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Lotfi Zitoun, le Dr Jekyll d'Ennahdha
12/04/2018 | 19:59
4 min
Lotfi Zitoun, le Dr Jekyll d'Ennahdha

Il est dirigeant au sein du parti islamiste Ennahdha et pourtant… Ses positions, plutôt tempérées, le rapprochent beaucoup plus des laïcs que de ses propres collègues. En fait, Lotfi Zitoun, qui clame haut et fort le droit de disposer de son corps et qui dit sans détour que l’IVD doit être dissoute, représente une autre facette d’Ennahdha, celle qui fait aujourd’hui de la politique et rien que de la politique. Une orientation qui n’est pas au goût de tous et qui fait de la coqueluche de Rached Ghannouchi la cible des attaques de ses pairs radicaux…

 

 

« A Ennahdha il existe un dirigeant au-dessus de la direction du parti. Un dirigeant qui viole les institutions, qui nage à contrecourant et qui puise son audace fallacieuse de l’hégémonie du cheikh président » disait le membre du Conseil de la Choura, Lotfi Amdouni de Lotfi Zitoun. L’imam accuse le dirigeant d’Ennahdha d’être « un danger » et une catastrophe pour le mouvement islamiste, le qualifiant, dans la foulée, de « narcissique » et de « prétentieux ».

 

Rien d’étonnant à cela. Désormais les différends qui opposent l’aile dure d’Ennanhdha et les partisans de Rached Ghannouchi sortent sur la place publique et laissent imaginer le malaise qui règne au sein d'un parti en pleine mue. Ce changement de peau est parfaitement représenté par les dirigeants « progressistes » à l’instar de Lotfi Zitoun ou encore de Zied Lâadhari mais c’est surtout le premier qui brille par ses déclarations « fracassantes », se démarquant ainsi ostentatoirement des prêches habituels des membres de son parti.

 

Celui qui appelait en 2016 à réformer la constitution pour « un régime plus cohérent » et qui accusait ouvertement la Troïka d’être responsable des assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, s’est aussi mis à défendre ouvertement les minorités. Il s’inscrit ainsi dans une logique droit-de-l’hommiste, étrangère aux fondements de l’islam radical qui a jusque-là caractérisé Ennahdha, même si le parti s’en est souvent défendu.

 

Affirmant une position tranchée contre les peines privatives pour les consommateurs de drogue, Lotfi Zitoun s’est aussi rangé du côté du chef de l’Etat affirmant que la question de l’égalité et celle aussi relative aux droits des minorités, méritent d’être posées. « Aucune démocratie n’a été fondée, sans qu’elle n’ait eu affaire à ces questions, et puis l’Islam est apparu à une époque où la femme était privée d’héritage et a prévu un taux minimal d’héritage, un peu comme un SMIG » avait précisé le dirigeant d’Ennahdha, soulignant qu’en démocratie, toutes les questions sont légitimes et que l’important est d’unir les efforts pour y apporter des réponses. Une position qui va encore à l’encontre de la vision de nombreux membres d’Ennahdha, détracteurs de l’égalité.

« La liberté psychologique et intellectuelle est le moteur de la démocratie mais la liberté physique est essentielle à l'épanouissement personnel. Cela inclut le droit à la propriété de votre esprit et de votre corps, et la liberté de l'exercer à votre guise » déclarait encore Lotfi Zitoun, prônant la diversité et les libertés individuelles ainsi que la liberté de conscience. Une autre position à l’antipode de celles véhiculées et portées par son parti conservateur et d’obédience islamiste.

 

Toujours fidèle à une « réconciliation globale », Lotfi Zitoun s’est enfin prononcé « contre la prolongation du mandat de l’IVD » et contre l’exclusion des anciens RCDistes des bureaux de vote de l’ISIE, des positions plutôt courageuses et pas forcément très populaires.

C’est que le dirigeant d’Ennahdha œuvre sincèrement à véhiculer et à promouvoir la nouvelle image de son parti. Un modernisme assumé et une orientation exclusivement politique décidée lors du dernier congrès d’Ennahdha. C’est d’ailleurs ce congrès qui marquera la rupture entre les branches d’un parti jusque-là soudé en bloc. La première fissure avait été provoquée par la coalition avec Nidaa Tounes, et comme cela avait déplu aux laïcs votants de Nidaa, il en a été de même pour les islamistes d’Ennahdha.

 

La rupture elle, a été consommée avec la séparation entre le politique et l’idéologique où plutôt entre les activités de prédications et celles purement politiques. Une décision que la base d’Ennahda a du mal à digérer tout comme l’éloignement des dirigeants historiques du parti à l’instar de Habib Ellouze ou encore de Sadok Chourou. Cette politique menée par le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, déplait. Petit à petit les langues se sont déliées et on a commencé à se démarquer de la ligne adoptée par le cheikh mais aussi de sa tutelle osant remettre en cause ses décisions et ses déclarations. Abdellatif Mekki, Abdelhamid Jelassi et Mohamed Ben Salem n’ont pas hésité à critiquer ouvertement la politique menée par Rached Ghannouchi, son mode de direction ou encore certaines de ses déclarations.

 

L’incident qui s’est produit entre Amdouni et Zitoun, et qui a conduit le bureau exécutif du parti à envisager des sanctions contre le membre du Conseil de la Choura est symptomatique de la division qui ébranle désormais Ennahdha. Les résultats des municipales et l’éventualité de la candidature de Ghannouchi à la présidentielle de 2019, scelleront sans doute le sort de la nouvelle politique adoptée par le parti ainsi que la légitimité du Cheikh…

 

Myriam Ben Zineb

 

12/04/2018 | 19:59
4 min
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Commentaires (8)

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Gg
| 21-04-2018 16:35
C'est beau, cette évolution vers la tolérance.
Mais bien rapide, et fort à propos en ces temps d'elections. Faut-il y croire?

rz
| 20-04-2018 11:01
On oublie vite que ce Zitoun était le fer de lance de la corporation des islamistes alors au pouvoir et le vent en poupe ( bien qu'elle le demeure mais pas face aux projecteurs) avec ses nombreuses fameuses initiatives (Ikbess...). Je pense qu'il n'a pas changé d'un iota mais qu'il s'adapte seulement aux circonstances.

Abir
| 13-04-2018 10:03
Celui qui croit à un seul type Nahdaoui,il est trop naîf ,c'est une ruse de leur part pour attirer les électeurs pauvres d'esprit,il faut toujours mettre dans la tête que leur seul projet c'est le double langage !!!

The Mirror
| 13-04-2018 10:00
Lotfi Zitoun est un vulgaire charlatan d'Ennahdha, qui admirait le président égyptien Mohamed Morsi en 2012, et qui admire le président tunisien Béji Caied Essebsi en 2018.
Rien qu'avec ce constat, le lecteur comprend vite que Zitoun ne mérite même pas que l'on parle de lui.
On peut me retourner la réplique puisque je parle de Zitoun ce matin du 13 avril 2018. Je parle de Zitoun pour une toute autre raison. Je parle de Zitoun pour poser la question à la justice de mon pays:
Lotfi Zitoun, ainsi que Rached Ghanouchi et Rafik Abdessalem, sont tous les trois accusés de corruption en 2016 par The Panama Papers. Qu'a fait la justice tunisienne contre ce trio ? S'ils sont innocents, dites-le, s'ils sont coupables, dites-le aussi et interrogez-les. Ils ne sont pas au-dessus de la loi, ils ne sont pas des citoyens privilégiés, ils ne sont pas plus connus que l'ancien président français Nicolas Sarkozy, que la justice française à mis, d'abord en garde à vue, puis en examen.

Lotfia
| 13-04-2018 09:53
Et il ne se passe pas un jour sans que B.N ne nous gratifie de photos plus belles les unes que le autres.
Y a-y-il un truc ? Non B.N voit et apprécie ce que tout le monde ou presque semble ignorer.
Merci Myriam pour la photo...et pour le reste.
Je voterai "comme vous" pour ce beau gosse aux prochaines élections présidentielles. Sans attendre ni être inquiet sur le contenu de son programme qui accordera certainement une place particulière à la liberté pour chaque individu d'user de son
corps comme il l'entend et notamment le droit aux adeptes des rapports contre nature de se marier et par voie de conséquences d'adopter des enfants.
La reconnaissance viendra alors du monde entier et notamment des gouvernants surpuissants qui tissent dans la soie.
Quelle Gloire ! N'est-ce pas Myriam ?

kameleon78
| 13-04-2018 01:13
On ne peut pas dire Dr Jekyll sans Mister Hyde, l'un ne va pas sans l'autre, donc il fallait écrire Lotfi Zitoun Dr Jekyll le jour et Mister Hyde la nuit. @HatemC a raison, Lotfi Zitoun utilise la Takkya (la dissimulation) en Dr Jekyll et la nuit il se transforme en Mister Hyde la face obscure de la Nahda, celle qui veut instaurer la Chariaâ, celle qui soutient les mouvements salafistes et takfiristes, celle qui soutient les envois de jihadistes en Syrie etc....Lotfi Zitoun est un faucon islamiste, personne n'a oublié le siège de la Télévision Nationale en 2011 par les LPR et leur meneur était Lotfi Zitoun (j'ai une mémoire d'éléphant) pendant des semaines, donc arrêtons de nous dire que Lotfi Zitoun est une colombe.

takilas
| 12-04-2018 21:32
Dailleurs, ils n'ont aucun espoir de persévérer dans leur arnaque, car ce Ghanouchi les a rassemblés à Londres dans l'esprit de manipuler et d'escroquer les gens.
Mais, cette manigance et cette duperie, ne peuvent jamais perdurer, et que certains d'entre eux, dont les plus raisonnables, finiront par éviter et se débarrasser de cette mauvaise posture, et comprendront qu'il est préférable de tourmenter la page et de penser à s'occuper de leurs familles en évitant ces relations trompeuses et contraignantes.

HatemC
| 12-04-2018 21:26
On tombe dans le panneau de la Takkiya .. les islamistes joueront toutes les mélodies pour enrhumer du crétin .. Zitoun est un faucon de Nahdha ... il dira ce qu'on veut entendre mais il n'en pense pas moins ....

Les Nahdhawis nous jouent une partition juste pour nous rouler dans la farine comme cette BIMBO ou ce Juif qui se présentent sous l'étiquette islamiste ... HC