L’UGTT a-t-elle préservé la ligne de Farhat Hached ?
La centrale syndicale s’apprête à commémorer le 67ème anniversaire l’assassinat de Farhat Hached. Une date d’une grande importance symbolique pour l’UGTT qui vit ces derniers jours plusieurs conflits avec le pouvoir en place.
Le leader syndicaliste feu Farhat Hached est considéré, à juste titre, comme étant l’un des principaux militants du mouvement pour l’indépendance de la Tunisie. Il a acquis une grande notoriété doublée d’une incontestable popularité auprès de la classe ouvrière tunisienne après avoir fondé l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).
Farhat Hached s’est distingué parmi ses camarades, certes, par ses qualités morales et son comportement exemplaire, mais aussi et surtout par son amour et sa fidélité pour la patrie et son peuple tout en étant attaché à l’identité et l’authenticité du pays, ce qui avait influé positivement sur son entourage à travers les articles, les correspondances et les tracts.
Le défunt syndicaliste s’est illustré, également, par sa proximité avec des populations qui ont constitué un rempart autour de lui pour en faire un vrai leader, d’où l’émergence d’une haine du colonisateur français qui a eu la certitude que ce chef ne sera jamais un négociateur malléable ou conciliant.
Ainsi, après l’implosion du mouvement de la résistance de la part des Tunisiens face à la France et l’exil ou l’emprisonnement des grands leaders du mouvement national, les forces d’occupation françaises n’ont pas pu arrêter Farhat Hached à cause de la solidarité enregistrée avec le leader syndicaliste par les milieux syndicaux aux Etats-Unis d’Amérique et dans le monde libre.
Dépités face à cette situation insoluble et dans l’esprit de faire cesser l’influence du leader Hached, les Français ont chargé un groupe de l’assassiner. Le meurtre a été perpétré par un groupe de Français résidant en Tunisie, dénommé « La main rouge », le 5 décembre 1952 dans la banlieue sud de la capitale, Tunis.
Mais feu Farhat Hached avait, déjà, réussi à faire de l’UGTT une organisation à la dimension nationale contribuant à la stabilisation de la situation politique et sociale en Tunisie, ce qui en a fait un catalyseur des multiples mouvements nationaux ayant abouti à la réalisation de l’Indépendance.
Pour évoquer la situation dans l’état actuel des choses, il faut mentionner que la crise entre l’UGTT et le gouvernement concernant les négociations à propos de la fonction publique a entraîné une grève générale, et ce pour la première fois dans l’histoire du pays. Cette grève a constitué une menace de perturbation de la vie publique avec des conséquences imprévisibles, dans la mesure où aucune solution n’a été trouvée autour des revendications d’augmentations salariales pour les fonctionnaires. Résultat : annonce d’une grève générale dans la fonction publique et le secteur public pour le 17 janvier 2019.
D’un autre côté, le gouvernement se dit incapable de donner une suite favorable aux demandes des fonctionnaires à cause des difficultés financières et de la pression exercée par le Fonds monétaire international (FMI) qui exige une compression de la masse salariale, alors que l’UGTT estime que le pouvoir d’achat des fonctionnaires, pilier de la classe dite moyenne en Tunisie, s’est gravement détérioré et n’est pas en mesure de supporter le gel des salaires.
Face à cette situation compliquée, le gouvernement se retrouve dans l’obligation d’assurer des ressources financières supplémentaires, afin de garantir les augmentations salariales et éviter la recrudescence des mouvements sociaux pouvant aller jusqu’à la grève générale. Cela permettra, également, de réduire les grèves à répétition dans les administrations ainsi que la baisse de productivité des employés et tous les dangers que cela peut engendrer sur l’économie, sans parler de l’image de la Tunisie à l’étranger.
Outre le conflit autour des négociations sociales entre le gouvernement et la centrale syndicale, la crise de l’enseignement secondaire entre la Fédération et le ministère de l’Education est remontée, de nouveau, en surface. C’est dire que la décision de boycotter les examens du premier trimestre dans les lycées et les collèges constitue une forme d’escalade rappelant le scénario vécu l’année précédente, si ce n’est pire.
Ainsi, l’opinion publique est à nouveau partagée entre ceux qui soutiennent cette décision et ceux qui la rejettent catégoriquement puisque ce sont les enfants qui sont pris en otage tout au long de ce bras de fer. Cette forme de militantisme exploitant le maillon faible, qui n’est autre que l’élève, ne peut être bien accueillie par les différentes composantes sociales, et fera perdre beaucoup de points à la centrale syndicale en termes de popularité.
En tout état de cause, l’histoire et le passé militant de la centrale syndicale ne peuvent être, en aucun cas, remis en cause, aussi bien que son poids sur la scène politique nationale. L’UGTT a toujours été un acteur déterminant durant toutes les phases critiques de la Tunisie. Cependant, la démarche entreprise par certains syndicats peut porter préjudice à cette organisation nationale et à sa crédibilité, notamment, auprès de ses fidèles et de ses multiples sympathisants.
Sarra HLAOUI