc l’obligation de financer les 200 MD de ce projet. Pour M. Byahi, il est évident qu’il faut le financer différemment, il n’écarte pas la possibilité que la position d’Auchan devienne différente au sein de MG, soulignant que ce dernier est un opérateur d’hypermarchés reconnu en Chine, en Russie en Europe de l’Est, etc. et qu’il va apporter tout son savoir-faire (sachant qu’Auchan gère plus de 2,5 millions de m² dans le monde et 300 centres commerciaux).

Concernant les risques des deux procès, M. Baccour a souligné qu’une grande partie a été provisionnée. Pour sa part, M. Bayahi a expliqué que la direction est sereine et à l’aise sur ces affaires, estimant «être dans leur droit», il a annoncé, dans ce cadre, qu’après un litige de 6 ou 7 ans, MG a fini par reprendre le fonds de commerce de la Galerie Port de France ainsi que celle de l’Hôtel Splendide situé juste au dessus du même magasin.

Un autre actionnaire s’est demandé si le rachat de BHM et de Batam n’étaient des erreurs. En réponse, le PDG a estimé que pour le rachat en 2008 de Promogro BHM, le temps leur a donné raison : «Nous avons très bien fait de faire ce rachat qui a été très rentable depuis la première année puisqu’il nous a permis d’améliorer l’année même nos achat de 2,5% (MG 250 MD et Promogo 150 MD), soit un gain de 10 MD, qui nous a permis d’être là aujourd’hui et de traverser cette période. Cet investissement a permis à l’entreprise de devenir N°1 du secteur en termes de taille, en lui conférant une position commerciale extrêmement compétitive outre les gains en termes de parts de marché. L’investissement a été extrêmement intéressant, stratégique et démontre son efficacité. Si vous rapportez les 10 MD à l’acquisition à ce moment là de cette opération qui s’est faite sur la base de 82 MD, l’investissement a été très rentable pour l’entreprise. Que l’actionnaire ne le voit pas sous forme de dividende je le comprends, mais il devrait le voir en termes de création de valeur et une pérennisation de l’entreprise».

Concernant Batam, il estime que son bilan est mitigé, dû essentiellement à la problématique du secteur informel. Ceci dit MG a bénéficié, dans son activité électroménager, de l’inertie de Batam. Donc, il faut essayer de rationnaliser l’exploitation, d’améliorer le service et de trouver de meilleures ressources, en espérant que l’environnement général puisse évoluer favorablement.

Interrogé sur le programme de fidélisation, M. Bayahi a promis qu’il sera amélioré et que d’ici septembre, un programme plus attrayant sera mis en place et où un nouveau visage MG sera annoncé.

M. Bayahi souligne que la conjoncture est difficile et que lorsque Magasin Général fait du 2% sur les 5 premiers mois, d’autres enseignes ont fait du moins 4 ou 6%, du moins pour ceux dont les chiffres sont connus. Pour lui, la situation est vraiment compliquée. En intégrant l’inflation, la grande distribution est en recul en terme réel : à cause de la baisse du pouvoir d’achat et la concurrence agressive du secteur informel, ajouter à cela la baisse du nombre d’étrangers dans notre pays, a-t-il estimé.

Prenant comme exemple la baisse de droit de consommation qui a endigué partiellement le marché parallèle, Tahar Bayahi confie dans une déclaration à Business News : «L’administration, le gouvernement, les politiques devraient avoir plus de courage pour aller plus vite dans le sens des réformes, qui apporterai de véritable réponses et solutions au problème du secteur informel»

Imen Nouira