alexametrics
jeudi 28 mars 2024
Heure de Tunis : 11:21
A la Une
L'Instance Vérité et Dignité : Illégale et/ou immorale ?
16/10/2016 | 15:59
6 min
L'Instance Vérité et Dignité : Illégale et/ou immorale ?

Présidente de l’Instance Vérité et Dignité, organe légal de la justice transitionnelle, Sihem Ben Sedrine ne cesse de s’attirer les foudres de ses collaborateurs. On l’accuse de faire mainmise sur une instance qu’elle gère comme un bien personnel et de laisser régner une ambiance despotique sur cet organe de la justice transitionnelle dans lequel il ne fait plus bon de travailler.

Alors que les accusations des membres de l’IVD envers sa présidente se multiplient et se ressemblent, l’instance se retrouve dépourvue de 6 de ses 15 membres initiaux, suite à différents limogeages et démissions. De quoi compromettre sérieusement la légalité de son fonctionnement, à l’heure où le quorum légal pour les réunions et prises de décision n’est désormais plus atteint.

 

« Sihem Ben Sedrine détient un Etat à elle toute seule, dans lequel elle décide de faire ce qui lui chante », a déclaré Lilia Bouguira, membre limogée de l’Instance Vérité et Dignité. Dans une déclaration donnée à Business News hier, samedi 15 octobre 2016, la membre éjectée de l’IVD, aux côtés de Mustapha Baâzaoui, a qualifié la décision de son éviction d’ « illégitime ».

Lilia Bouguira explique qu’après ces deux limogeages, l’IVD ne détient désormais plus le quorum légal. En effet, suite à cette révocation, l’instance se retrouve avec seulement 9 membres, des 15 initiaux. Si cela ne gêne théoriquement pas son fonctionnement, la prise de décision en son sein s’en retrouve largement compromise.

 

Selon l’article 59 de la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, les réunions de l’instance « ne sont valables qu’en présence des deux tiers des membres ». Comment continuera donc l’IVD à se réunir avec seulement 9 membres encore en activité ?

Il est important de souligner, dans ce sens, que si certains fustigent des décisions jugées  « illégales », puisque prises en l’absence du quorum,  la loi réglementant la justice transitionnelle prête à équivoque. En effet, cette loi, faite entièrement sur mesure, ne mentionne pas si le quorum requis implique la réunion des 2/3 des 15 membres initiaux ou alors des simples membres réunis. Cette loi laisse, ainsi, la porte ouverte à de multiples interprétations et donner à la présidente de l’IVD les pleins pouvoirs quant à la révocation et aux décisions « abusives » prises au sein de l’instance.

 

Revenant sur son limogeage, Lilia Bouguira a, également, fait savoir que les motifs invoqués pour son éjection n’étaient pas valables : « J’ai été révoquée pour deux motifs, d’abord pour absences répétées et injustifiées et pour avoir soi-disant violé l’obligation de réserve.  A priori, cette décision est illégale, au moins pour deux motifs. D’abord, l’absence du quorum légal, qui selon l’article 59 de la loi relative à la justice transitionnelle, est de 2/3, dont 5 femmes et avec ma révocation ce quorum n’est plus respecté. Ensuite les deux motifs cités ne sont pas prouvés dans les faits. Nous n’avons divulgué aucun secret et mes absences ont été tout à fait justifiées » a-t-elle ajouté. 

 

Au-delà de l’aspect légal,  les accusations à répétition posent une réelle problématique morale concernant cette instance qui est censée représenter la justice transitionnelle, en étant son unique organe, et qui ne cesse pourtant de cumuler les infractions. Réunions illégitimes, révocations abusives, abus de pouvoirs et de biens publics, soupçons de corruption, dépassements des délais légaux dans certains dossiers… Autant d’accusations qui mettent à mal la réputation d’une instance déjà fragile et qui compromettent sérieusement sa réputation et son intégrité.

 

S’exprimant sur radio Shems Fm, hier, samedi 15 octobre, l’ancien président de l’union des juges administratifs, Ahmed Souab, a appelé la Cour des comptes à se saisir du dossier de l’IVD l’accusant de « nombreuses infractions à la loi ». Il a souligné que de sérieux soupçons de corruption pèsent sur l’instance appelant à ce qu’une enquête soit ouverte dans ce sens.

 

Par ailleurs, une conférence de presse a été organisée hier par l’ancien vice-président, Zouheir Makhlouf, afin de « faire la lumière sur les dépassements à répétition commis par l’actuelle présidente de l’IVD ». En guerre ouverte depuis plus d’un an avec Sihem Ben Sedrine, Zouheir Makhlouf a révélé hier qu’ « un certain nombre de preuves, des documents et des copies des textes de la démission de quatre membres de l’Instance qui ont accusé Sihem Ben Sedrine de tyrannie et exprimé l'impossibilité de continuer à travailler dans l'atmosphère qui règne au sein de l’IVD ». Il a aussi affirmé que l’Instance travaille depuis deux ans et cinq mois et qu’aucun dossier, des 62.000 qu’elle détient, n’a encore été traité.

Par ailleurs, il a souligné un abus des moyens financiers mis à la disposition d’une instance qui « dépense un million de dinars pour l’achat de pâtisseries et deux millions de dinars pour l'achat de voitures ». L’ancien vice-président accuse aussi la commission d'arbitrage et de réconciliation au sein de l’IVD, de « blanchir les corrompus à travers, notamment, le dossier du gendre de l’ancien président, Slim Chiboub ».

 

De son côté, Sihem Ben Sedrine balaye d’un revers de la main ces accusations s’affirmant au-dessus de tout soupçon et promet de présenter sa démission si tout ceci venait à être prouvé. « C’est un gage ! » a-t-elle déclaré. Et pourtant, elle continue de narguer les autorités en place en tançant même le tribunal administratif dont elle refuse d'appliquer les décisions.

 

Force est de reconnaitre, cependant, qu’après le départ de 6 des 15 membres de l’Instance, son travail se retrouve illégitime. De quoi entraver, par la même, tout le processus de justice transitionnelle qu’elle est censée représenter et sous le couvert duquel elle dit agir. Alors qu’elle se donne pour mission de restaurer l’Etat de droit, l’IVD ne cesse de défrayer la chronique à cause des multiples clivages entre ses membres. Des démissions et des limogeages qui posent de nombreuses questions quant à l’ambiance qui prévaut au sein de cet organe de la justice, qui se targue pourtant, d’être au-dessus de tout soupçon.

 

 

Synda TAJINE

 

 

16/10/2016 | 15:59
6 min
sur le fil
Tous les Articles
Suivez-nous

Commentaires (10)

Commenter

L'insulaire
| 18-10-2016 15:30
C'est une grosse perte d'argent pour l'Etat et les contribuables.
On aurait du nommer des anciens sages de la Tunisie pour mener ces affaires mais jamais cette femme vendue aux nahdhaouis....

Monder CHADI
| 17-10-2016 12:37
QUAND Sihem Ben Sedrine comprendra-t-elle qu'elle n'est pas apte pour ce Poste et diriger l'IVD, qui est une institution, en elle-même n'est pas mauvaise pour passer à l'étape suivante ?

sassi
| 17-10-2016 12:27
il faut dissoudre cette instance car elle fait double emploi avec le service de contentieux des affaires du ministere des domaines public
et ceci au moins gagner le salaire des fonctionnaires fantoches au moins 500 000 dinars/an

el manchou
| 17-10-2016 09:31
IVD = Interruption Volontaire de Dictatourie.

3ABROUD
| 17-10-2016 09:20
En fouinant dans les traces de Sihem Ben Sedrine, on voit bien qu'elle a passé sa vie à monter des structures d'information, mais aucune n'a réussi. Elle tentait certainement monter une boite qui puisse lui assurer un revenu stable, mais en vain. Pour dissimuler ses échecs, elle tente de s'intégrer dans la vie associative, où elle s'accroche tant bien que mal. Ces inflexions dans la vie professionnelle et une petite maîtrise de Philo ne lui permettent pas de guider un groupe. L'IVD, une structure chère à la Tunisie, ne mérite pas une telle chef. Pour gérer un groupe, il faut tout d'abord, être bien dans sa peau. La petite taille de Sihem ne peut pas équivaloir la grandeur de six bonhommes. La Tunisie mérite bien mieux que ça !

alia
| 17-10-2016 07:34
Il faut arrêter cette B.Sedrine ***, menteuse et opportuniste

selim
| 17-10-2016 07:31
Je pense qu elle est soutenu par de gros bonnets et des partis politiques qui ne veulent pas qu "elle touche à certain dossiers ,donc elle n'est pas du tout crédible, d 'ailleurs certaines ont quitté cette instance de mensonge

ommiaziza1912
| 16-10-2016 19:35
Ni l ARP ni le chef du gouvernement et meme le president de la republique n ont reagi aux agissements de cette hors la loi. c est quand meme inquietant. Detient elle des secrets ou c est la nouvelle Saida Agrebi du pays

mon pays
| 16-10-2016 17:18
les Tunisiens ont tout dit,maintenant c'est le tour de la justice de faire son rôle,on ra le bol de ce laisser aller!!!

DHEJ
| 16-10-2016 17:06
L'article 35 de la loi organique pondu par le Dilou jadis sinistre machin stipule que les membres de l'IVD sont des FONCTIONNAIRES PUBLIC au sens de l'article 82 du code pénal


Ce qui appuie ma lettre ouverte au Ministre de la Justice d'enquêter sur les suspicions de DILAPIDATION DE BIEN PUBLIC ou encore infraction de l'article 96 du même code.


Seul le MINISTRE DE LA JUSTICE Ghazi JERIBI ancien chef de la muette sous Mahdi APPRENTI peut engager les poursuites contre les membres de l'IVD!